Plaidoyer - L'Etranger De Camus

Mesdames, messieurs,

Si je suis ici aujourd'hui, c'est pour défendre cet homme délibérément incompris. Cet homme qui n'a jamais réussi à s'intégrer à la société. Cet homme condamné. Je m'en présente sincèrement à vous, et j'en appelle à votre juste discernement, à votre faculté de la juger sagement.

Distant, indifférente, indolent. Voici les adjectifs qui semblent caractériser au mieux monsieur Meursault. Il n'a pas été ici jugé pour son crime, mais bien pour son comportement, et celui-ci ne peut absolument pas être considéré comme un délit. Et pourtant, c'est bel et bien ce que le tribunal a fait, aujourd'hui et en ce lieu. Il a condamné cet homme car certains prétendent qu'il n'a versé aucune larme à l'enterrement de sa mère. Mais peut-être ses larmes n'étaient-elles pas visibles ? Ainsi, sommes-nous tous obligés de pleurer pour exprimer notre douleur ? Est-ce là la preuve unique de notre sensibilité ?

Personnellement, je suis écœuré. Écœuré par cette société qui veut nous dicter comment vivre, penser et agir. Il suffit alors qu'une brebis s'écarte d'un rien du troupeau pour qu'elle en soit aussitôt extraite ? Pour qu'elle soit considérée comme un « étranger » ? Meursault est ici traité comme tel. Vous sentez-vous pour autant étranger à lui ? Je ne peux répondre que personne ne peut être totalement étranger à lui. Mais là question est alors « Qu'est-ce qu'un étranger ? ». Pour vous donner une réponse directe, simple et précise, est-ce simplement une différence de langue, de coutume ou de religion ? N'est-ce pas simplement être différents tous autant que nous sommes ? Nous somme alors tous des étrangers les uns pour les autres. La définition de ce mot, Meursault l'a apprise à ses dépends. Il devra mourir car il a demeuré étranger aux autres. Il devra mourir à cause de la défaillance de ses sentiments. Il devra mourir parce que NOUS jugeons qu'il est plus correct de pleurer.

Répondez-moi honnêtement : sommes-nous obligés de nous comporter comme la société nous l'a enseigné ? obligés de suivre la norme partout et tout le temps ? Chacun est libre de ses sentiments, de ses émotions. Essayons de le comprendre juste un instant ; fréquemment, il répond que ceci ou cela lui est égal. Le travail, l'amitié, l'amour. Fréquemment, il cache ses émotions, il se détache de tout et de tous. Mais soyons honnêtes ; nous avons tous une part de lui en nous. En effet, chacun d'entre nous a déjà ressenti un sentiment inexprimable. Inconsciemment, nous avons tous été passifs à la vie, pris dans la routine que nous impose souvent notre monde.

Voyez. Après tout, nous côtoyons tous des gens du même caractère que Meursault. Pourtant, nous ne voulons pas forcément les pendre au bout d'une corde parce qu'ils sont de cette nature. Ils ne changeront pas tant qu'une prise de conscience ne se fera pas. D'ailleurs, doivent-ils changer dans l'unique but de se fondre dans une société bien-pensante ? dans l'unique but de rentrer dans notre moule ?

C'est pour toutes ces raisons que je vous demande de faire preuve d'une grande indulgence. Il est certes coupable

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