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Le Trou Du Regard De Antonio Quinet

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Par   •  11 Octobre 2013  •  5 846 Mots (24 Pages)  •  1 620 Vues

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Dans l'Antiquité, l'épisthémè de la similitude donnée par l'optique permet l'identification du regard avec la lumière: flux visuel et flux lumineux, couleur, reflet, ruissellement, brillance, éclat participent au regard. Dans la philosophie, surtout avec Platon, désir érotique, désir du beau, désir de savoir sont en continuité et participent aussi au regard. Ces deux aspects du regard, présence dans le visible et dans le désir, seront effacés par

l'épisthémè de la représentation qui caractérise l'âge classique[2] avec l'apport de l'optique géométrale et de la phénoménologie de la perception excluant du champ visuel, le désir et la jouissance. Cette remarque ne vient pas ici pour faire le culte au génie grec et dire que nous avons perdu son héritage, mais pour souligner que la psychanalyse avec Freud et son concept de pulsion scopique et Lacan avec son concept d'objet regard, a pu donner la structure de ce qui fut thématisé dans l'Antiquité dans le domaine de la philosophie, de l'optique, des mythes et du théatre concernant le scopisme.

Cette conclusion n'est pas complètement nouvelle. Merleau-Ponty, dans L'oeil et l'esprit[3] (1960) a noté qu'avec Descartes la pensée ne "veut plus hanter le visible" et que

depuis "il ne reste plus rien du monde onirique de l'analogie". Gérard Simon dans Le regard,

l'être et l'apparence dans l'Optique de l'Antiquité [4] (1988) a remarqué dans cette étude, que depuis l'avènement de la science classique au XVIIe siècle on peut se passer de l'oeil et du regard qui accomplissaient "le mystère de la transmutation du visible en du vu". Et Max Milner

dans On est prié de fermer les yeux[5] (1991), conclut ce remarquable travail sur le regard dans la mythologie grecque et dans la littérature, par l'affirmation que la "psychanalyse introduit, dans la réflexion sur le regard humain, une dimension à laquelle, comme on l'a vu au début de ce livre, l'optique des anciens faisait sa place, et que l'optique géométrale, dont nous sommes tributaires dans la plus grande partie de notre existence et de notre pensée, risque d'occulter

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totalement." Et il fait référence à la formule lacanienne ("Dans le champ scopique, le regard est au-dehors, je suis regardé, c'est-à-dire je suis tableau") sans pour autant en tirer les conséquences pour son étude, qui en vérité n'avait nullement cette visée.

La nouveauté de notre travail consiste justement à tirer les conséquences du concept du regard comme objet a et à expliciter les phénomènes repérés par nombre d'auteurs, à travers la structure du champ scopique, que nous avons déployée tout au long de notre parcours. Si nous pouvons repérer la place importante accordée au regard dans l'Antiquité grecque, cela ne veut pas dire que le regard était vraiment thématisé en tant que tel comme le fera la psychanalyse de Jacques Lacan.

Soit dans la philosophie, soit dans l'optique, soit dans les mythes grecs, nous trouvons à partir d'une lecture d'après-coup - avec les lunettes du psychanalyste averti par l'enseignement de Lacan -, ici et là, épars, les caractères du regard qui seront déployés par la psychanalyse comme objet plus-de-jouir.

Notre intérêt dans ce travail n'était pas vraiment inspiré par une épistémologie des sources lacaniennes qui ont donné l'origine au concept du regard comme objet a mais plutôt par la relecture des textes philosophiques de référence de Lacan pour mieux cerner les diverses modalités d'émergence de cet objet si insaisissable et pour mieux en extraire les conséquences théoriques et pratiques.

Notre regard dans cette lecture n'était pas neutre. Armé des concepts analytiques, nous avons pu tirer quelques conséquences où les résultats de la psychanalyse convergeaient avec ceux de la philosophie. Ainsi, nous pouvons esquisser, d'après le modèle lacanien, une schize entre la vision et le regard chez Platon: la vision est du côté des simulacres, des corps, des objets, des artefacts et même des objets mathématiques. Mais là où la vision fait défaut, dans le domaine des Idées, là émerge le regard, la théoria. Et l'activité du philosophe n' est autre que théorein, contempler, examiner, observer, méditer - où le regard se fait cause du savoir. Et le Bien dans sa fonction causale - en tant que cause du savoir et cause de la vérité - peut être le nom platonicien de l'objet a dont la modalité qui y est privilégiée a fait que Platon scopise, à travers le mythe de la caverne, toute la dialectique pour arriver au savoir, et aussi à

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sa cause. La contemplation, comme la décrit Aristote, en opposition à la quête ou désir de savoir, est du côté de la jouissance: la "pleine suffisance appartiendra au plus haut point à l'activité de contemplation". Voilà la façon aristotélicienne d'opposer désir et jouissance. Si la paideia est du côté du désir de savoir, la contemplation est jouir du savoir.

Si Aristote justifie le désir de savoir par la visée finale d'une jouissance scopique de la contemplation et si Saint Augustin et Saint Thomas d'Aquin évoquent la "convoitise des yeux", c'est Freud cependant qui a conceptualisé la libido dans le savoir dont la cause n'est autre que l'objet de la pulsion scopique. C'est bien ce que nous démontre notre analyse de la pièce de Sophocle: l'objet cause du désir de savoir qui animait Oedipe se dévoile à la fin comme regard. Et le savoir se fait ça voir.

L'articulation entre le savoir et le regard que nous rencontrons dans l'optique et dans la philosophie antiques, est un fait de structure comme nous le démontre la théorie de l'objet regard et de la pulsion scopique dans la psychanalyse.

Le concept de pulsion scopique a permis à la psychanalyse de rétablir une fonction d'activité de l'oeil, non plus comme source de la vision mais comme source de libido. Là où les anciens conceptualisaient le rayon visuel et le feu du regard, la psychanalyse découvre la libido de voir et l'objet regard en tant que manifestation de la vie sexuelle. Là où était la vision, Freud découvre la pulsion.

Avec

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