Musset, confession d'un enfant du siecle
Analyse sectorielle : Musset, confession d'un enfant du siecle. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar suzyane • 12 Mars 2014 • Analyse sectorielle • 643 Mots (3 Pages) • 1 163 Vues
MUSSET, CONFESSION D’UN ENFANT DU SIÈCLE (1836)
Alors s’assit sur un monde en ruines une jeunesse soucieuse. Tous ces enfants étaient des
gouttes de sang brûlant qui avait inondé la terre ; ils étaient nés au sein de la guerre, pour la guerre.
Ils avaien
t rêvé pendant quinze ans des neiges de Moscou et du soleil des Pyramides. Ils n’étaient
pas sortis de leurs villes, mais on leur avait dit que, par chaque barrière de ces villes, on allait à une
capitale de l’Europe. Ils avaient dans la tête tout un monde
; ils regardaient la terre, le ciel, les rues
et les chemins ; tout cela était vide, et les cloches de leurs paroisses résonnaient seules dans le
lointain...
Trois éléments partageaient donc la vie qui s’offrait alors aux jeunes gens : derrière eux un
passé
à jamais détruit, s’agitant encore sur ses ruines, avec tous les fossiles des siècles de
l’absolutisme ; devant eux l’aurore d’un immense horizon, les premières clartés de l’avenir; et entre
ces deux mondes... quelque chose de semblable à l’Océan qui sépa
re le vieux continent de la jeune
Amérique, je ne sais quoi de vague et de flottant, une mer houleuse et pleine de naufrages, traversée
de temps en temps par quelque blanche voile lointaine ou par quelque navire soufflant une lourde
vapeur ; le siècle prés
ent, en un mot, qui sépare le passé de l’avenir, qui n’est ni l’un ni l’autre et qui
ressemble à tous deux à la fois, et où l’on ne sait, à chaque pas qu’on fait, si l’on marche sur une
semence ou sur un débris.
Voilà dans quel chaos il fallut choisir alor
s ; voilà ce qui se présentait à des enfants pleins de
force et d’audace, fils de l’Empire et petits
-
fils de la Révolution. Or, du passé ils n’en voulaient
plus, car la foi en rien ne se donne ; l’avenir, ils l’aimaient, mais quoi ! comme Pygmalion Galatée
:
c’était pour eux comme une amante de marbre, et ils attendaient qu’elle s’animât, que le sang
colorât ses veines.
Il leur restait donc le présent, l’esprit du siècle, ange du crépuscule qui n’est ni la nuit ni le
jour ; ils le trouvèrent assis sur un sa
c de chaux plein d’ossements, serré dans le manteau des
égoïstes,
...