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Le poète est homme

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Par   •  13 Octobre 2014  •  Analyse sectorielle  •  1 660 Mots (7 Pages)  •  985 Vues

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Introduction

Amorce : Les définitions de la poésie, de son rôle, et plus précisément de ses rapports avec la réalité, sont souvent contradictoires et les poètes manifestent à l'égard du réel un mélange d'attirance et de répulsion.

Problématique : Quels liens la poésie entretient-elle avec le réel ? La poésie doit-elle « exprimer la réalité » ou, au contraire, nous en éloigner et la « transfigurer » ?

Annonce du plan : La poésie est une sorte de peinture du monde réel dont elle nous rapproche en en perçant les mystères. Mais elle est aussi une magie qui, grâce au langage et à l'imagination, transforme le monde réel. Ces deux conceptions de la poésie, apparemment inconciliables, sont en réalité complémentaires.

I. Le poète est homme : il doit « exprimer » la réalité du monde

Pour le poète latin Horace, la poésie est une « peinture ». Pourquoi le poète doit-il « exprimer la réalité » ?

1. Le poète est attentif à la réalité

Le poète est un homme qui prend son inspiration dans le monde qui l'entoure.

Il peint parfois de façon très réaliste la vie dans sa crudité : Villon décrit dans la « Ballade des pendus » les pendus aux yeux « plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre ». Ronsard se peint lui-même à l'approche de la mort : « Je n'ai plus que les os... » ; il décrit la jeune Hélène devenue « bien vieille [...] au foyer accroupie ». Baudelaire peint « Une charogne ».

Il puise parfois son inspiration dans une réalité plus délicate : dans « Fenêtres ouvertes », Hugo rend compte des bruits de la vie quotidienne qu'il perçoit de sa chambre.

Le poète s'efforce de rendre la réalité dans toute sa plénitude : les poètes peignent les choses de la vie même. Après le surréalisme qui dédaigne le réel dans sa forme immédiate, Ponge revient dans Le Parti pris des choses aux réalités les plus usuelles : le pain, le cageot... Cadou consacre un poème à « La maison du poète... », remplissant ainsi le rôle que Reverdy assigne au poète : « Considérer toutes choses comme inconnues et [...] se promener ou [...] s'étendre sous les bois ou sur l'herbe, et [...] reprendre tout au début. »

2. Le poète doit être attentif à la réalité sociopolitique

Le poète est capable de nous faire prendre conscience de la réalité sociopolitique. Il fait de sa poésie une « arme chargée de futur » (Gabriel Celaya) et s'engage pour que les lendemains soient meilleurs.

Ainsi, Hugo met son art au service de causes humanitaires : il dénonce le travail des enfants au XIXe siècle dans « Melancholia », l'analphabétisme dans L'Année terrible, les crimes de Napoléon III dans Les Châtiments. Desnos avec « L'Honneur des poètes », Éluard avec « Liberté » font acte de résistance. Plus modestement, Guillevic peint les difficultés de la vie dans « La vie augmente ».

II. Le poète est artiste : il sait dévoiler la réalité profonde

1. Le poète, artiste doué d'une sensibilité aiguë, voit la réalité

Grâce à sa sensibilité, le poète perce la réalité. Il fait voir d'un œil neuf une réalité habituelle, usée. Il dévoile, montre « nues, sous une lumière qui secoue la torpeur, les choses surprenantes qui nous environnent et que nos sens enregistraient machinalement » (Cocteau, Le Secret professionnel).

Le poète, « voyant », « traducteur », « déchiffreur », montre la réalité profonde et fait deviner le monde insoupçonné qui se cache derrière le mur de la rationalité. Baudelaire dans « Élévation » dit qu'il faut comprendre « le langage des fleurs et des choses muettes », principe qu'il met en pratique dans « Correspondances » où s'instaure entre l'homme et la nature un dialogue silencieux de regards et de sons, comme dans la poésie symboliste. Le lecteur peut ainsi se rapprocher de la réalité de manière peu habituelle, par ce mode de connaissance plus approfondie du monde qu'est la poésie.

2. « Artisan du langage », le poète « exprime » la réalité profonde du monde

Pour peindre la réalité profonde du monde, le poète dispose d'un outil : le langage poétique.

Artisan des mots, il en retrouve le sens originel. Mallarmé voulait « redonner un sens plus pur aux mots de la tribu » et rappelait au peintre Degas : « Ce n'est pas avec des idées que l'on écrit, c'est avec des mots. »

Il rend aux mots leur multiplicité de sens. En poésie le mot ne recouvre pas une réalité, mais toutes les réalités possibles. « Le poète n'utilise pas le mot, il ne choisit pas entre des acceptions diverses et chacune d'elles [...] se fond sous ses yeux avec les autres acceptions [...]. Florence est ville et fleur et femme, elle est ville-fleur et ville-femme et fille-fleur tout à la fois », explique Sartre.

Pour cela, le poète recourt aux images (comparaisons, métaphores...) qui, en juxtaposant des réalités ordinairement séparées, font découvrir les liens secrets qui existent entre tous les éléments du monde. Ainsi, les « rayons » d'une bicyclette deviennent des « rayons » de soleil.

3. La poésie fait sortir la réalité profonde de l'être

La poésie permet de saisir la réalité de celui qui écrit, notamment ses émotions. En effet, dans la poésie lyrique, le je transparaît et se trahit. La poésie nourrit des liens étroits avec l'inconscient du poète. Ainsi les surréalistes, par des images insolites, donnent de la réalité à leurs rêves, libèrent leur inconscient. Breton révèle la réalité de son amour par des images insolites : « Ma femme à la chevelure de feu de bois / Aux pensées d'éclairs de chaleur / À la taille de sablier [...] ».

La peinture de la réalité intime du poète permet au lecteur de s'identifier à lui et de comprendre ses plus grands soucis ou ses plus fortes émotions : le poète nous révèle à nous-mêmes,

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