La Chorégraphie Doit-elle nécessairement Dire Quelque Chose

Sujet : Comme les autres arts, la danse peut être illustrative, narrative, abstraite...

Une chorégraphie doit-elle nécessairement dire quelque chose ?

En effet, la danse a plusieurs aspects qui ne nous permettent pas d'établir des règles générales la concernant. De la même manière que la poésie, la danse est un art, et donc par définition est inutile en soi. On peut constater en consultant le dictionnaire que les définitions pour le mot « danse » sont nombreuses et toutes plus ou moins incomplètes. On y trouve une vague explication dans « Suite rythmée et harmonieuse de gestes et de pas » ou bien « Mouvement incessant de quelque chose » dont les deux derniers mots signifient que la danse n'est pas propre à l'Homme. Ce que l'on sait, c'est que cet art est l'art du corps, du mouvement, de l'esprit, et n'a pas de fonction propre, si ce n'est parfois de libérer le corps. Cependant, c'est la danse elle-même qui n'a pas de fonction propre, car il ne faut pas oublier de marquer la différence entre danse et chorégraphie. En effet si la danse n'est pas faite pour signifier, la chorégraphie l'est peut-être. La chorégraphie (du grec khoreia : la danse en choeur et graphé : l'écriture) est, que ce soit dans le domaine de l'abstrait, du narratif ou de l'illustratif, l'expression de sensations et de désirs, plus ou moins concrets et c'est ce qui, associé au choix personnel et au style du chorégraphe, décidera du domaine dans lequel sa chorégraphie s'inscrira ; elle est la mise en signification d'un art qui n'a ni fonction, ni codes. Nous pouvons alors nous demander si la signification est une nécessité pour la danse, si c'est cela qui justifie son existence.

Effectivement, on peut considérer que la danse est un art et qu'elle n'est donc pas faite pour signifier quelque chose sauf si elle est investie par des personnes qui en font leur métier et qui cherchent à lui donner un sens, mais d'autre part il est vrai aussi que ce travail de mise en signification n'est pas toujours perceptible, car cela nécessite un public averti.

L'art en lui-même et d'après la théorie de l'art pour l'art (Théophile Gauthier, fin du 19ème siècle) du mouvement parnassien, pour être art, se doit d'être inutile. Il se suffit à lui-même et n'a pas de fonction propre. C'est pour cela que la danse en elle-même est un art, car la mise en mouvement du corps, sans contraintes ni codes, est purement inutile, dans certains cas elle n'implique même pas l'esprit : cherchez le sens des mouvements du corps de la personne qui danse devant le miroir de sa salle de bains tout en se brossant les dents. Et pourtant cette personne danse. Elle s'exprime, elle se défoule à travers des mouvements aléatoires, elle s'écrit dans une suite de gestes plus ou moins incohérente, et ce que fait cette personne n'est rien d'autre que de la danse. C'est en cela que la danse se détache de la chorégraphie, elle est ce que Les Fleurs du mal sont à L'invitation au voyage et en quelque sorte ce que la période bleue de Picasso est à La Vida. Elle est la mise en forme et la codification d'un travail qui implique une émotion, une idée, un état d'esprit et en danse, des corps. Le chorégraphe donne un sens à cette suite de gestes incohérents, il y ajoute de sa lumière, lui donne la signification qu'il entend. Elle devient donc un art académique, ou au contraire, novateur, un art qui serait art car il casserait les codes instaurés, mais qui serait chorégraphique puisqu'il admettrait l'existence de ces codes.

Mais la danse n'est elle pas vraie que dans son état originel ? N'est elle pas art que par elle-même ? Essayer de lui donner un sens serait-il lui enlever sa beauté, son innocence ? Car la danse sans règles, codes, ou autre convention est l'enfance du corps. Elle n'implique personne d'autre que celui qui danse. La chorégraphie serait alors « anti-art » car elle cherche a nommer et répertorier les expressions d'un corps, pour ensuite les appliquer à d'autres,

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