Parce-que je suis un être conscient, suis-je un être libre ?
Dissertation : Parce-que je suis un être conscient, suis-je un être libre ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Juliette Rain • 6 Février 2016 • Dissertation • 1 780 Mots (8 Pages) • 1 262 Vues
Spinoza, pour évoquer la conscience, prenait l’exemple d’une pierre lancée vers le ciel, qui prendrait conscience d’elle-même. Elle se sentirait inéluctablement attirée vers la terre, et comme cela serait sa seule impression consciente, elle croirait à tort suivre librement ses choix, alors qu’elle son désir serait en fait l’effet de l’attraction terrestre, dont elle n’a évidemment pas conscience. Nous pouvons ainsi nous demander si la conscience et la liberté sont liées dans une relation conséquentielle, s’il suffit d’être conscient pour être libre ? Spinoza cherche par exemple à nous montrer que notre conscience peut nous donner l’illusion d’être libre. Si je peux douter, comme le faisait Descartes, de tout ce qui se montre à ma conscience, la conscience ne serait-elle pas cependant ce qui fait la personnalité du sujet et son indépendance, puisque c’est elle qui le met en relation avec le monde extérieur ainsi qu’avec sa propre intériorité et les réfléchit. La conscience est souvent considérée comme l’essence même de l’homme, elle lui permettrait de vivre son individualité, puisqu’elle est personnelle, et d’agir librement en ayant une activité autonome. La liberté est souvent définie, quant à elle, comme l’état de non-contrainte, alors qu’elle renvoie plutôt à un état de maîtrise totale. Pour être libre, je dois avoir ma propre volonté, et non être définit par quelque chose d’étranger à moi-même. Si ces deux notions semblent alors liées, leur équivalence ne va pas soi.
Nous pouvons donc nous demander si c’est par la conscience que l’homme exprime sa liberté, ou si celle-ci, au contraire, berce le sujet dans une illusion néfaste. La conscience est-elle réellement nécessaire à la liberté ?
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Une personne consciente a des responsabilités, elle est à l’origine de ses actions, grâce à sa conscience réfléchie et est donc libre. J’obtiens grâce à ma conscience un esprit d’initiative et une capacité à prendre des décisions qui me rend profondément libre. Je ne subis plus mécaniquement les forces qui s’exercent sur moi, je ne suis pas esclave de mes désirs et passions, je réagis. Nous prenons conscience des contraintes qui pèsent sur nous et faisons preuve d’un esprit critique sur les choses. En connaissant les lois de la Nature, nous pouvons mieux tenter de les outrepasser, par exemple par l’innovation et le pouvoir technique. De même, nous devons avoir conscience de la présence de certaines normes, mécanismes et règles sociales si nous souhaitons ensuite pouvoir les transgresser. En prenant conscience des règles sociales, nous pouvons donc soit les transgresser car nous les trouvons injustes ou tyranniques, soit les améliorer car nous souhaitons les rendre plus convenables et justes, soit les suivre, et ce en toute connaissance de cause. Encore faut-il prendre conscience de ce qui pèse inconsciemment sur nous. Car si la liberté consiste à choisir librement, comment pouvons-nous l’être si nous sommes « obscurs à nous-mêmes », comme le disait Alain ? Car l’ignorance n’est pas favorable à l’exercice de la liberté, même si elle nous berce très souvent dans l’illusion.
Pour Sartre, comme il l’explique dans son discours L’existentialisme est un humanisme, la liberté et la conscience ne font qu’un. « L’homme est condamné à être libre. » déclare-t-il. Pour lui, l’existence précède l’essence, et une dualité du monde, divisé entre deux catégories distinctes, « être-en-soi » (choses inanimées, objets définis par leur essence) et « être-pour-soi » (sujets conscients, libre, responsable d’eux-mêmes et sans essence déterminée). Etre libre signifie déterminer par soi-même ce que l’on souhaite, c’est-à-dire rester responsable à chaque instant de ses actions, grâce à cette conscience auto-réflexible. L’homme et condamné car si il n’est pas responsable de sa venue sur terre, il ne peut se trouver d’excuse et reste sur terre responsable de son existence. Ainsi, lorsqu’on demande un conseil à quelqu’un, on saurait déjà, selon la personne à qui on demande, quel conseil nous allons recevoir, ce qui signifie que nous sommes bien maîtres de nous-même. Cette auto-détermination serait acceptée et assumée par très peu, puisque les gens préfèrent rejeter cette responsabilité sur les autres, quelque chose d’extérieur ou encore leur inconscient. Sartre appelle les hommes qui refusent de prendre conscience de leur liberté des lâches. Cette liberté acquise est en effet accompagné d’angoisse et de mauvaise foi. Pourtant, même Sartres admet une certaine aliénation de la conscience, quand il évoque l’exemple du garçon de café. Celui-ci, à force de tenir cette étiquette en public, ce rôle, intègre dans sa véritable personnalité et dans son comportement de tous les jours des mécanismes qui ne lui appartiennent normalement que lorsqu’il travaille à proprement parler.
Nous pouvons donc nous demander si la conscience ne serait pas aliénée par les désirs et les passions intérieures du sujet, si elle n’est pas contrôlée par ces différentes influences et n’en devient pas l’esclave. De même, la conscience pourrait être pervertie par une société qui influencerait nos opinions et par là-même nos choix, en utilisant une opinion commune manipulée par les médias et les politiques par exemple. Marx évoque ainsi la théorie de l’idéologie, dans Contribution à la critique de l’économie politique, qui voudrait que l’homme ne soit pas libre de penser par lui-même, d’avoir ses propres opinions et donc d’être libre puisqu’il partagerait, dans une société, l’idéologie de la classe dominante et même si celle-ci est contraire à ses intérêts. L’idéologie s’imposerait à eux et à leur insu, à travers la publicité, les journaux… Nous pouvons prendre comme exemple la vision de Simone de Beauvoir sur la condition d’une femme qui serait façonnée par la société, elle « ne naît pas femme mais le devient ». Or, la femme n’a pas eu conscience, pendant des siècles, que cette société la maintenait, d’après De Beauvoir, dans une servilité presque animale. Ainsi, les humains pensent alors qu’ils adhèrent en toute connaissance de cause, donc librement aux idées et valeurs de leurs semblables ou encore qu’ils sont libre de devenir la personne qu’ils souhaitent, alors que ce sont « les conditions matérielles d’existence » qui détermine la conscience et l’individu. La conscience ne serait donc pas autonome, mais bien influençable.
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