Quand l’immatérialité prend forme: Réflexions sur l’esthétique post-internet
Discours : Quand l’immatérialité prend forme: Réflexions sur l’esthétique post-internet. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar juliettemp • 14 Novembre 2021 • Discours • 965 Mots (4 Pages) • 364 Vues
Quand l’immatérialité prend forme : Réflexions sur l’esthétique post-internet
Par Juliette Marzano
« Tout est forme, et la vie même est une forme. »[1]
Honoré de Balzac
La perception n’est jamais neutre ni passive. Bien au contraire, elle est chargée de bagages culturels et théoriques, qui conditionnent une manière subjective de vivre toute expérience au monde. Alors qu’ils sont eux-mêmes formes, les êtres humains ont cette particularité de créer des formes inédites, qui ne relèvent pas de l’existence biologique. Parmi elles se trouvent les formes que propose l’art.
S’il est généralement admis que l’homme sur la croix dans la toile Mond Crucifixion (1503) de Raphaël représente un épisode tragique du Christ, il est toutefois moins évident d’appréhender l’idéologie révolutionnaire russe dans le carré rouge de Réalisme d’une paysanne en deux dimensions (1915) de Kasimir Malevich. Ces deux toiles, aux compositions formelles opposées, s’inscrivent pourtant dans un contexte historique précis, qui a participé à façonner le rapport au monde de leur auteur, et ainsi leur conception esthétique.
La perception subjective du monde extérieur conditionne la forme de la création. Or, dans l’environnement actuel, transformé quotidiennement par les avancées technologiques, comment se traduit l’expression formelle ?
L’immatérialité comme forme artistique
Fred Forest, artiste et pionnier du mouvement Net.art (1996), s’était penché sur cette question, dès 1997, dans son livre Pour un art actuel — L’art à l’heure d’Internet[2] :
« Nous le répétons avec insistance : nous changeons de culture et l’on est en droit de s’interroger sur son devenir, alors que sous ses formes officielles et dominantes, on peut voir encore l’art contemporain exposé dans des galeries parisiennes branchées, à la FIAC, à la Biennale de Venise, à la Documenta de Kassel, utiliser des modèles et des supports artisanaux sans rapport aucun à nos matériaux et notre environnement moderne. »[3]
Une distorsion qui pose selon lui dès 1990 l’idée d’un décalage entre l’art officiel (celui des grandes institutions artistiques) et l’état de la société déjà grandement informatisée[4]. Forest comprend l’importance historique qu’opère l’Internet sur l’émergence d’une société nouvelle, c’est-à-dire une société qui base dorénavant son économie sur l’échange d’informations et de services[5]. Un environnement, donc, qui perd de sa matérialité, pour se tourner vers des biens, des modes de production et des lieux immatériels.
Critiques de la société de consommation en pleine expansion, les artistes de l’art conceptuel des années 1960 jouaient déjà de l’immatérialité formelle, en délaissant l’objet d’art, autrefois garant de la valeur esthétique, au profit de l’idée et du concept. Avec le Net.art, cette notion se radicalise. L’artiste des années 1990 est, selon Fred Forest, un « individu “actif” des nouvelles technologies de communication », s’inscrivant dans « une culture qui ne repose pas tant sur l’accumulation de biens fixes que sur la capacité pratique à communiquer tous azimuts. »[6]
Ces nouvelles expressions formelles sont de nature insaisissable, éphémère et hétérogène[7]. Des formes donc informes, puisque continuellement transformées par les flux d’informations et existant exclusivement sur Internet. C’est ainsi qu’en 1996, Fred Forest crée Parcelle réseau, une oeuvre uniquement accessible sur le web par un code d’accès confidentiel. Elle sera vendue pour 58 000 francs.
L’expression formelle dans l’esthétique post-internet
À l’inverse du Net.art, les œuvres post-internet sont pensées en fonction de leurs matérialités. Coexistant auprès d’une diversité accrue de moyen de présentations et de diffusions, ces images et objets adoptent des formes fluides.
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