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Pr. Fabrizio Lollini: Le restaurant comme symbole de la vie moderne

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Par   •  20 Mai 2013  •  2 739 Mots (11 Pages)  •  2 039 Vues

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Van Ingelgem Gaëlle Alimentazione e arti visive

Université Libre de Bruxelles

Analyse de deux œuvres d’art à caractère alimentaire

Pr. Fabrizio Lollini

Le restaurant comme symbole de la vie moderne

avril 2013

Étude d’Intérieur d’un restaurant de Vincent van Gogh et de Chez le Père Lathuille d’Edouard Manet Introduction

Né dans les années 1760 comme institution bien distincte de l’auberge, du café ou du magasin de traiteur, le restaurant avait pour vocation première de «restaurer» le client en lui procurant un consommé ou un bouillon rappelant une alimentation simple et paysanne. Symbole de la modernité de par son caractère innovant, le restaurant proposait pourtant une nourriture ancienne et représentant la simplicité. Ainsi dès le départ, cette pratique nouvelle s’inséra dans le débat entre Anciens et Modernes, prégnant à l’époque, en réconciliant d’une certaine manière les deux bords. La gamme des produits proposés augmenta rapidement, les restaurateurs cherchant avant tout à combler les besoins et les envies individuelles des clients. Car contrairement au traiteur ou à l’auberge, le restaurant se mit à pourvoir des repas se déclinant sur assiette et donc uniques, chacun étant libre de commander ce qui lui plait parmi une très large variété de plats, comme en témoignent les menus du 19ème siècle1. Ainsi le restaurant, comme nouvelle forme de consommation et de loisir incluant une nouvelle classe sociale, à savoir la bourgeoisie, rentre parfaitement dans le concept de modernité caractérisant l’évolution générale de la société de l’époque. Nous verrons dans ce travail comment le restaurant – cette nouvelle forme de récréation bourgeoise représentative de la modernité – fut représenté par des peintres issus du modernisme, à savoir utilisant de nouvelles techniques2.

Si, en créant l’individu, le restaurant se distingue des pratiques alimentaires hors foyer qui prévalaient avant son apparition, nous serons emmené à constater que la représentation, que les peintres du 19ème siècle en donnent, montre une image plus nuancée de sa fonction sociale.

Manet a, comme d’autres de ses contemporaines, représenté dans son œuvre le Paris moderne, quotidien, celui des citoyens en s’éloignant des préceptes du Salon considérant la réussite d’un tableau en fonction de la noblesse du sujet traité, le sommet étant bien entendu le sujet mythologique. Le café devint particulièrement populaire parmi ces artistes, qu’ils utilisaient comme thématique mais aussi comme lieu d’échange et de travail3. Il est intéressant de constater qu’alors que le café apparait à de multiples reprises dans leurs œuvres, le restaurant est quant à lui presque absent ou n’apparait que de manière isolée. Pourtant, en tant qu’invention moderne et lieu de loisir et de plaisir de cette nouvelle société modernisée, celui-ci rentrait particulièrement bien dans les préoccupations des artistes. Ce désintérêt de surface est dû à la vocation du restaurant. En effet, la grande nouveauté du lieu est qu’il propose une séparation physique des clients, chacun s’installant à une table particulière, avec une personne familière ou du moins choisie. Contrairement à l’espace du café dans lequel la proximité entre les clients, bien plus palpable, crée un élément d’ambiguïté et de tension, le restaurant met en scène des entités cloisonnées, la frontière entre chacune étant bien plus difficile à franchir4.

Pourtant, tensions et ambiguïtés, nuances et contradictions ne sont pas des éléments absents de cet espace social, même si plus subtilement présents que dans les cafés,

1 R.L SPANG, The invention of the restaurant: Paris and modern gastronomic culture, Cambridge, Harvard University

Press, 2000, pp. 12-63

2 J.H. RUBIN, Impressionism and the modern lanscape : productivity, technology and urbanization from Manet to van Gogh, Berkeley, University of California press, 2008.

3 K. A. ZACHREL, Modern consumption: restaurant and cafe culture in the art of Manet and Degas, Thèse en His- toire de l’art, Kansas City, University of Missouri-Kansas City, 2008. [En ligne] <http://books.google.fr/books?id=9et- v5vhFeNgC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false> (Consulté le 3

avril 2013), p. 1

4 K.A. ZACHREL, op cit., p. 4

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Van Ingelgem Gaëlle Alimentazione e arti visive Université Libre de Bruxelles avril 2013

cabarets et autres lieux de sociabilité bien connus. Des artistes comme Manet et van Gogh l’ont bien compris, leurs œuvres constituant une source essentielle pour les historiens car permettant de mieux comprendre le rôle que cet environnement joue dans la société urbaine.

Intérieur d’un restaurant de van Gogh

Dans cette peinture, van Gogh dépeint l’intérieur d’un restaurant moderne de Paris ou de sa province. La salle aux murs colorés et ornés de tableaux dévoile des tables ordonnément disposées, richement décorées de fleurs et de draps blancs et parfaitement dressées5. Alors que la blancheur nacrée des nappes apporte une sensation de propreté à l’espace, l’alignement des tables donne une impression d’ordre et de rangement6. Les fleurs constituent le seul élément qui varie d’une table à l’autre afin de rendre l’endroit plus festif et moins austère, mais aussi à symboliser le caractère autonome et différentiel de chacune des tables. En nous présentant des petites entités individuelles au sein d’un espace public ouvert à tous, Vincent van Gogh nous décrit un espace à l’intersection entre le public et le privé. Ce lieu caractérisé par Spang comme «publiquement privé» a en effet la particularité de certes constituer un élément public dans lequel les gens se rencontrent, ont la possibilité de discuter et d’échanger mais contrairement au café ou aux autres sphères mondaines comme les lieux de spectacles, de cabarets, de promenades, le désir privé et l’acte individuel constituent les aspects principaux de la rhétorique du restaurant7.

Les tableaux aux murs sont également intéressants car ils illustrent un autre rôle du restaurant à l’époque moderne, à savoir celui d’exposant d’œuvres d’art. Le fait d’organiser des expositions dans des cafés n’était

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