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Lecture analytique n°1 – Etude du chapitre I, Micromégas de Voltaire

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Par   •  12 Octobre 2016  •  Fiche de lecture  •  1 969 Mots (8 Pages)  •  4 382 Vues

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Lecture analytique n°1 – Etude du chapitre I, Micromégas de Voltaire

Le XVIIIe siècle connaît une effervescence sur  le plan philosophique, littéraire, scientifique et culturel. Et pour cause, Les Lumières. Ce mouvement dont les principes reposent sur la devise « Ose connaître », remet l’Homme au centre des préoccupations. Voltaire (1694-1778), dit François Marie Arouet de son vrai nom, est une figure emblématique de ce mouvement. Cet écrivain polymorphe était considéré comme un véritable « prescripteur d’opinion ». En 1752, avec la publication de Micromégas, il s’impose comme le créateur d’un nouveau genre, le conte philosophique. Cette œuvre relate l’histoire de Micromégas qui après avoir été contraint à une peine de 800 ans d’exil pour la publication d’un livre « sentant l’hérésie » par le muphti, se lance dans un voyage interstellaire pour « se former le cœur et l’esprit comme l’on dit ». A travers cette analyse, nous étudierons le premier chapitre de ce conte intitulé : « Voyage d’un habitant du monde de l’étoile Sirius dans la planète de Saturne », nous montrerons en quoi ce chapitre est le début d’un conte philosophique. 

Pour ce faire, nous présenterons dans un premier temps les différentes composantes du récit qui permettent de mettre en évidence qu'il s'agit bien d'un début de conte, puis nous analyserons les procédés mettant en place la narration et notamment de quelle manière la fiction nous est contée ; enfin, nous montrerons que les différents thèmes et références abordés par l'auteur servent à bâtir une visée philosophique, qui constitue le principal enjeu de l'œuvre.

   Dès le premier chapitre, le lecteur retrouve toutes les caractéristiques du conte traditionnel. On peut dater approximativement le voyage de Micromégas grâce à la référence faite à Blaise Pascal, écrivain français du XVIIe siècle, qui, dès son plus jeune âge, se révèle mathématicien de génie : « C'est dix-huit de plus que Blaise Pascal, lequel en avait deviné trente-deux en se jouant, à ce que dit sa sœur, devint depuis un géomètre assez médiocre et un fort mauvais métaphysicien ». De plus, l'allusion faite à Lulli (violoniste, compositeur et surintendant de la Musique sous Louis XIV) : « comme un musicien italien se met à rire de la musique de Lulli », et celle faite à un ouvrage écrit par Rollin en 1728 nous permettent de penser que le héros voyage au moment de l'écriture du conte, c'est-à-dire vers 1739. Cependant, les périodes sont complètement fictives : Micromégas a 450 ans, son procès dure 220 ans et il est condamné à un exil de 800 ans. Les durées dépassent donc la portée humaine et nous plonge d'emblée dans le temps invraisemblable du conte. De même, le lieu s'élargit : le héros voyage de planète en planète à travers la Voie lactée : « Il parcourut la voie lactée en peu de temps ». Dans le premier chapitre, le Sirien se pose sur Saturne, où il rencontrera le secrétaire de l'Académie de Saturne, qui deviendra son compagnon de voyage. Le temps et le lieu s'élargissent donc à une portée universelle et dépasse les frontières humaines. Quant au décor, il ressemble fort à l'organisation des sociétés de la Terre : on y retrouve des écrivains, des juges et des scientifiques : « Quelques algébristes […] prendront sur-le-champ la plume » - « il étudiait, selon la coutume, au collège des Jésuites de sa planète ».  On y retrouve également un chef politique et religieux : le muphti (membre du clergé musulman, chargé du maintien de la loi religieuse). Par ailleurs, l'action qui se déroule rappelle fortement la vie de Voltaire : Micromégas écrit un livre « fort curieux » qui déplaît aux instances religieuses. Celles-ci, sentant l'hérésie, le poursuivent : le livre fini condamné et le héros est forcé à un exil de 800 ans. De même, l'auteur sera, à plusieurs reprises, forcé à l'exil au cours de sa vie.

Quant aux personnages, ils respectent également l'esprit des contes. Comme tous héros des contes, Micromégas est un jeune adolescent doté de qualités qui le feront triompher. La principale force du Sirien réside dans son esprit cultivé et intelligent, cependant c'est ce même esprit qui sera la cause de ses tourments et le forcera à l'exil. Le héros mettra alors ce voyage forcé à profit afin d'étoffer son esprit et former son raisonnement. Son nom, Micromégas, est un oxymore : il est formé de micro qui signifie petit et méga, qui signifie grand. On retrouve ici un thème très cher aux philosophes des Lumières : la relativité. Le héros est donc tantôt grand, tantôt petit, en fonction de l'élément de comparaison. Ainsi, le jeune homme est immense comparé aux habitants de la Terre ou de Saturne, de taille normal sur sa planète, mais infime comparé à l'univers. Un autre personnage, fictif également, fait son apparition dans le premier chapitre. Il s'agit du secrétaire de l'Académie de Saturne qui est, lui aussi, beaucoup plus grand qu'un Terrien, mais bien plus petit que Micromégas. Voltaire le qualifie d'un homme de « beaucoup d'esprit, qui n'avait à la vérité rien inventé, mais qui rendait un fort bon compte des inventions des autres ». Il est aisé de reconnaître l'allusion à Fontenelle, auteur des Entretiens sur la pluralité des mondes (1686) et qui se brouilla avec Voltaire suite à la publication des Eléments de la philosophie de Newton par ce dernier. Cette utilisation de personnages inspirés de faits réels sort du cadre habituel du conte et pose les bases du conte philosophique.

Ainsi, dès le premier chapitre, le lecteur perçoit les caractéristiques fidèles au conte traditionnel : un lieu et un temps en dehors des limites humaines et des personnages hors du commun. Les faits racontés sont extraordinaires, et le cadre merveilleux. La fiction est donc belle et bien présente, cependant comment nous-est-elle contée ?

    Tout d'abord, les temps employés respectent les règles d'écriture du conte : ce sont l'imparfait et le passé simple qui dominent. Si l'imparfait permet d'implanter le décor et de le décrire : « il y avait un jeune homme de beaucoup d'esprit... » - « Notre voyageur connaissait merveilleusement les lois de la gravitation », le passé simple permet au récit d'avancer et présente les actions au premier plan : « lorsqu'il devina... » ; « il disséqua beaucoup de ces petits insectes... ». Malgré la domination de l'imparfait et du passé simple, d'autres temps sont présents et ont une toute autre fonction que de faire avancer le récit : le présent de l'indicatif utilisé par l'auteur pour intervenir : « ce qui fait une très jolie proportion» - « Derham se vante d'avoir vu au bout de sa lunette » et le futur simple à connotation ironique : « Quelques algébristes, gens toujours utiles au public, prendront sur-le-champ la plume, et trouveront […] qu'il faut absolument que le globe qui l'a produit ait au juste vingt et un millions six cent mille fois plus de circonférence que notre petite terre ». L'ordre de la narration est également respecté et suit la chronologie du voyage de Micromégas, se terminant par la visite de la Terre. Le rythme est quant à lui très rapide et donc vivant. Les événements se succèdent rapidement : en moins de quatre pages, l'auteur dresse l'enfance du héros (situation initiale), son procès (élément perturbateur) et le début de son voyage (début des péripéties).

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