L'art Et La Guerre Froide : Une Arme Au Service Des États-Unis
Compte Rendu : L'art Et La Guerre Froide : Une Arme Au Service Des États-Unis. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Testocrack • 11 Juin 2015 • 1 951 Mots (8 Pages) • 1 761 Vues
L’art et la Guerre froide : une arme au service des États-Unis
Le discours présentant le Plan Marshall en juin 1947 et la refondation d’une
Internationale Communiste en septembre (Kominform) lancent « officiellement » la
Guerre froide, déjà annoncée dans le célèbre discours de Churchill en mars 1946. La
crispation bipolaire qui définit la Guerre froide pendant au moins la décennie qui suit,
est, par essence, idéologique, car il s’agit d’un affrontement de systèmes de valeurs et
d’organisations du monde ; il est également culturel car les deux puissances se
combattent par l’image, le son, la propagande et non par les armes. Le deuxième
conflit mondial a fait des États-Unis une superpuissance économique, militaire,
politique qui découvre alors le « cultural power ». Face à l’URSS qui investit depuis
longtemps pour séduire l’Europe, l’Amérique de Truman et d’Eisenhower commence
à user de l’arme culturelle à des fins de politique étrangère et même de guerre
idéologique. Si ce n’est pas complètement neuf - l’Office of War Information a tenu
lieu pendant la Seconde Guerre mondiale de ministère de la propagande -, cette
vigoureuse politique culturelle extérieure est néanmoins contraire à la tradition
libérale américaine. Elle s’effectue donc selon des formes et avec des attendus
particuliers, qui la distinguent de sa concurrente soviétique, même si toutes deux
visent à un même effet de conviction/séduction de leurs modèles respectifs.
Un arsenal de mesures pour fourbir les armes du Psychological Warfare
Dès 1946, le ministère des Affaires Étrangères, pour la première fois, finance deux
programmes d’expositions de peintures amenées à voyager en Amérique du Sud et en
Europe, vitrines de l’excellence de l’art américain. Les accords Blum-Byrnes de mai
1946 négocient, contre financement, la possibilité pour les films américains
d’atteindre le marché français avec des protections douanières limitées. En résulte un
déferlement de films hollywoodiens. Produites pendant la guerre, financièrement
amorties et donc redoutablement concurrentielles pour leurs homologues françaises,
les histoires made in Hollywood séduisent les Français et, plus généralement, les
Européens. La même année, le vote du programme de bourses imaginé par le sénateur
républicain Fullbright permet des milliers de voyages d’Européens aux Etats-Unis :
artistes, intellectuels, professeurs, scientifiques, nombreuses sont les personnalités
qui, au sortir de la guerre, font le « Grand tour » américain, invitées à observer et à
admirer – sorte de contrepoint idéologique au voyage au pays des Soviets effectué par
tant de compagnons de route dans les années 1930. Par ailleurs, il faut noter que le
Plan Marshall voté par le Congrès en 1948 comme outil de reconstruction
économique et politique d’une Europe occidentale qu’il contribue à dessiner,
comporte un volet culturel plus diffus et plus dissimulé, rajouté par l’administration
Truman dans une optique anti-communiste de promotion de l’American Way of Life.
Tandis que la radio publique Voice of America, créée en 1942, est relancée, le SmithMundt
Act (1948) autorise les États-Unis à utiliser tous les moyens éducatifs,
d’information, de propagande dans la confrontation culturelle et psychologique avec
l’URSS. C’est ainsi que les universités américaines vont aider au lancement, un peu
partout en Europe, des « American Studies » dans une perspective autant idéologique
qu’intellectuelle. Au sein de cet arsenal de mesures, deux projets se singularisent par
la subtilité avec laquelle la « propagande » est comprise, tant sur le fond que sur la
forme.
L’expressionnisme abstrait , un art américain
Tout d’abord, il s’agit de l’émergence après la guerre d’une nouvelle école artistique
baptisée « expressionnisme abstrait » (« Abstract Expressionism») et dont les plus
glorieux représentants sont : Jackson Pollock, Mark Rothko, Arshile Gorky…
Rompant avec leur passé de peintres progressistes, réalistes, engagés dans l’œuvre
artistique du New Deal du temps de la Works Progress Administration, ces artistes
créent un courant spécifiquement américain dans la grande saga de l’art moderne du
XXè siècle. Inspirés par les œuvres des grands artistes européens du premier XXè
siècle et ayant eu l’occasion de les fréquenter, parfois quotidiennement à New York
où beaucoup (Max Ernst, Robert Matta, Marcel Duchamp, André Masson, Fernand
Léger, Pietr Mondrian, Chagall..) étaient exilés entre 1940 et 1945, les nouveaux
peintres américains choisissent l’abstraction, l’abandon de prétentions politiques
révolutionnaires, le corps à corps avec la toile et la sacralisation du geste créateur.
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