Réecriture d'un passage - Manon Lescaut

Des Grieux avait marqué le temps de son départ d’Amiens.

« Hélas ! s’écria t-il, que ne le marquais-je un jour plus tôt ! j’aurais porté chez mon père toute mon innocence. » La veille même de celui qu’il devait quitter cette ville, étant à se promener avec son ami, qui s’appelait Tiberge ami fidèle de Des Grieux depuis l’enfance et digne de toute confiance, ils virent arriver le coche d’Arras, et ils le suivirent jusqu’à l’hôtellerie où ces voitures ont l’habitude de descendre. Ils n’avaient alors pas d’autre motif que la curiosité, qui d’ailleurs, les envahissait. Ils en sortit quelques femmes qui se retirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui attira incessamment l’attention de Des Grieux. Elle s’arrêta seule dans la cour, elle était fatiguée de son voyage, elle qui venait tout droit de Lyon et gardait toujours cet air un peu morose venant sans doute du fait qu’elle n’était pas venue ici de son plein gré ; pendant qu’un homme d’un âge avancé, qui lui servait de conducteur, s’empressait pour faire tirer son équipage des paniers. Elle parut si charmante aux yeux de Des Grieux, que ce dernier, n’ayant jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d’attention et dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, se trouva enflammé tout d’un coup d’une vive passion jusqu’au transport. Cependant il avait toujours eu le defaut d’être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais loin d’être arrêté par cette faiblesse., le jeune homme avança vers la maîtresse de son cœur qui était plutôt grande, belle, chatain des yeux et des cheveux et ayant un goût prononcé pour la qualité vestimentaires. La jeune femme, alors surprise de cette venue improbable, n’en resta pas moins impressionée recevant les politesses de Des Grieux sans paraître pour le moins du monde embarrassée, malgré son jeune âge. Cette attention la rendit toute vaniteuse et satisfaite voyant ici une possible opportunité d’échapper à son entrée au couvent imposée par ses parents à cause de ses mauvaises conduites répétitives.

« Qu’est ce qui vous amène donc à Amiens, vous y avez quelques personnes de connaissance ? » lui demanda Des Grieux légèrement anxieux.

-« Non, j’y ai était simplement envoyée par mes parents pour être religieuse » lui dit-elle inégénument et un peu agacée.

Le jeune Des Grieux ne prêta même pas attention à sa réponse tant il était émerveillé par la jeune femme. L’amour le rendait si éclairé depuis un moment qu’il était dans son cœur, qu’il regardait ce dessein comme un coup mortel pour ses désirs. Manon le sentait bien, mais il n’en était pas autant pour elle. Elle voyait Des Grieux comme un jeune homme charmant, munie d’un visage et d’un corps plutôt avantageux mais aussi sérieux, qu’elle trouvait donc bien coquet mais qu’elle voyait surtout aussi, comme un moyen de se tirer d’embarras rapidement et de façon toute à fait habile. Il lui parlait d’une manière qui lui fit comprendre ses sentiments, car elle était bien plus expérimentée que lui. Il comprenait que c’était malgré elle qu’on l’envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant aux plaisirs pensa-t-il, qui s’était déclaré et qui a d’ailleurs causé, par la suite, tous les malheurs

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