Kurt Weill dans le chant intitulé « Youkali »
Dissertation : Kurt Weill dans le chant intitulé « Youkali ». Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar William1510 • 23 Février 2022 • Dissertation • 3 369 Mots (14 Pages) • 385 Vues
Kurt Weill dans le chant intitulé « Youkali », nous invite à imaginer un pays de rêve projection de nos désirs. Cet ailleurs serait synonyme de bonheur et d’une nouvelle vie sans soucis, loin de la lassitude du quotidien. Mais le poème se termine en désillusion, cette terre promise n’existe pas, elle n’est que rêve et la pauvre âme humaine la cherche, l’imagine en vain.
En effet, les êtres humains sont situés en un lieu, c’est-à-dire un point de l’espace physique où un agent ou une chose se trouve situé, c’est une localisation, une position. Ainsi, l’ailleurs se définit comme un lieu quelconque, indéfini à l’exclusion d’un lieu précis et déterminé, c’est-à-dire ici. En effet, l’ailleurs qu’il soit géographique ou imaginaire se définit dans sa relation à l’ici. L’ici est familier, c’est un cadre spatio-temporel maîtrisé et connu qui constitue une réalité pour l’individu. L’ailleurs, malgré qu’il puisse être intime à travers l’imaginaire propre à l’individu, est quant à lui mystérieux, peut-être même inconnu, il est le lieu où l’individu n’a pas d’histoire, là où le cadre de la réalité, les règles, les institutions et les mœurs de l’individu ne sont plus effectifs. Ainsi l’ailleurs parait traduire la perception floue d’une extériorité hors de la réalité constitutive de l’ici de l’individu. Ce lieu parait être le refuge de l’individu qui s’égare dans ses rêves qui « est ailleurs » ou la quête de celui à la recherche de renouveau et d’inconnu qui s’aventure hors de son cadre, lieu familier. Par cette expérience, le cadre d’un ici réel va être contourné par un ailleurs imaginaire, utopique,idéalisé par opposition à une réalité méprisable. Cet ailleurs ambivalent, différent va être source de fantasmes. Une vision d’un ailleurs hypothétique idéal expression des désirs de l’individus qui vient y trouver refuge loin du monde où plutôt loin de sa réalité propre va émerger.
Dès lors, se pose la question de la possibilité de considérer l’ailleurs comme un moyen viable de contourner le cadre d’un ici réel pour trouver refuge dans un ailleurs utopique hors de la réalité de l’individu. En effet, l’ailleurs constitue-t-il un échappatoire idéal à sa réalité pour l’individu ?
Pour répondre à cette question, nous décrirons dans un premier temps l’ailleurs comme une altérité distincte de la réalité de l’individu. Dans un second temps nous expliquerons comment l’individu oppose cette altérité fascinante, projection de son idéal et de ses désirs à sa propre réalité qu’il tente de fuir à travers cet ailleurs fantasmé et idéalisé. Pour finir, nous expliquerons la désillusion que constitue cet ailleurs utopique et envisagerons de reconsidérer le chez-soi et l’ici.
L’ailleurs parait ainsi être une altérité distincte de la réalité de l’individu, la perception floue d’une extériorité hors de la réalité constitutive de l’ici de l’individu.
On peut tout d’abord considérer un ailleurs géographique hors de la réalité de l’individu. En effet l’ailleurs géographique, les contrées lointaines semblent redéfinir un nouveau cadre du réel différent de celui auparavant connu. L’individu lors d’un voyage à l’étranger se trouve immergé dans un inconnu nouveau, il ne retrouve plus les agents spatiaux familiers de l’ici caractéristiques de sa réalité. En effet, le cadre spatio-temporel n’est plus maîtrisé, de nouveaux agents, règles et un nouveau cadre gouverne cet ailleurs géographique. Gérard de Nerval dans Voyage en Orient, fait le récit d’un voyage en Orient entreprit en 1843. L’auteur nous décrit sa perdition, son étonnement et son bouleversement face à cette nouvelle réalité. Il explique que ce qui était logique, conforme pour lui tel que la grisaille matinale ou les bruit des pavés ne l’est plus dans ce nouveau cadre. Il ne retrouve rien de familier, plus rien n’est naturel pour lui, il n’a plus de repère et est hors de son cadre connu et maîtrisé. Il constate alors avec étonnement la nouvelle culture, paysage et temporalité à laquelle il est confronté : le minaret, les chameaux, le soleil brulant se levant tôt et se couchant tard. Ce lieu constitue selon lui un autre monde, antithèse du sien, il définit un cadre tellement différent qu’il parait appartenir à une autre planète. Ainsi l’ailleurs géographique définit bien une réalité différente, un nouveau cadre spatio-temporel, une nouvelle conception culturelle. L’individu est confronté à quelque chose d’inconnu, une extériorité surprenante parfois effrayante. L’absence de repère dans ce nouvel espace, nouveau cadre spatio-temporel au sein d’une nouvelle conception culturelle traduit l’altérité de cette nouvelle réalité à laquelle l’individu est confronté. L’ailleurs géographique définit donc bien un lieu hors de la réalité de l’individu.
D’une façon moins lointaine, l’ailleurs peut se traduire par des barrières sociales, des espaces sociaux définissant des réalités vécues bien différentes dans des espaces physiques pourtant rapprochés. En effet, on constate l’existence d’un ailleurs au sein même des sociétés hiérarchisées, un individu appartient à un espace social défini par sa position le distinguant, l’excluant d’autres espaces sociaux. Ses grandes oppositions sociales sont objectivées dans l’espace physique et définissent un cadre, une réalité propre aux individus occupants ces espaces. Ils reproduisent, dans les esprits et dans le cadre, un principe de division en réalités différentes, celles des nobles d’un côté et celles des misérables de l’autre. Ces individus appartenant à ces espaces sociaux ne connaissent rien d’autre que ces milieux et pour eux, tout autre espace social est un ailleurs gouverné par une réalité tout autre. Chaque individu parait vivre dans un espace social défini lui donnant un cadre et une réalité propre. Il y aurait donc un ailleurs bien plus proche que l’ailleurs géographique, un ailleurs social hors de la réalité de l’individu. Ces espaces sociaux, chacun gouverné d’une réalité propre, sont inscrits dans les structures spatiales et mentales, et rendent l’accessibilité à l’espace physique inégal pour les individus. Ainsi les personnages de Victor Hugo, dans les Misérables, évoluent dans un espace social précis, celui d’une classe défavorisée et miséreuse. Cet espace social défini leur ici et une réalité distincte des autres espaces. Victor Hugo décrit les caractéristiques particulières, les signes particuliers de la réalité de ces personnages. En effet, l’enfant de Paris est celui sans soulier, sans toit et sans chemise qui bat le pavé et ne connait d’autre réalité que celle-ci. Il a ses jeux à lui, sa monnaie, ses métaphores, ses métiers à lui qui définissent sa réalité. Par la description précise du quotidien de cet enfant, Hugo nous décrit les caractéristiques d’un espace social particulier cohabitant avec d’autres espaces sociaux au sein Paris « Paris commence au badaud et finit au gamin ». Les espaces sociaux du gamin et des badauds définissent deux réalités, deux ici qui sont réciproquement l’un pour l’autre des ailleurs. La réalité de la vie d’un bourgeois ou d’un noble est inconnu pour le gamin, elle constitue un ailleurs. Ainsi il existe un ailleurs, bien plus proche que l’ailleurs géographique, qui est hors de la réalité de l’individu, c’est l’ailleurs social.
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