Simone de Beauvoir

I. Une affirmation du génie féminin (l. 1 à 16).

1) Une infériorité dénoncée

Simone de Beauvoir s’attaque, dans cet extrait, à un des éléments du discours des hommes sur les femmes : leur infériorité intellectuelle et créatrice. La thèse est posée dès les premières lignes du texte au travers d’une question rhétorique : ce sont les circonstances historiques et sociales qui ont rendu impossible l’éclosion du génie féminin : « comment les femmes auraient-elles eu jamais du génie alors que toute possibilité leur était refusée ? » On remarque l’emploi du conditionnel passé pour souligner ce regret sur le passé, ainsi que l’opposition entre « jamais » et « toute possibilité » qui montre la résistance passée de la société au génie féminin.

Le génie féminin n’a jamais eu la possibilité de s’exprimer.

2) Une société qui nie la femme comme elle nie les êtres qu’elle juge inférieurs (ou…autre titre possible : une société qui hiérarchise les êtres pour mieux les nier)

Pour défendre sa thèse, la locutrice s’appuie sur plusieurs arguments. Elle utilise essentiellement un raisonnement par analogie pour montrer que d’autres catégories d’opprimés ont subi le même reproche de prétendue infériorité créatrice. Trois exemples sont évoqués à la suite : les américains, les noirs, le prolétariat français. Il s’agit donc de montrer que, en tout temps, et en tout lieu, des êtres humains n’ont pas pu donner la mesure de leur talent car on ne les y autorisait pas. Simone de Beauvoir reprend une parole de Jefferson, sur l’autorité de qui elle s’appuie pour demander, comme lui en son temps pour les Américains, plus de temps pour les femmes afin qu’elles donnent la mesure de leur génie : « Laissez nous exister avant de nous demander de justifier notre existence » (l.4-5).

Dans cette analogie utilisée par Simone de Beauvoir, les Américains subissent une oppression liée à leur nationalité: l’ adjectif « barbare » (l.4) rend compte du point de vue que la « vieille Europe » portait sur ce nouveau peuple. De fait, la nouveauté inspire nécessairement une crainte de l’autre qui devient « barbare ». Ainsi, Simone de Beauvoir souligne l’absurdité du discours des « vieux Européens ». La violence des Européens à l’égard des Américains est évoquée à travers les termes « accablé » et « mépris ». L’adjectif « vieille » (l.3) qualifiant l’Europe suggère, par analogie, l’absence d’évolution d’une société qui continue à nier la possibilité d’un génie féminin. Simone de Beauvoir critique donc implicitement le caractère réactionnaire de la société du XX e siècle.

La référence à Jefferson conclut le premier exemple en renforçant l’argument par analogie : Simone de Beauvoir fait appel à l’autorité du président dont les paroles peuvent être appliquées au sort des femmes au XXème siècle. Ainsi, la voix de Simone de Beauvoir se superpose à celle de Jefferson et lance un appel à la société, l’enjoignant à laisser exister les femmes.

L’analogie avec les Noirs (l.6) envisage une oppression liée à la couleur de peau et l’analogie avec le prolétariat français renvoie à une oppression liée au statut social. Les termes génériques : « artistes », « écrivains » (l.4) ont laissé place à des noms d’auteurs célèbres « Whitman, Melville » (l .7) puis dans l’analogie suivante : « Mallarmé, Racine » (l. 8-9) pour rendre le principe de comparaison plus efficace et plus précis. On notera que le raisonnement entier repose sur la négation : « qui ne possédaient ni artistes, ni écrivains » (l.4), « n’avoir produit ni un Whitman, ni un Melville », « ne peut non plus opposer aucun nom » (l.7-8).

C’est donc bien un principe d’analogie particulièrement efficace qu’utilise Simone de Beauvoir : en effet, comme les exemples du passé, la femme est totalement niée par la société actuelle.

3. Une émancipation féminine annoncée

La première partie du texte s’achève sur un argument d’autorité à travers une longue citation d’Arthur Rimbaud (l.10 à 16) illustrant les bienfaits de l’avènement de la femme libre.

Cette citation est annoncée comme une « prophétie » faisant de la femme libre une sorte de nouveau messie. Elle met en avant le génie créateur de la femme : « elle sera poète »( l.13).

La force et la puissance de son génie sont soulignées par l’énumération d’adjectifs : « étranges, insondables, repoussantes,

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