Etre raisonnable est-ce renoncer à ses désirs ?

Exemple de plan de dissertation :

Etre raisonnable est-ce renoncer à ses désirs ?

Problématique résumée :

Le désir est un sentiment qui nous pousse à rechercher ce que l'on se représente comme source de satisfaction. Comme le désir procède de l'imagination, il ne se réduit pas au besoin naturel, mais au contraire il est insatiable, toujours renouvelé, jamais comblé. Chercher à satisfaire tous nos désirs est non seulement impossible, mais également source de souffrance et de frustration. Etre raisonnable c'est maîtriser notre conduite en tenant compte de la réalité objective ainsi que des règles sociales ou morales : c'est être modéré, réfléchi, et réaliste.

C'est pourquoi la raison s'oppose au désir et recommande d'y renoncer, tant il est par nature irréfléchi et dangereux. On dit d'une personne qu'elle est raisonnable dans la mesure où elle a su renoncer à une partie de ce qu'elle désirait. Toutefois le désir est inscrit au plus profond de notre être, et on se demande bien ce que vaudrait une vie sans désir. Le renoncement à tout désir semble être le renoncement à toute perspective de bonheur : est-ce raisonnable ou proprement insensé ?

Faut il considérer que le désir est en lui-même mauvais, ou bien faut il faire le tri entre le bons et les mauvais désirs ? Renoncer à nos désirs, n'est-ce pas aussi une attitude contradictoire, excessive, et par conséquent très déraisonnable ?

1. Thèse A : Etre raisonnable c'est réprimer ou du moins modérer ses désirs

Etre raisonnable  = adopter une conduite modérée, prudente ; éviter ce qui fait souffrir.

Désir = tendance à rechercher ce que l'on s'imagine être source de plaisir.

1. Etre raisonnable c'est agir en écoutant sa raison plutôt que ses sentiments :

Le désir, dans la mesure où il se distingue du simple besoin, entraîne vers l'excès. Une vie intempérante, consistant à suivre ses désirs est une vie déréglée, servile. Cf Platon, Gorgias : Socrate compare l'intempérance au supplice des Danaïdes condamnées à remplir un tonneau percé. Si nous cédons par principe à nos désirs, nous devenons esclaves de nos désirs, tyrans de nous mêmes. Exemple : différence entre la vengeance et la punition.

1. Etre raisonnable c'est être réaliste :

Le désir, dans la mesure où il procède largement de l'imagination, ou de faux espoirs, est source d'illusion, de déconvenues et donc de souffrance. Nous prenons souvent nos désirs pour la réalité, et c'est ce qui nous rend malheureux, car nous poursuivons des chimères. C'est ce que Epicure appelait les désirs non-naturels et non nécessaires : vouloir être immortel, célèbre, honoré de tous. Pour y remédier il n'y a que la raison qui nous permet de savoir ce qui est réalisable, improbable ou impossible : être raisonnable c'est ne désirer que ce que la raison nous indique comme étant à notre portée : Cf Descartes : « Changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde » (Discours de la méthode) (ex : adapter nos projets à nos capacités).

1. Critique de l'ascétisme

Plus profondément le désir en tant que tel nous condamne au malheur, car même s'il est satisfait pour un temps, il est suivi de l'ennui, un manque de manque, qui nous confronte à l'absurdité de l'existence. C'est le paradoxe du désir dénoncé par Schopenhauer .La solution serait l'ascétisme : réduire ses désirs aux seuls besoins naturels, afin de ne pas souffrir. Idéalement il faudrait tendre vers l'extinction du désir, à l'instar des Bouddhiste, ou vers l'illumination mystique. Cet état se situe au-delà du bonheur, et pourrait s'appeler la béatitude.

Transition :  c'est probablement parce que le désir est dangereux qu'il a pu être l'objet d'une suspicion morale. Mais le désir est-il mauvais en lui-même ? Faut-il renoncer au désir sous prétexte qu'il peut avoir des conséquences fâcheuses parfois ?

1. Thèse B : Il est déraisonnable de nier une dimension essentielle de l'homme. Renoncer aux désirs, c'est renoncer à soi-même.

Etre raisonnable = utiliser la raison, qui permet de distinguer le vrai du faux.

Désir = tendance à affirmer son être (Cf Le « Conatus » de Spinoza)

1. Le désir est « l'essence de l'homme » (Spinoza)

Le désir fait partie de la condition humaine, on peut même soutenir avec Spinoza qu'il est l'essence de l'homme. Comme tout être vivant l'homme affirme d'abord son effort pour se maintenir en vie (conatus) ; mais comme il est conscient, il recherche les êtres qui peuvent renforcer son existence et lui procurer de la joie. C'est pourquoi le désir n'est pas accidentel mais essentiel. Renoncer au désir c'est renoncer à sa propre existence ce qui est proprement déraisonnable. Comme le dit Calliclès à Socrate dans le Gorgias, renoncer à ses désir c'est vivre comme une pierre !

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