Étude de la préface du roman Pierre Et Jean (1888) de Maupassant
Documents Gratuits : Étude de la préface du roman Pierre Et Jean (1888) de Maupassant. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Weninou • 30 Mars 2015 • 362 Mots (2 Pages) • 1 962 Vues
Le romancier, au contraire, qui prétend nous donner une image exacte de la vie, doit éviter avec soin tout enchaînement d’événements qui paraîtrait exceptionnel. Son but n’est point de nous raconter une histoire, de nous amuser ou de nous attendrir, mais de nous forcer à penser, à comprendre le sens profond et caché des événements. A force d’avoir vu et médité il regarde l’univers, les choses, les faits et les hommes d’une certaine façon qui lui est propre et qui résulte de l’ensemble de ses observations réfléchies. C’est cette vision personnelle qu’il cherche à nous communiquer en la reproduisant dans un livre. (…)
Mais en se plaçant au point de vue même de ces artistes réalistes, on doit discuter et contester leur théorie qui semble pouvoir être résumée par ces mots : « Rien que la vérité et toute la vérité. »
Leur intention étant de dégager la philosophie de certains faits constants et courants, ils devront souvent corriger les événements au profit de la vraisemblance et au détriment de la vérité, car :
Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.
Le réaliste, s’il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même.
Raconter tout serait impossible, car il faudrait alors un volume au moins par journée, pour énumérer les multitudes d’incidents insignifiants qui emplissent notre existence. Un choix s’impose donc. (…)
La vie encore laisse tout au même plan, précipite les faits ou les traîne indéfiniment. L’art, au contraire, consiste à user de précautions et de préparations, à ménager des transitions savantes et dissimulées, à mettre en pleine lumière, par la seule adresse de la composition, les événements essentiels et à donner à tous les autres le degré de relief qui leur convient, suivant leur importance, pour produire la sensation profonde de la vérité spéciale qu’on veut montrer.
Faire vrai consiste donc à donner l’illusion complète du vrai, suivant la logique ordinaire des faits, et non à les transcrire servilement dans le pêle-mêle de leur succession.
J’en conclus que les Réalistes de talent devraient s’appeler plutôt des Illusionnistes.
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