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Bac boulangerie

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Par   •  10 Avril 2020  •  Chronologie  •  1 247 Mots (5 Pages)  •  667 Vues

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 Zoo ou l’Assassin philanthrope-Séquence A2_Séance 5- lecture analytique

Acte II, tableau 7 Extrait : p.77-83 (l. 40-176) «C’est vrai, Kreps,  […] nous ne pouvons plus admettre l’incertitude.. » […]

SYBIL : C’est vrai, Kreps, vous ne croyez ni à Dieu ni à Diable, je sais, et moi non plus. Mais quand même, l’âme par exemple : ce mot ne vous dit rien ?

KREPS : Bien sûr que si. Comme à tout le monde. À condition qu’on me dise ce que c’est. Objectivement. À quel signe elle se manifeste, à quel signe on la reconnaît. Hein, Pop ! À quel signe ?

POP (même jeu) : À la prière.

KREPS : Eh bien, je ne prie pas. Par conséquent, je n’ai pas d’âme. Donc je ne suis pas un homme, mais un Prussien, C.Q.F.D.

POP (même jeu) : Vous priez sans le savoir.

KREPS : Alors je suis un homme sans le savoir.

GREAME : Vous n’avez pas fini de vous chicaner ? Ah, mais voici Douglas.

L’on a en effet entendu approcher un bruit de moteur, qui vient de s’arrêter. Douglas parait en tenue de voyage. Sybil va joyeusement à sa rencontre.

SYBIL  (l’aidant à se débarrasser) : Oh mais vous avez fait vite, Douglas.

Sans répondre, Douglas la regarde sombrement.

GREAME  (un peu surpris par ce silence) : Alors, mon vieux, bon voyage ? Ça vous a plu, Sydney ?

Pas de réponse.

KREPS (pour briser la glace) : Vous avez fait du bon boulot là-bas ? Vous avez pu montrer nos films au Muséum ? Qu’est-ce qu’ils en ont pensé ?

DOUGLAS (d’un drôle de ton) : Je suis revenu pour vous l’apprendre. Nous avons commis là une terrible erreur, voilà le fait.

GREAME : Sur nos tropis ?

DOUGLAS : Non. En montrant nos films. Avant d’avoir décidé ce qu’ils sont, nos tropis. Parce qu’il faudra en décider, maintenant, je vous préviens. Et sans délai !

SYBIL (nerveuse et agacée) : Mais pour la centième fois, qu’est-ce que ça peut nous fiche ? Elles sont ce qu’elles sont, ces créatures, le nom qu’on leur donnera n’y changera rien. Nous avons bien le temps d’y réfléchir !

DOUGLAS (dur) : C’est ce que vous croyez.

SYBIL : Que voulez-vous dire ?

DOUGLAS (même jeu) : Que, par votre faute, il est peut-être déjà trop tard.

SYBIL : Trop tard pour quoi ? Enfin expliquez-vous !

DOUGLAS : Répondez-moi d’abord : pourquoi refusez-vous de les classer dès maintenant dans l’espèce humaine ? Ils y ont bien droit, non ? avec tout ce que nous leur avons appris à faire ?

SYBIL : Ne vous emballez pas. Vous n’avez pas vu les castors construire leurs digues, changer le cours des rivières…

KREPS : Savez-vous que les fourmis font des conserves de champignons ? Qu’elles élèvent du cheptel ? qu’elles enterrent leurs morts au cimetière ?

SYBIL : Et d’ailleurs, quand bien même un cheval apprendrait à jouer du piano comme Rubinstein, il n’en deviendrait pas un homme pour autant. Ce serait toujours un cheval.

DOUGLAS (violent) : Mais vous ne l’enverriez pas à l’abattoir !

SYBIL : Vous mélangez tout, il ne s’agit pas de ça…

DOUGLAS : Peut-être pour vos grands singes fossiles d’il y a un million d’années. Mais ces tropis sont vivants, Sybil. Bon sang, ils sont vivants !

SYBIL : Quelle différence, vivants ou non ?

DOUGLAS : Ma parole, parfois je me demande si vous avez un cœur dans la poitrine ou une machoire brèche-dent !

Sybil, froissée, s’éloigne. Pop prend Douglas par le bras et l’entraîne.

POP (bas, ému) : Vous avez fichtrement raison ! Dans des moments pareils, cette sécheresse de la science me dégoûte. Savez-vous ce que je pense ? Que nous méritons tous d’être damnés.

DOUGLAS (surpris) : Vous tous hommes de science ?

POP : Non, non : nous tous hommes de foi et de charité. Cette question des tropis nous ouvre des perspectives terrifiantes. « Les hommes, enseignait notre saint Augustin, naissent tellement coupables que même les enfants sont damnés quand ils meurent sans baptême. » Mais le baptême n’existe que depuis deux mille ans, l’homme depuis cinq cent mille. Alors ces millions et ces millions d’âmes,   que sont-elles devenues ? Je sais bien que de nos jours, l’Église est plus tolérante ; mais est-il sûr qu’elle ait raison ? Et si c’était saint Augustin ? Ce doute me déchire. (Plus agité encore) Et ceux-là, tous ces pauvres tropis ? Qu’est-ce que je dois faire ? S’ils sont des bêtes, un sacrement serait sacrilège. Il ridiculiserait ma robe. Mais si ce sont des hommes ? (Il saisit Douglas par son revers.) Hein ? si ce sont des hommes ? Puis-je les abandonner ?

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