Bergson, la conscience est durée
Commentaire de texte : Bergson, la conscience est durée. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Li Lia • 1 Novembre 2016 • Commentaire de texte • 3 695 Mots (15 Pages) • 1 186 Vues
La conscience est durée
BERGSON
L ’énergie spirituelle
Dans un extrait de L'énergie spirituelle, Henri Bergson aborde le thème de la
conscience. Le problème qui se pose à lui est de saisir la réalité de la vie psychique
sans la dénaturer : l’intelligence est-elle en mesure d’appréhender le réel dans ce qu’il
a de singulier ; définir une réalité vécue, n'est-ce pas la réduire à une généralité
abstraite ? C'est pourquoi, plutôt que d'en proposer une définition générale, la
démarche de Bergson consiste à s'installer dans l'expérience vécue, pour retrouver
l’intuition que nous avons de nous-même. Cette approche descriptive et non
analytique, cherchant à coller au plus près du réel, permet à l'auteur de défendre la
thèse que la conscience se caractérise par la « durée ». L'expérience que nous
avons de nous-même n'est pas une juxtaposition discontinue d'instants, elle a une
continuité, une « épaisseur de durée », en raison du travail de liaison qu'opère la
conscience avec le passé et l'avenir.
Bergson organise son argumentation en quatre mouvements. La première partie,
jusqu'à la ligne cinq (« apparent ») pointe les limites d'une approche intellectualiste
qui proposerait une définition abstraite de la conscience. La seconde partie, jusqu'à la
ligne douze, et la troisième, qui se clôt ligne dix -huit, décrivent successivement la
conscience comme rétention du passé et ouverture sur l'avenir. Ce qui permet à
l'auteur, dans le dernier mouvement, de poser une équivalence entre conscience et
durée : le temps de la conscience n'est pas une juxtaposition d'instants, il est
continu.
Alors que Bergson se propose de répondre à la question « qu’est-ce que la
conscience ? », contre toute attente, il élude toute tentative d’en proposer une
définition, préférant chercher à la « caractériser ». Derrière cette opposition de la
ligne quatre, entre définir et caractériser, se joue une distinction qui travaille toute
l’œuvre bergsonienne, entre intelligence et intuition. Par utilité pratique, pour les
besoins de l’action, l’homme est conduit à classer le réel en rubriques ; c’est
l’intelligence qui opère cette classification de la diversité concrète suivant des
catégories générales, induisant un rapport abstrait avec le réel. Chez Bergson,
l’intuition désigne au contraire le rapport immédiat que nous avons avec le monde.
Le réel a pour caractéristique d’être multiple et mouvant. Or, définir une
réalité singulière, ce n’est pas la caractériser dans ce qu’elle a de spécifique et
d’original, c’est la ramener à une essence générale : aux caractéristiques essentielles
qu’elle a en commun avec les autres réalités appartenant à la même classe d’objets.
Définir la conscience, ce serait donc la ramener à une signification générale ;
l’exercice de définition correspond au rapport abstrait que l’ intelligence entretient
avec le réel : la pensée analytique, en envisageant une réalité concrète suivant son
appartenance à un genre, est ainsi incapable de la ressaisir pour elle-même.
Ce refus de définir la conscience renvoie à la critique du langage que Bergson
a exposée dans un ouvrage antérieur : Le Rire. Dans ce dernier, le philosophe défend
la thèse que nous voyons le monde à travers le voile des mots : le langage nous
masque l’accès non seulement à la réalité physique transcendante, hors de nous,
mais à notre propre réalité psychique immanente, il nous rend étranger à notre
propre vie intérieure. Pour montrer que le langage appauvrit le réel, parce qu’il en
ramène la multiplicité foisonnante à un nom unique et parce qu’il en fige les nuances
dans une catégorie tranchée, Bergson donne l’exemple du mot « amour ». A des fins
pratiques, pour exprimer ce sentiment de notre vie psychique à la personne pour
laquelle nous l’éprouvons, nous sommes amenés à le nommer ; mais pour que le mot
soit compréhensible à autrui, il ne retient d’expériences singulières que ce qu’elles
ont en commun : ainsi pensons-nous sous le même nom commun « amour » des
expériences amoureuses singulières et diverses et figeons nous dans une signification
stable, un sentiment qui a des nuances, qui évolue au cours du temps.
C’est donc parce que le langage réduit la diversité changeante du réel à
une signification générale appauvrie que Bergson refuse
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