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Rousseau, Les Confessions :

Commentaire de texte : Rousseau, Les Confessions :. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  20 Mars 2022  •  Commentaire de texte  •  1 696 Mots (7 Pages)  •  715 Vues

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Incipit Rousseau, Les Confessions :

Devant les Essais de Montaigne Pascal fulmine :« Le moi est haïssable », ainsi il fustige toute personne autocentrée, se considérant comme un point autour duquel se tiennent les autres et le monde. Prenant le contre-pied du philosophe du siècle précédent, Rousseau, après bien des déconvenues avec son époque, se replie sur lui-même, le seul endroit où il se sente réellement apaisé, et entreprend de raconter sa vie, afin de montrer, dit-il, un homme dans « toute la vérité de la nature ».

Rousseau, philosophe du siècle des Lumières, est connu pour être à la fois le plus sûr représentant de son époque mais aussi son critique le plus fameux. Vitupérant les excès de la modernité, de la civilisation, il se fait le chantre de la vie simple, de la pauvreté et de la vertu.

Ainsi Rousseau renoue par ses Confessions, avec la tradition littéraire de l’écriture du moi. puisqu’il nomme son ouvrage en empruntant le titre du livre de Saint Augustin. Toutefois Rousseau se démarque de ces illustres prédécesseurs par les visées de son œuvre. Alors que Montaigne, dans ses Essais refusait de se « peindre tout entier et tout nu » par souci de bienséance, Rousseau prend le parti de la sincérité, c’est-à-dire de se dépeindre entièrement, tant dans ses travers, que dans l’étalage de ses qualités, et ce en partant de la petite enfance jusqu’à l’époque de la rédaction. Ce faisant, il crée un nouveau genre littéraire, celui de l’autobiographie.

L’incipit des Confessions que nous avons à analyser fut rédigé après la rédaction des six premiers livres. Rousseau entreprend ce long travail d’écriture à la suite des attaques de Voltaire à son égard, notamment au sujet de l’abandon de ses enfants, afin de se justifier.  C’est alors une période délicate pour Rousseau, durant laquelle il se sent persécuté de toute part, trahis par ses amis intimes, et crois que son œuvre sera détournée ou détruite après sa mort. Le récit qu’il livre alors devient un véritable plaidoyer, sincère mais partial, dans lequel il tentera de démontrer qu’il a toujours vécu en toute honnêteté.

Cet extrait est singulier sur ce point qu’il énonce clairement le pacte autobiographique tel qu’il sera théorisé deux siècles plus tard par Philippe Lejeune.

Nous verrons alors en quoi réside la singularité de l’entreprise de Rousseau dans sa volonté de se démarquer de ses contemporains

Ce texte

  • Epigramme tirée d’un poème du poète latin Perse, signifiant : intérieurement et sous la peau », elle annonce la volonté de Rousseau de se dire en tout honnêteté, on retrouve donc le pacte autobiographique (théorisé par Philippe Lejeune) dès le début de l’œuvre.
  • Dans la première phrase Rousseau parle de son entreprise, insistant sur le caractère unique de son œuvre, puisque qu’elle n’a jamais eu d’exemple et qu’elle n’aura pas d’imitateur. Cette singularité est développée par les deux subordonnées relatives adjectives qui complètent le nom d’entreprise. On peut y voir un défi de Rousseau à l’encontre des auteurs passés, qui n’ont pas été capables de réaliser une telle œuvre, et des auteurs futur, qui n’en seront pas capables.
  • On retrouve le pacte autobiographique dans la deuxième phrase du livre, Rousseau dit qu’il veut montrer un homme dans toute la vérité de la nature. Avec la vérité on retrouve cette idée d’honnêteté du pacte autobiographique. Il insiste bien sur la première personne du singulier, on compte déjà 4 occurrences de la première personne du singulier, deux pronoms personnels sujets en tête de phrase, un déterminant possessif pluriel, et un pronom personnel objet.
  • Nouvelle insistance sur le moi objet avec une proposition de deux mots : moi seul. Le livre parlera donc de lui et de seulement lui. Rousseau met en avant son unicité
  • Rousseau explique que lui seul se connait car lui seul sent son cœur, mais il insiste bien pour dire qu’il connait aussi les hommes. Lui seul donc peut se juger, mais aussi juger les hommes. Le ton est péremptoire : je connais les hommes.
  • Rousseau insiste de nouveau sur sa singularité, il s’estime différent des hommes qu’il a vus, il est même audacieux, car il « ose croire » qu’il est fait différemment de tous les hommes qui existent. Rousseau est donc unique. Il est incomparable on ne peut le comparer avec les autres hommes. La phrase a une construction parallèle : je ne suis fait comme aucun ; j’ose croire n’être fait comme aucun…
  • Rousseau atténue son propos, il ne s’estime pas meilleur, seulement différent, volonté ici de ne pas froisser son lecteur. Volonté d’afficher une certaine humilité.  Le verbe valoir insiste bien sur cette notion de valeur, de prix, de préciosité.
  • La dernière phrase du paragraphe conclue encore une fois sur le caractère d’unicité de Rousseau. Celui-ci est hors-norme puisqu’il est sorti du moule dans lequel se forment les autres hommes. Cependant, et comme pour atténuer son propos, il ne s’estime pas responsable, car c’est la nature qui l’a voulu ainsi. La seule personne qui pourra juger du caractère mélioratif ou péjoratif de la vie de Rousseau, sera son lecteur, mais seulement après l’avoir lu. Encore une fois la première personne est prépondérante, et Rousseau insiste bien sur elle, il ne dit pas, « après avoir lu mon livre », mais bien « après m’avoir  lu ». Il se fait donc bel et bien objet de son livre, il devient son livre. Rousseau est un livre ouvert. Le verbe juger est ici annonciateur de la demande de jugement, non seulement de dieu lui-même , mais aussi des autres hommes.
    Deux anaphores en si qui annoncent des hypothèses plus qu’éventuelles.
    On notera aussi les nombreuses tournures négatives qui insistent sur le caractère unique de son œuvre, mais aussi de lui-même. Il et elle sont ce que les autres ne sont pas. Enfin, tandis que le je est prépondérant, la figure du lecteur est incertaine, puisque seulement énoncée à l’aide du pronom indéfini « on ».
  • Référence biblique et trompette du jugement dernier (ses écrits viennent d’être brûlés en place publique). Lui ne craint pas le jugement, car il a toute foi en son livre qui est lui. Dieu est ici représenté par une périphrase= souverain juge.
  • Il ne se cache pas, car il parle tout haut. Rousseau se présente selon un rythme ternaire : j’ai fait, j’ai pensé, je fus. Nouvelle insistance sur la matière du livre qui est donc la vie et l’œuvre de Rousseau.
  • Rousseau insiste sur son honnêteté, il a dit le bien et le mal, première antithèse d’une nombreuse série et nouveau parallélisme : quand je l’ai été… quand je l’ai été…
    Il renforce le souci d’honnêteté, et ainsi cherche à capter son lecteur (captatio benevolentiae) avec la même franchise. Franchise synonyme d’honnêteté => pacte autobiographique.
  • Rousseau développe et explicite cette dernière proposition, il n’a rien tu de mauvais, rien ajouté de bon (deuxième antithèse). Toutefois il atténue un peu son propos, s’il est obligé d’arranger la vérité par quelque ornement indifférent, ce n’est que par défaut de mémoire. La limite de la vérité est là, dans le défaut de mémoire. Toutefois, Rousseau établit sa sincérité en prévenant son lecteur, que tout dans son texte ne sera pas pure vérité, mais vérité « agrémentée ». La question de l’honnêteté se pose alors, est-on honnête quand on prévient que parfois on ment, ou ne l’est-on pas ?
  • Si Rousseau n’a plus le vrai il a le vraisemblable. Il compte aussi sur le bon sens. La question qui se pose ici est : faire vrai est-ce de l’honnêteté ?
  • Nouvel aveu de sincérité : il montre ses bons et ses mauvais côtés.  Les bons côtés sont aussi présentés selon un rythme ternaire et ascendant : bon, généreux, sublime. Le bien semble ainsi majoré tandis que le mal semble minoré.
    Parce qu’il est honnête, Rousseau se permet de tutoyer dieu. Il en appelle au jugement de dieu, (nouvelle périphrase= être éternel), car comme dieu voit tout, lui seul pourra voir s’il a menti. Rousseau se sert de dieu comme d’un garant de sa bonne foi.
  • Rousseau qui refusait la comparaison l’appelle maintenant. Il se place en opposition avec tous les autres hommes (dualité : moi/les autres). Il demande à être lu, vu pas tous, exposé. Il use d’un ton impératif, non seulement avec les autres hommes, mais aussi avec dieu. Nouveau rythme ternaire : écoutent confessions, gémissent indignités, rougissent misères, avec double gradation, d’abord des verbes (écouter, gémir, rougir) ensuite des noms (confessions, indignités, misères) Les autres hommes doivent vivre sa vie à travers son œuvre ensuite une mise au défi : seront-ils capables d’assumer ce que lui assume ?

 Chaque lecteur doit ensuite se montrer tel que Rousseau l’a fait, c’est-à-dire avec la même sincérité. Rousseau défit chaque homme, après son examen de conscience, si un parmi la foule des semblables est capable de dire qu’il fut meilleur que Rousseau, qu’il le dise. Cette phrase évoque celle de l’épisode de la femme adultère dans la bible : que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. Il est peut-être un pécheur, mais tous les hommes sont des pécheurs (paroles du christ), donc personne ne doit se permettre de le juger.

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