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L'argent comme source d'aliénation.

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Par   •  2 Novembre 2016  •  Dissertation  •  702 Mots (3 Pages)  •  1 259 Vues

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L’argent comme source d’aliénation

A. Le possesseur n’est-il pas l’objet de sa propre possession ? Pour Gabriel Marcel : « Posséder, c’est presque inévitablement être possédé… La pente de la vie naturelle, c’est de tendre à s’identifi er à ce qu’on a. » ; l’argent est-il facteur d’aliénation ou de libération ? On peut affi rmer avec Lavelle : « On est toujours possédé par l’objet que l’on possède » ? A priori si je possède de l’argent, j’ai le pouvoir d’en disposer librement et l’argent me libère non seulement du besoin, mais aussi — si j’en ai suffisamment — de l’assujettissement à autrui. Mes décisions et toute mon existence ne sont plus alors déterminées par un autre ou par autre chose. Mais qu’en est-il, l’homme riche n’est-il pas victime de la même illusion qui faisait dire à Aristippe, parlant de sa maîtresse : « Je la possède mais n’en suis point possédé » ? Ne peut-on penser que ce sont ses biens — et 12 a fortiori le moyen de les acquérir ou maintenir : l’argent — qui, en réalité, disposent de lui ? On peut se rappeler la fable du Savetier et du Financier ou La Fontaine montre pertinemment le renversement des rôles. La vie laborieuse mais tranquille du premier l’emporte sur l’inquiétude constante, le souci de l’argent du second. De fait certains privilégiés de la fortune mènent une existence de forçat pour augmenter leur avoir. En fait ils s’identifient inconsciemment avec lui. « Je suis ce que j’ai », nous rappelle Sartre.

B. Un exemple de possédé : l’avare Quand Harpagon perd sa cassette il s’écrie : « je suis perdu, je suis assassiné ! On m’a coupé la gorge. » Sa voix est bien une voix d’outre-tombe, celle de quelqu’un qui a perdu sa raison de vivre, qui ne vit plus… Pour Kant, la fièvre de posséder fait partie avec la fièvre des honneurs et la fièvre du pouvoir d’une perversion de la faculté d’avoir de l’influence sur d’autres hommes. L’argent est le mot d’ordre de cette passion « puisqu’il représente la richesse par de simples métaux ». Sa simple possession sans jouissance ou même le renoncement à tout usage-comme dans l’avarice-procure un sentiment de jouissance « qu’on imagine prépondérant ». Aliénante illusion tant il est vrai que par avarice « on se prive servilement de ce qui est nécessaire à la jouissance joyeuse de la vie ».

C. L’argent possède aussi le riche Notons que si le riche comme l’avare s’identifi e avec la puissance fi nancière, cette identifi cation est également le fait de l’attitude des autres à son égard. Hegel a montré que dans le rapport maître serviteur, la volonté du second s’efface devant celle du premier. Le maître est reconnu par l’effacement du serviteur comme la seule conscience, la seule volonté réelle. On peut penser que bien souvent la considération dont nous disposons dépend de notre niveau fi nancier, que celui-ci mesure le respect dont nous sommes entourés. De là sans doute le ressort secret du potlach, cette cérémonie de don 13 ou celui qui donne le moins se retrouve — socialement — débiteur face à l’excès du riche. De l’homme riche émane une puissance qui impressionne. Même le paria riche est respecté : l’argent lui sert à se relever dans l’échelle sociale. Marx rappelle : « Ce que l’argent est pour moi, ce que je puis payer, c’est-à-dire ce que l’argent peut acheter, je le suis moi-même, le possesseur de l’argent. » L’argent me donne une seconde nature : « Je suis laid, mais je puis acheter la femme la plus belle. Je ne suis donc pas laid… Je suis un homme mauvais mais l’argent est honoré, donc aussi son possesseur. » C’est net : l’argent est recherché pour lui-même car il est rédempteur. Via l’économique il sert des buts qui touchent l’essence de la personne. S’il aliène l’homme riche ou l’ambitieux, il faut bien reconnaître qu’il libère le simple travailleur, qu’il donne les moyens d’une indépendance autant économique que morale. Le caractère aliénant de l’argent vient du fait qu’il fi nit par devenir valeur suprême, fin en soi. L’homme riche devient étranger à la nature, à ses semblables, et finalement à lui-même.

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