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Fiche de lecture : Thomas Crow, La peinture et son public au XVIIIe

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Par   •  21 Mars 2020  •  Fiche de lecture  •  3 186 Mots (13 Pages)  •  915 Vues

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Thomas Crow, La peinture et son public à Paris au XVIIIe siècle

Fiche de lecture

Le XVIIIe siècle, sous l’influence des lumières est une période qui marque la transition entre un système féodal et un système démocratique. Ainsi, les mentalités évoluent et le monde est progressivement appréhendé d’une toute autre manière. Thomas Crow au sein de son ouvrage : La peinture et son public à Paris au XVIIIe siècle expose les problématiques rencontrées par le milieu artistique et plus particulièrement par celui de la peinture au cours du XVIIIe. Né en 1948 à Chicago, après avoir enseigné dans de nombreuses universités américaines il a été nommé directeur du Getty Research Institute à Los Angeles. Il est l’auteur de nombreux ouvrages mais leur visibilité est moindre dans le monde francophone car seulement deux d’entre eux ont été publié en français. Le travail de l’historien Robert Darnton1 a définitivement marqué l’oeuvre de Thomas Crow que ce soit dans son approche historique et politique du monde des beaux arts ou dans le lien qu’il développe entre l’opinion publique et le gouvernement. La démarche de Crow s’oppose pourtant à celle d’autres historiens de l’art comme Michael Fried2 spécifiquement en ce qui concerne l’étude de la relation entre le spectateur et la toile. Par ailleurs, Crow dédiera un ouvrage entier à l’artiste David et à son entourage artistique intitulé l’Atelier de David qui approfondie le dernier chapitre de La peinture et son public à Paris au XVIIIe siècle. Au sein de notre objet d’étude, l’auteur expose la thèse selon laquelle l’émergence de la contestation politique serait inéluctablement liée au milieu artistique et aux acteurs qu’il comprend. Ainsi Crow nous fait part des interactions incessantes entre peintres, commanditaires, institutions et critiques qui rythment le XVIIIe à Paris. Il met en lumière l’affleurement d’une figure nouvelle dans le monde de l’art : le public, qu’il défini comme « une entité cohérente, habilitée à légitimer l’exercice de l’art ainsi qu’à déterminer la valeur relative de sa production » (p9). Ce nouveau

1 Robert Darnton, est un historien américain, spécialiste des Lumières européennes et de l'histoire du livre sous l’Ancien Régime.

2 Contrairement à Thomas Crow, qui met en lumière les interactions entre la peinture et son public d’un point de vue social, Michael Fried, dans La place du spectateur, propose de placer au centre de ses préoccupations la relation intime entre un tableau et son spectateur.

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membre bouleverse les beaux arts et est à l’origine de nombreux questionnements notamment sur légitimité et la hiérarchisation dans le monde de l’art. Ainsi, à travers l’étude approfondie du phénomène du Salon : exposition plus ou moins régulière des membres de l’Académie de peinture et de sculpture se déroulant à Paris tout au long du XVIIIe, Crow aborde une multitude de sujets et d’artistes significatifs de l’évolution et surtout de la démocratisation du milieu. De fait, Crow alterne entre l’étude de problématiques telles que celles du lieu public, des fêtes galantes et publiques, des relations entre le Salon et la rue ou encore de celles entre la peinture et les politiciens sans oublier la question d’appartenance du Salon et entre l’étude approfondie de l’oeuvre de trois peintres : Watteau, Greuze et David qui mettent en valeur les changements caractéristiques du XVIIIe siècle. Dans quelles mesures l’ouvrage de Thomas Crow rend t-il compte à travers le nouvel acteur que constitue le public des bouleversements socio-politiques qui rythment le XVIIIe siècle ? Nous étudierons dans un premier temps le début du XVIIIe siècle et la période de la Régence au cours desquels émerge un public hétérogène et une certaine démocratisation de l’espace public. Puis nous nous concentrerons sur les années 1750 qui témoignent de la division des élites et du rôle central du public. Enfin nous verrons en quoi politique et esthétique sont deux figures antagonistes à l’aube de la Révolution.

L’ouvrage de Thomas Crow met en lumière le tournant que constitue le XVIIIe siècle pour les beaux arts. L’alliance entre peinture et monarchie absolue se brise progressivement pour laisser place à des institutions artistiques qui s’affirment et qui deviennent alors régentes du monde de l’art. L’Académie royale de peinture et de sculpture est la principale actrice de cette institutionnalisation de l’art. Chargée d’enseigner mais également de réguler les productions artistiques de l’époque, l’Académie est la maîtresse du goût et dicte les normes en ce qui concerne cette discipline. Ainsi elle est la référence officielle et est libre de sélectionner ses artistes à son gré. L’Académie constitue alors le premier lieu entièrement dédié au domaine artistique. Autrement dit grâce à l’Académie l’art trouve son identité propre qui n’est dorénavant plus exclusivement liée à l’absolutisme. La peinture fait alors irruption dans la vie quotidienne de la ville par l’intermédiaire du phénomène du Salon qui s’érige alors comme le deuxième « lieu de l’art ». Mis en place par l’Académie, le Salon est à l’origine un « indicateur de la production artistique » mais Crow ne s’attarde pas sur cet aspect. Effectivement le Salon est la première manifestation artistique officielle qui se voit ouverte à tous. Ainsi toute classe sociale y est la bienvenue, s’opère alors une certaine démocratisation de l’art. De fait, c’est bien par son institutionnalisation que la peinture trouve une nouvelle orientation. Très vite la peinture se retrouve alors au coeur de la vie culturelle de Paris et le nombre d’amateur se multiplie. Cet intérêt soudain pour les beaux arts qui avant 1670 étaient loin de

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faire l’objet de tant d’agitation marque la naissance de groupes férues de peinture. Le plus connu d’entre eux est le cercle gravitant autour du financier Crozat. La démarche de Crow vise à mettre en valeur la progressive émancipation de l’art lorsqu’il mentionne ces groupes d’amateurs. Effectivement, ce milieu qu’il qualifie de « mi- public mi-privé » s’improvise acteur du monde artistique et en devient un membre primordial. Ainsi les institutions artistiques se polarisent et de plus en plus d’agents se voient sollicités. Ce revirement de bord sera alors à l’origine d’une reconsidération des relations qui entourent la peinture. Le système jusqu’a lors exclusivement binaire ouvre ses portes à un nouvel acteur : le public. Thomas Crow offre une étude presque sociologique du Salon. Effectivement en s’appuyant sur des textes d’époque il tente de peindre un portrait du nouveau public qui assiste à cette manifestation artistique. La gravitation de classes sociales différentes autour d’un seul et même objet est un évènement inédit dans ce milieu. La définition du public de l’époque est donc difficile à établir tant il est hétérogène. Ce partage de l’espace public et les nombreuses réflexions qui y fleurissent constituent alors un objet d’étude intéressant dans le sens où ils sont à l’origine d’une remise en question totale de l’approche de la peinture. Effectivement l’enjeu principal est la question de la légitimité. Thomas Crow retranscrit dans son ouvrage l’incertitude que provoque l’émergence de ce public dans le monde artistique qui rend compte des mentalités de l’époque encore très bridée par le système féodal. Pourtant ce phénomène est bien annonciateur de la fin de ce régime puisque les frontières entre les classes semblent petit à petit se brouiller. De plus cette entité qu’incarne le public prend place en tant qu’actrice a part entière de la création artistique. Le jugement du public devient l’instigateur des règles à suivre. Effectivement la production d’un artiste se voit finalement dictée par le goût du public mais également par la presse qui relaye les avis de ce dernier. Crow se sert de l’exemple de Diderot3 qui prétend être un interprète du public. On peut alors parler de l’émergence d’une certaine opinion publique au sein des manifestations artistiques. Cette démocratisation de l’accès à l’art permet alors aux membres du public des classes sociales les plus basses de côtoyer l’art et de s’en imprégner. De là apparaissent alors une multitude de manifestations artistiques non officielles telles que des expositions libres de peinture au coeur de l’espace public (on retient particulièrement l’exposition de la place Dauphine qui avait lieu à l’occasion de la fête de Dieu). On peut également mentionner les prestations théâtrale non officielles. Ces manifestations « sauvages » témoignent d’une démocratisation non seulement de l’accès à l’art mais aussi de sa production. Ainsi ces évènements ont participé à l’homogénéisation de la société sur certains aspects puisque ces manifestations populaires ont suscité l’intérêt et l’attention des classes supérieures4. Thomas Crow démontre alors que l’art est un

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