La passion éprouver par les personnages de tragédie est-elle toujours une faiblesse ?

La passion éprouvée par les personnages de tragédies est-elle toujours une faiblesse ?

I. La passion tragique est souvent le signe d’une faiblesse

a) Les personnages tragiques vivent des passions imposées par les dieux. Ils sont faibles face à leur destin, c’est la fatalité tragique. Ex : la passion de Phèdre pour Hippolyte vient de la malédiction de Vénus. Phèdre faible victime de la déesse, comme elle le dit à la scène 3 de l’acte I. L’étymologie de passion (patior, souffrir) indique bien l’état de soumission induit par la passion. Le personnage subit la passion voulue par les dieux.

b) Les efforts des personnages pour résister à leur passion sont vains, ils incarnent l’impuissance humaine. Racine, marqué par son éducation janséniste, considère l’homme comme incapable d’assurer son propre salut. Ex : tentatives inutiles de Phèdre pour résister à sa passion (exil d’Hippolyte, temple à Vénus, évitement). Ses efforts ne mènent à rien elle est trop faible pour résister à son amour impossible. Phèdre d’ailleurs dès le début de la pièce apparaît comme malade, presque mourante. C’est l’image même de la faiblesse.

c) La passion des héros tragiques les mène aussi à de noires actions. Ils font preuve de faiblesse morale, sont entraînés vers le mal. Ex la jalousie de Phèdre l’empêche de sauver Hippolyte, elle suit les mauvais conseils de sa nourrice Oenone. Dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu, de Giraudoux, la passion collective des Troyens pour Hélène et leur soif de guerre les mènent à un conflit destructeur contre les grecs. La passion est le révélateur de leur manque de droiture et de raison, ce qui est une faiblesse.

II. Toutefois, la passion peut aussi apparaître comme une force

a) Certains personnages tragiques sont portés par leur passion, ils puisent leur force dans leur amour. Ex : Nawal, dans Incendies, résiste à la perte de son premier amour Wahab, à celle de son fils qu’elle doit abandonner, à l’emprisonnement, à la torture… car elle est soutenue par le souvenir de sa passion pour Wahab, par l’amour et la quête de son fils disparu. Elle reste digne, elle est « la femme qui chante ». Antigone dans les tragédies de Sophocle ou Anouilh, résiste à son oncle Créon pour offrir à son frère une sépulture digne, malgré l’interdit. Elle agit par passion familiale et devoir religieux, elle est celle qui dit non au pouvoir. Elle est forte et reste ferme même dans la mort.

b) La passion peut aussi grandir le héros, le pousser vers de bonnes décisions. Ex : Le Cid, de Corneille : Rodrigue sacrifie sa passion pour Chimène pour venger l’honneur familial (il doit affronter en duel Don Gomès le père de Chimène pour laver un affront contre son propre père). C’est la volonté de rester digne de Chimène qui le poussera à choisir la voie de l’honneur. Sa passion l’aide à être plus fort. Il en sera d’ailleurs récompensé car finalement Chimène acceptera son amour, même s’il a tué son père.

c) Une passion forte amène parfois le personnage à des actions radicales, ce n’est pas une preuve de faiblesse mais un accomplissement ultime. Ex : Médée, dans la pièce éponyme, va jusqu’à tuer ses enfants pour se venger de la

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