Le moi s'identifie-t-il à la conscience ?

Le moi s'identifie-t-il à la conscience ?

Se saisir comme moi, c'est accéder à une étape décisive et en même temps contradictoire de

la conscience humaine. D'une part, en se nommant, en disant "Je", l'enfant prend conscience

de son existence d'homme ; il devient une personne humaine qui, avec d'autres personnes,

va décider de sa vie dans l'ordre de la culture. Mais, et d'un autre côté, en se nommant cet

enfant va aussi, et dans un premier temps, s'aliéner : il va s'identifier à une culture, à une

langue et à travers l'éducation il va devenir le jouet de coutumes, de mœurs, d'erreurs et de

préjugés.

Si la conscience humaine était totalement réductible au moi, alors ces identifications initiales

seraient indépassables. Elles fonctionneraient comme une fatalité et les déterminismes

sociaux s'imposeraient à nous de façon absolue à l'instar des lois de la nature et de la

biologie. Tout serait joué à trois ans. Or tel n'est pas le cas. Au-delà du moi qui est le reflet

de ses identifications, la conscience humaine est aussi capable de réflexivité. Elle peut

prendre une position de sujet, se mettre à distance des évidences de la culture, les reproblématiser, les relativiser et les dépasser. La conscience n'est donc pas réductible au moi:

au-delà des identifications infantiles, elle est capable de réflexivité, capable de distanciation,

capacité que Descartes saisit à travers le Cogito, le Je pense dont l'auteur des Méditations

fait la propriété fondamentale d'une conscience qui ne se réduit pas à une psychologie ou à

des déterminations données.

Dans une première partie, on montrera qu'en accédant au moi, en s'identifiant à un nom

propre et à une culture, l'enfant acquiert une dignité spéciale, celle de personne humaine.

Dans une deuxième partie, on verra néanmoins que cette étape initiale de la construction de

la conscience doit être dépassée. Pour accéder au statut de sujet, la conscience doit

remanier ses identifications en utilisant sa capacité de réflexivité. Enfin, dans une troisième

partie on verra que la dimension essentielle de la conscience humaine est la pensée, et que

c'est en elle que réside la capacité de réflexivité et de distanciation.

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