L'érotisme, Georges Bataille
Dissertation : L'érotisme, Georges Bataille. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar adamguyon • 20 Mai 2021 • Dissertation • 2 086 Mots (9 Pages) • 1 173 Vues
Dans « L’érotisme », Georges Bataille évoque l’idée que la culture est une manière de refuser la nature qui se reconnaît à partir du principe de l’éducation, et permet le passage de l’inné à l’acquis.
En cela, il révèle l’opposition complexe que constituent la nature et la culture, qui sont ici les notions mises en jeu, et qui suppose le passage d’un être instinctif à un sujet raisonnable qui différencie l’homme de l’animal sauvage. Mais, quelle essence peut-on donner à ces termes à la fois antithétiques et si étroitement reliés ?
Tout d’abord, la culture désigne l’ensemble des réalités matérielles et spirituelles produites par l’homme. Cette production suppose la transmission d’une mémoire qui n’appartient plus à la génétique, mais à la tradition. Ensuite, la nature plus complexe à définir du fait de son caractère polysémique, peut dans un premier temps désigner en opposition à la culture, l’ensemble des réalités qui existent indépendamment de l’activité humaine ce qui réduirait son rapport au sujet à l’inné, et à l’animalité. Cependant, la nature peut aussi dans un aspect plus scientifique, être associée à notre constitution biologique et donc supposer un développement « normal » de l’espèce humaine, qui supposerait l’apparition de la culture. Dans ce cas, où la nature inclut le développement culturel du sujet, la culture serait alors une appropriation de la nature par le travail et sur la base de laquelle s’édifient les rapports sociaux et les représentations idéologiques qui font de l’homme un être historiquement situé. Dans le sujet, on remarque la présence du terme « déshumaniser », qui vient s’opposer fondamentalement à l’humanisation des sujets que nous sommes, processus qui suppose l’acquisition d’une certaine raison qui détacherait l’homme de ses pulsions naturelles et de son caractère primitif sauvage qui le lie directement à l’animal et donc à un état de nature. Ce processus selon la « doxa », est le fruit de l’héritage culturel qui fournit des normes conventionnelles et un cadre, par les institutions et l’éducation, propice au développement moral du sujet.
L’analyse de ces termes pose donc un problème : la culture n’est-elle qu’un progrès qui découle du développement naturel du sujet et lui donne l’accès à la raison et au bonheur, fruits d’une humanisation ou constitue-t-elle également une forme de perversion à l’égard de ce qui constitue sa nature profonde, et pourrait à l’usage former des individus totalement déraisonnables qui s’abaisseraient même en-dessous du stade primitif de l’homme ? On abordera dans un premier temps l’idée que la culture nous éloigne de notre nature profonde, de notre caractère sauvage, afin de former des êtres humains capables d’agir et de penser raisonnablement. On montrera ensuite que la culture, en instaurant des normes conventionnelles qui défient radicalement notre nature instinctive profonde, peut aussi former des « machines » humaines qui semblent dénuées de tout rapport avec la raison. Enfin, on s’intéressera à la possibilité que la culture humanise le sujet uniquement si elle se développe au profit d’une société raisonnable qui répond à des besoins politiques sans nier totalement l’état naturel de l’homme.
Tout d’abord, la culture peut apparaître comme un vecteur d’humanisation car si l’on prend le sens premier du terme qui se réfère au modèle de l’agriculture (cultura en latin), alors, en permettant la sédentarisation des hommes primitifs, elle a favorisé l’apparition de cités où en subvenant plus facilement à leurs besoins primaires, les hommes ont pu développer d’autres aspects de leur essence grâce à l’optimisation du temps : au lieu d’être à la recherche constante de nourriture ou d’eau pour survivre, ils peuvent récolter des biens alimentaires dans les champs une partie de la journée, et se consacrer à des loisirs culturels . En cela, l’espèce humaine n’a cessé de se développer sur le modèle de la culture de générations en générations, pour donner naissance à un être humanisé, qui use de la raison. L’humanisation pouvant être définie comme le fait de se reconnaître dans un sujet, ce qui fait de lui un être raisonnable, alors dans ce cas on peut en déduire que la culture est un vecteur d’humanisation. Si l’on caractérise ensuite la culture comme une recherche de dépassement de la nature, alors en éloignant l’individu primitif de ses instincts sauvages et de ses pulsions, elle peut donner un accès encore une fois à la raison, et donc à l’humanisation. Dans la Propédeutique Philosophique, Hegel évoque ainsi l’idée qu’à l’état de nature, à première vue l’état parfait de l’homme, l’innocence animale est dépourvue de toute valeur morale et que c’est dans ce dernier que l’injustice et la violence sont omniprésents. Selon lui, la culture serait un état où « prédomine le vouloir véritable », et où l’homme primitif physiquement peu puissant par rapport à d’autres animaux, peut utiliser les dispositions spirituelles dont il est pourvu. Enfin, si l’on définit la culture comme une des réalités que l’art reflète, et le processus qui lui a permis de s’élargir par l’évolution de la technique, alors on reconnait la culture comme un vecteur d’humanisation. En effet, l’art, de ses formes primitives aux formes les plus évoluées, humanise par l’émotion et la pensée chaque sujet qu’il touche, et l’aide à mettre des mots sur des sentiments confus. En cela, il favorise l’humanisation de l’individu en l’aidant à progresser dans la connaissance de son être intérieur. Par exemple, Baudelaire dans son poème « Le Spleen » illustre par un bestiaire effrayant le spleen, sentiment de mal-être qui peut surgir sans véritable raison. Ainsi, le poète met des mots sur cet état-d’âme confus et permet à ceux qui sont touchés par ce dernier, de prendre conscience de ce sentiment, et de le dépasser pour progresser dans leur état spirituel. Par ce processus, les lecteurs s’humanisent en levant le voile sur un mal-être abstrait qui aurait pu les ralentir dans leur évolution. Ainsi, la culture dans le sens du modèle agricole, du dépassement de la nature et d’une réalité représentée par l’art, se révèle un vecteur d’humanisation.
Si toutefois on s’intéresse à la culture dans le sens d’une éducation qui cherche à programmer, d’une recherche de la perfection, et comme une envie obsessionnelle d’évolution, alors la culture peut déshumaniser les sujets. Si l’on définit dans un premier temps le terme déshumaniser comme la volonté de gommer toutes les singularités qui caractérisent un individu afin d’obtenir des « machines » formatées, programmées ; alors l’éducation, pillier de la culture, peut lorsqu’elle prend certaines formes, déshumaniser.
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