Peut-on tout dire?
Dissertation : Peut-on tout dire?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar hipparchia • 26 Novembre 2017 • Dissertation • 2 527 Mots (11 Pages) • 13 675 Vues
Peut-on tout dire ?
Brouillon.
a) Analyse des concepts :
Pouvoir : faculté, droit, possibilité.
Tout : ce qui est complet, intégral, entier. La totalité renvoie potentiellement à l’être tout entier.
Dire : exprimer, émettre, communiquer, nommer.
b) Reformulation du sujet : On demande si nous avons la capacité de nommer l’être dans sa totalité, si le langage possède cette possibilité de rendre les choses transparentes dans leur intégralité. Par ailleurs, on demande également si, parmi les choses dicibles, nous avons le droit moral ou juridique de les exprimer.
c) Enjeu du sujet : Nous sommes interrogés ici sur les limites à la fois techniques, morales et juridiques du langage, mais également sur la possibilité de repousser ces limites.
I. Introduction.
C’est un lieu commun de la philosophie, le langage est le propre de l’homme. Peu importe le support (oral ou écrit), la parole est la dimension privilégiée à travers laquelle les hommes s’expriment, désignent et nomment ce qui les occupe et préoccupe. Remarquons aussi que si les paroles unissent les hommes, elles peuvent cependant aussi les séparer et engendrer des conflits. C’est la raison pour laquelle se pose la question de savoir si l’on peut tout dire.
Evidemment, les possibilités du langage ne sont pas illimitées : On ne peut pas dire n’importe quoi, n’importe comment, n’importe où et à n’importe qui. Il n’y a pas que des contraintes techniques qui s’imposent à nous lorsque nous parlons, mais aussi des obligations morales et juridiques, ainsi qu’une pression sociale qui limitent nos paroles. L’usage de la parole est donc toujours maintenu dans un réseau de pouvoirs, à la fois techniques et obligataires.
Ainsi, on peut poser la problématique suivante : Comment repousser ces limites qui s’imposent à la parole ?
Ainsi, nous verrons d’abord que notre capacité de nommer n’est pas omnipotente. D’autre part, l’usage de la parole est réglementé à l’intérieur d’un contexte politique et social où le droit de dire n’est pas illimité. Bien au contraire, il fait l’objet d’un enjeu, à la fois politique, philosophique, scientifique et poétique. Enfin, nous demanderons comment on peut s’y prendre pour repousser ces limites à la fois techniques et juridiques.
II. Développement.
Partie 1. Les limites techniques.
On ne peut pas tout dire en termes de possibilité, nos compétences linguistiques sont certes étendues, mais pas illimitées.
- La distinction entre le nom propre et le nom commun. On ne peut pas nommer chaque chose en propre, ni même le propre de chaque chose ou personne. Si le tout renvoie à l’être dans son intégralité, alors notre lexique est beaucoup trop pauvre pour nommer cette infinité de choses. La langue fonctionne avec des catégories générales. Comment par ailleurs nommer ce que dont nous ignorons l’existence ?
- La correction normative. Une langue s’impose comme un système rigoureux et quasi totalitaire (La langue est fasciste disait R. Barthes). Nous mettons des années à acquérir une compétence linguistique qui n’est jamais totalement maîtrisée. On nous rappelle qu’il y a une manière conforme aux règles de la langue (il y a une orthographe, une syntaxe, une grammaire, des niveaux de discours : des mots nous manquent, nous nous trompons, ce ne sont pas les bons, leur sens n’est pas toujours maîtrisé, …etc.). Les mots sont comme de vieilles pantoufles que tout le monde peut mettre prévient P. Ricoeur.
- Le problème général de la traduction :
a) Comment exprimer, traduire dans les mots ce qu’on ressent ? (Cf. Nietzsche : « on est toujours pris dans les filets du langage », les mots existent avant mon ressenti et les sentiments sont souvent des choses inexprimables. Cf. dans Le souvenir de la nuit du 4, V. Hugo écrit : « Nous nous taisions, debout et graves, chapeau bas, tremblant devant ce deuil qu’on ne console pas »),
b) Comment traduire d’une langue à une autre (traduction = trahison ?),
c) Comment traduire, vulgariser par exemple une théorie scientifique ardue, une doctrine philosophique complexe en termes simples et compréhensibles par tous ? (Problème de la novlangue chez G. Orwell dans 1984.
- Langage et réalité, qu’est-ce qui précède quoi ? Est-ce à travers les mots que j’appréhende la réalité, ou est-ce la réalité qui d’abord s’impose à moi et que je mets en mots ensuite ? (Exemple du film la Haine de M. Kassowitz où les personnages se contentent d’un lexique d’une trentaine de mots).
- Dans ses Lettres à un jeune poète Rainer Maria Rilke nous rappelle : « Les choses ne sont pas toutes aussi saisissables, aussi dicibles qu’on voudrait en général nous le faire croire ; la plupart des événements sont indicibles, ils s’accomplissent dans un espace où aucun mot n’a jamais pénétré ; et plus indicibles que tout sont les œuvres d’art, existences mystérieuses dont la vie, à côté de la nôtre, qui passe, est durable ». Ainsi, les œuvres d’art exprimeraient ce qui ne saurait se dire avec des mots.
- Le sublime : Kant nous rappelle que le sublime est tout justement ce qui résiste au dicible et à la présentation artistique, et qu’il se pose comme limite ultime, à la fois pour le langage et pour la présentation artistique.
- Wittgenstein : « Ce qu’on ne peut pas dire, il faut le taire », par exemple le sens de la vie n’est pas définissable et c’est pourtant quelque chose qui est agissant. Dans le même ordre d’idée, Platon nous indique que la philosophie s’achève dans la contemplation silencieuse qui se déploie au-delà du discours, comme une forme d’achèvement du savoir.
Transition 1.
On vient donc de voir que nous ne sommes pas en capacité de tout dire ; Il y a de l’indicible et le langage est limité dans les possibilités qu’il nous offre. Mais ce n’est pas l’unique limitation de la parole. Bien que nous possédions quelquefois les capacités techniques de dire quelque chose, nous nous interdisons de parler ou de dire ce que nous pensons.
Partie II. Se refuser le droit de dire.
Même lorsque nous en avons les compétences linguistiques, nous nous refusons souvent de dire les choses telles que nous les ressentons ou pensons. Une véritable police du langage agit puissamment sur nous pour limiter le caractère potentiellement subversif et conflictuel de chacune de nos paroles.
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