« Le mal n'est jamais « radical », il est seulement extrême, et ne possède ni profondeur ni dimension démoniaque. Il « défie la pensée ». - Hannah Arendt
Dissertation : « Le mal n'est jamais « radical », il est seulement extrême, et ne possède ni profondeur ni dimension démoniaque. Il « défie la pensée ». - Hannah Arendt. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Mégane Chevalier • 16 Mai 2018 • Dissertation • 1 613 Mots (7 Pages) • 1 327 Vues
« Le mal n'est jamais « radical », il est seulement extrême, et ne possède ni profondeur ni dimension démoniaque. Il « défie la pensée ». - Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme. Eichmann à Jérusalem, Quarto, Gallimard, 2002, p.1'358
Robin des bois volait aux riches pour donner aux pauvres. Son intention était bonne mais dans le film comme dans le livre, il est quand même considéré comme un malfaiteur aux yeux de la loi et de ses victimes. Or pour les démunis, c'est un héros. Un même acte, le vol, est donc considéré de deux manières différentes : c'est un bon acte pour certains et un mauvais acte pour d'autres. Comment pouvons-nous donc juger cette action au regard de nos catégories morales, que sont le bien et le mal ? C'est dans son ouvrage Les Origines du totalitarisme. Eichmann à Jérusalem qu'Hannah Arendt, philosophe et journaliste allemande[1], va se pencher sur ce même sujet. En règle générale, il est plus simple de définir ce qu'est une bonne action, comme un acte de charité, qu'une mauvaise action. C'est pourquoi Hannah Arendt va tenter de penser le mal alors que justement celui-ci résiste à la pensée. Dans son ouvrage, Arendt dit que: « Le mal n'est jamais « radical », il est seulement extrême, et ne possède ni profondeur ni dimension démoniaque. Il « défie la pensée ». Pour Arendt, le mal ne serait pas pensable parce qu'il n'y aurait pas de fondement, d'essence du mal et qu'il s'agit de quelque chose de propre à l'humain. Arendt se demande notamment comment nous pouvons définir le mal qui n'est pas fondé et qui est difficilement saisissable ? En utilisant le terme «démoniaque » très connoté religieusement, Arendt se positionne par rapport à toute une tradition philosophique qui voit le mal comme une « force extérieure » qui s'abattrait sur les hommes. Or, Arendt rejette justement cet héritage en disant « ni dimension démoniaque », le mal est donc positionné dans l'existence humaine et ce sont les hommes qui en sont les faiseurs et les responsables, d'où la question de l'intention.
Afin de répondre à ces questions, je vais dans un premier temps me pencher sur ce qu'elle entend par « mal radical » et « mal extrême » et sur la différence qu'il y a entre les deux. Dans un second temps, je m'intéresserai aux termes de « profondeur » et de « dimension démoniaque » qui font partie de sa définition du mal et les commenterai afin d'expliquer ses propos. Finalement, j'analyserai l'opposition entre le mal et la pensée afin de distinguer les actes et la pensée.
Penchons-nous donc tout d'abord sur les termes « mal radical » et « mal extrême ».
Le mot « radical » veut dire par définition communément « qui présente un caractère absolu, total ou définitif»[2] donc quelque chose qui ne peut pas être changé, évité. Le « mal radical » serait donc un principe du mal, une fatalité inévitable. Pour Hannah Arendt le mal n'est pas radical, donc pas un mal absolu, mais un « extrême » donc quelque chose d'extensible, un état, quelque chose de non défini, qui change, qui peut atteindre un certain degré. Le mal, n'étant donc pas une fatalité en soi, est une manifestation évitable de la part de l'homme. Mais cet état, peut-il exister sous plusieurs formes différentes ?
Selon Arendt, le mal n'est pas pourvu ni de « profondeur » ni de « dimension démoniaque ». Mais qu'entend-t-elle tout d'abord par le terme « profondeur » ? Nous pouvons interpréter cette notion de profondeur comme une notion de niveaux. Nous pouvons donc interpréter cela comme si elle disait qu'il n'y avait pas de niveaux différents dans le mal, qu'il n'y a pas de degrés divergents du mal. Cela voudrait dire qu'il n'y a pas de hiérarchie dans le mal. Mais n'est-ce pas contradictoire avec ce qu'avance Arendt lors du procès d'Eichmann lorsqu'elle avance l'argument que ce n'était qu'un petit fonctionnaire et qu'il ne faisait qu'obéir aux ordres qui venaient de plus haut ? Prenons l'exemple de l'expérience de Milgram qui consistait à évaluer jusqu'à quel point un individu pouvait obéir aux ordres en électrocutant quelqu'un. Pour Arendt, l’exécutant serait donc tout autant un malfaiteur que la personne qui lui donne l'orde d'électrocuter quelqu'un. Cela voudrait-il dire que toutes les actions se valent ? Est-ce que nous devons relativiser ? Ceci nous ramène à un concept pour lequel Arendt est reconnu : la banalité du mal. Tout le monde peut commettre n'importe qu'elle atrocité, nous sommes confrontés au conformisme. Comme elle le disait elle-même : « la triste vérité est que la plus grande part du mal est faite par des gens qui ne se sont jamais décidés à être bons ou mauvais ».[3]
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