Les arts, laboratoire de la flexibilité : reflexion autour du livre de Pierre-Michel Menger
Dissertation : Les arts, laboratoire de la flexibilité : reflexion autour du livre de Pierre-Michel Menger. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar phiphi fait le fou • 19 Décembre 2017 • Dissertation • 2 668 Mots (11 Pages) • 1 078 Vues
Léo Vaesken
Philémon Schaffhauser
Les arts, laboratoires de la flexibilité
Après la lecture et l’étude du texte de Pierre-Michel Menger, nous nous sommes posé la problématique suivante: En quoi l’évolution spécifique du marché du travail artistique a-t-elle amorcé une dynamique plus générale, et quelles en sont conséquences aujourd’hui sur l’activité artistique ? Nous diviserons notre analyse en 3 parties distinctes: en premier lieu, l’évolution du marché du travail artistique vers la flexibilisation, puis, la flexibilité comme modèle économique prédominant, pour finir sur les conséquences actuelles dans le domaine artistique.
Une évolution du marché du travail artistique vers la flexibilisation
Un marché du travail en forte expansion, le cas du spectacle vivant
La fin du XXe siècle voit une augmentation de la population active en France. Entre 1980 et 2000, la population active dans son ensemble connaît donc une croissance de 7,3%, croissance pouvant aller jusqu’à 63% dans les effectifs des cadres et des professions intellectuelles supérieures. Cette croissance inédite est poussée à son apogée dans les professions des arts du spectacle, qui voient en 20 ans leurs effectifs multipliés par 2,4. Divers facteurs ont pu conduire à cette évolution qui est spectaculaire, notamment dans les branches du travail artistique.
Même si l’augmentation des dépenses des ménages dans des activités culturelles et artistiques a joué son rôle, en permettant aussi en partie de débloquer en partie plus de financements publics, elle ne permet pas d’expliquer à elle seule la croissance drastique des effectifs dans le spectacle vivant, les deux évolutions n’étant pas comparables. Les causes de cette expansion sont donc variées. Au-delà de l’évolution de la consommation, on constate dès le début des années 1980 un fort développement de la politique culturelle française, sous l’influence de Jack Lang arrivé au ministère de la culture en 1981 qui fera doubler dès 1982 le budget du ministère. Ce développement se manifeste par une augmentation du nombre d’organisations, de projets et de manifestations soutenues par l’Etat, comme la Fête de la musique ou la Fête du cinéma. Dans le spectacle vivant, on constate très explicitement la volonté décentralisatrice de Jack Lang, avec l’ouverture de Centres dramatiques et chorégraphiques nationaux et donc un accroissement des espaces et des subventions pour le spectacle vivant. Des subventions sont développées pour des compagnies de théâtre, de danse et de cirque, permettant de développer l’activité dans le spectacle vivant malgré les difficultés dûes au besoin de rentabilité. Les actions de Jack Lang marquent aussi l’avènement de l’action socio-culturelle, où les professionnels des activités culturelles sont invités à intervenir dans des écoles, des prisons, des hôpitaux etc. Toutes ces mesures ont permis au final à l’activité artistique (et particulièrement le spectacle vivant) de se développer en donnant plus d’opportunités et de moyens économiques pour faire vivre ces secteurs souvent peu rentables. Cela participe donc aussi à l’augmentation forte des effectifs dans ce secteur, peut-être grâce à une certaine démocratisation de la culture prônée par Jack Lang dès le gouvernement Mitterrand, mais probablement surtout car cela crée des places et des opportunités de rémunération dans un milieu prisé.
Différents facteurs permettent donc d’expliquer l’expansion forte du
marché du travail dans le domaine des arts, à la fois une évolution de la
consommation de produits culturels, mais aussi en partie grâce à un soutien étatique plus fort dès les années 1980. Cette expansion induira inévitablement des changements dans l’organisation du travail, notamment via la popularisation du CDD “d’usage” et de l’intermittence.
- Le modèle de l’intermittence : un recours croissant à la flexibilité
Dans cette partie, nous allons voir pourquoi et comment le domaine des arts s’est servi de la flexibilité. Selon Menger, le travail artistique s'organise selon trois modes principaux:
- Le travail dans les entreprises : qui emploient du personnel à plein temps et sur contrat pluriannuel (troupes de ballet, sociétés publiques de production audiovisuelle). Mais, l'intégration des activités au sein d'entreprises importantes “n'est plus aisement viable hors des secteurs massivement soutenus par les aides publiques”.[pic 1]
- La cession contractuelle d'une oeuvre ou la fourniture d'une prestation à un entrepreneur culturelle (galeriste, éditeur...). Au même titre que le travail en entreprise, ce mode de travail est faiblement intégrateur: “non seulement l'oeuvre doit être acquise contractuellement, sur une marché concurrentiel, et au prix de transactions instables dans la durée, mais nombre des fonctions ou des services qu'implique la production peuvent être déléguées à des individus travaillant en free-lance ou à des firmes extérieurs”.
- Le travail intermittent c’est-à-dire par projet avec engagement temporaire et paiement au cachet. “Hyper
flexible, on peut embaucher et débaucher en tant que besoin, sans coûts de prospection ou de licenciements.”
Le marché de l’art est un domaine assez paradoxal : là où la flexibilité concerne, bien souvent, les emplois les moins qualifiés et le marché secondaire du travail, l’art l’utilise pour un marché primaire par la nature des qualifications, les salaires et la valeur des compétences.
“D'un côté, les employeurs veulent pouvoir puiser dans une large réserve de personnel pour réduire les coûts de production, mais ils ne souhaitent pas supporter les coûts qu'implique une protection des salariés contre le risque de chômage. Le nombre de techniciens disponibles doit être très supérieur au nombre d'emplois alloués, pour que la réallocations rapides de personnels entre des projets puisse se faire sans soucis, qui impose donc aux individus des alternances entre travail, chômage indemnisé, chômage non-indemnisé, recherche d'activité, de gestion des réseaux d'interconnaissance, et de multiactivité dans et/ou hors de la sphère artistique.”
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