Dissertation Artaud / Novarina

Pujol Laetitia

M2 MEEF Lettres Modernes

2016-2017

 Devoir UE 31

    Antonin Artaud ( 1896 – 1948 ) a révolutionné le théâtre à sa manière. Théâtre du corps, théâtre de la voix : il a toujours eu du mal à s'adapter au côté traditionnel de l'art scénique.Sa principale tentative d'écriture théâtrale, Les Cenci, fut un échec. Artaud reste encore aujourd'hui un artiste éloigné du genre théâtral que nous connaissons tous. Pourtant, Antonin Artaud a un successeur dans ce que l'on appelle le « théâtre contemporain ». Il s'agit de Valère Novarina. Né en 1947 à Genève, il rédigera pendant ses études de philosophie son mémoire sur l'auteur du Théâtre et son double. Depuis des années, il ne cesse de faire connaître son nom grâce à ses nombreuses pièces et mises en scène tel que L'Acte Inconnu, écrit et mise en scène en 2007 durant le Festival d'Avignon à la cours d'honneur des Papes. Il rentre même aujourd'hui dans les programmes de première dans le thème «  Le texte théâtral et sa représentation, du XVII° à nos jours ».

Valère Novarina a sa façon d'écrire ses pièces. L'écriture de ses pièces et leur mise en scène amène un lien avec le théâtre d'Artaud.Le corps est l’élément qui s’impose pour aborder l'œuvre de Valère Novarina. Certes, l’auteur traite d'autres thèmes (politique, télévision, etc.) mais le corps reste sa préoccupation centrale. L’approche du corps novarinien semble s’inscrire dans des traditions qu’on peut faire remonter à l’antiquité et qu’on peut aussi rattacher à une certaine modernité (Jarry, Artaud, etc) Valère Novarina met en avant des notions originales. Donc nous nous demanderons comment Valère Novarina est-il un héritier légitime d'Antonin Artaud à travers l'écriture de ses pièces et leurs mises en scène ?

I – Le Théâtre de Valère Novarina

  A l'heure d'aujourd'hui, nous comptons plus de 35 pièces et écrits de Valère Novarina. Les plus connus restent Le Vrai Sang ( 2010 ), l'Acte Inconnu ( 2007 ) et Lettre aux acteurs ( 1979 ).

La façon d'écrire de Valère Novarina est assez spécial. Souvent, l'écriture se fait lors des répétitions-même.  Par exemple, concernant l'Acte Inconnu, une partie de la pièce a été crée pour Daniel Znyk que Novarina qualifie comme « un acteur nul et parfait ». Il continue donc d'écrire la pièce pendant les répétitions en voyant son acteur joué jusqu'à la mort de celui-ci en 2006. Cela concerne aussi les autres pièces : la plupart de l'écrit se finit pendant les répétitions quand Novarina voit ses comédiens improvisés. L'écriture se fait donc sur l'instant. Novarina écrit pour ses acteurs, devant ses acteurs : le corps devient un outil d'écriture. Il s'identifie à eux et les qualifie de « peintres, poètes ».

Mais Novarina a également une autre façon d'écrire. Chez lui, il a son « atelier ». Un bureau, des crayons, de la peinture. Novarina n'écrit pas de façon linéaire, chronologique dans ses pièces. Il écrit, quand une idée lui vient, sur les murs, du papier. Il dessine, griffonne, déchire, colle. Les murs entiers sont remplis d'idées, de mots, qui deviendront des textes. Une pièce peut mettre plusieurs années à être finalisée, et peut même être toujours en construction le jour de la première.

Concernant le texte de Novarina, la meilleure explication vient de son assistante metteur en scène sur le Vrai Sang en 2011 : si nous cherchons à comprendre, on se perd, alors que si on se perd, on s’abandonne aux mots, on comprendra.

   Impossible donc de comprendre son écriture si nous ne comprenons pas celle de ses mises en scènes. Ses mises en scène sont picturales : le lieu dramatique devient une toile vierge de tout sens. Valère Novarina utilise souvent ses œuvres de peinture pour ses décors en les décomposant à sa guise.  Le corps de l'acteur est sans cesse modifié et déstructuré. Novarina utilise également de la musique et des chants, créant des minis opérettes : cela amène un certain rythme au texte.

Il n'y a pas de vrais identifications des personnages : les costumes ne les représentent pas mais doivent mettre l'acteur en avant.  Le geste et la parole doivent l'emporter dans ce théâtre. L'acteur est une marionnette, un corps envahi de mots, un sacrifice de l'acteur envers la parole. Un acteur se vide en parlant, il devient le passeur de la langue, de la pensée.

...