Plaidoyer

Monsieur le Juge, Mesdames et Messieurs les jurés.

Je m'adresse à vous aujourd'hui pour répondre à la question suivante : Qui accusons-nous aujourd'hui ? Alfred Dreyfus, un homme d'origine alsacienne accusé de trahison envers la France, mais avec quelles preuves plausibles ? Aucune. Et pourtant, depuis bientôt quatre ans, mon client est emprisonné sur l’île du Diable, en Guyane.

Comment une République peut-elle exister sans ses valeurs ? La liberté, l'égalité et la fraternité, qui composent notre devise de IIIe République n’ont pas été prises en compte lors du procès de mon client, le 19 décembre 1894 ! Suite à la lettre anonyme adressée à Max von Schwartkoppen retrouvée dans les corbeilles de l'ambassade d'Allemagne à Paris, il est évident qu'un officier français lui livre des renseignements et trahit son pays. Afin de trouver le coupable, des comparaisons d'écriture ont été réalisées. Ces dernières, bien que décelant de nombreuses divergences, ont permis d'accuser mon client immédiatement. Mais est-ce acceptable de condamner un homme avec si peu de preuves ?

Ou simplement le fait qu'il soit juif. Devons-nous juger un homme sur ses croyances qui sont tout simplement différentes des nôtres ? Est-ce une raison valable ? Non ! C'est à l'encontre de l'égalité, si prônée par notre République. De plus, la rapidité du procès et son caractère confidentiel abusif, laissent présager un désavantage envers mon client. Où sont les valeurs de la République ? Les présomptions qui ont motivé l'arrestation de mon client accusé d'avoir communiqué à des étrangers quelques documents peu importants sont-elles sérieuses ? Les proches de mon client sont persuadés du contraire, c'est pourquoi ils se battent, depuis bientôt quatre ans pour obtenir sa réhabilitation !

Monsieur le Juge, mon client a été victime d'un complot judiciaire dans un contexte social particulièrement propice à l’antisémitisme. Il faut absolument, aujourd’hui, tenir compte des valeurs de notre République, jusque-là tant ignorées. Je vous demande de ne pas retenir les accusations portées à l’encontre de mon client et de l’acquitter. Jugez plutôt les trois experts en écriture, Messieurs Belhomme, Varinard et Couard, qui, eux, ont fait des rapports mensongers et frauduleux. Réfléchissez-y. Je vous remercie de votre attention.

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