Nathalie Sarraute Pour un oui ou pour un non

Nathalie Sarraute, figure importante du nouveau roman, est une dramaturge et auteure russe du vingtième siècle. Avocate au barreau de Paris radiée par les lois anti-juives, elle découvrira la littérature et s’inspirera de Marcel Proust, James Joyce et Virginia Woolf, basant une grande partie de son œuvre sur les tropismes, à savoir les mots qu’on ne dit pas et qui sont si importants dans les relations. Cet extrait est tiré de la plus jouée de ses pièces, « Pour un oui ou pour un non », et de la scène d’ouverture. Nous nous demanderons en quoi cette scène est déstabilisante. Pour cela, nous parlerons d’abord de ce début qui déconstruit les règles conventionnelles, puis de l’aveu de H2.

1. Un début qui déconstruit les règles conventionnelles

1. Les personnages flous

Ce début de pièce déconstruit les règles conventionnelles, notamment à cause des personnages très ténus. On ne connaît pas leur physique, leur âge, leur mode de vie ou même simplement leurs noms : ils ne sont définis que par une lettre et un chiffre, H1 et H2. La seule chose qui les distingue est leur chiffre, ce qui les rend à la fois très proches mais également totalement différents, comme si leur situation était interchangeable. H1 a l’air plutôt sur de lui, alors que la ponctuation et les phrases de H2 indiquent qu’il est plus émotif. On apprend très vite que ce sont des amis de longue date, par exemple avec
« J'ai beau chercher... jamais...  depuis tant d'années... il n'y a jamais rien eu entre nous... rien dont je me  souvienne.. » . ou bien « 0ui, pauvre maman... Elle t'aimait bien... elle me disait: «Ah lui, au 
moins, c'est un vrai copain, tu pourras toujours compter sur lui.» C'est ce que  j'ai fait, d'ailleurs. », qui indique que les deux personnages se connaissent depuis l’enfance . Mais on voit également que cette amitié est menacée, c’est même H1 qui en fait la remarque : Si, dis-moi... je te connais trop bien : il y a quelque chose de changé...  Tu étais toujours à une certaine distance... de tout le monde, du reste... mais  maintenant avec moi... encore l'autre jour, au téléphone ... tu étais à l'autre bout du monde... ça me fait de la peine, tu sais... .

1. Le cadre spatio-temporel flou

Ces deux personnages évoluent dans un cadre spatio-temporel très flou. Il n’y a pas de didascalie initiale qui indique la date à laquelle se déroule la pièce, ni de précision au fil de la scène. Le lieu n’est pas non plus défini, ni par l’un ni par l’autre. Cette pièce a un début in medias res, expression latine pour évoquer une arrivée au beau milieu d’une discussion, qui nous sera expliquée au fil du temps. La discussion est portée par les questions de H1, telles que « je voudrais savoir... que s'est-il passé? Qu'est-ce que tu as contre moi? » ou « Alors? ».

1. L’intrigue floue

L’intrigue est également très floue. Le spectateur ne peut que comprendre qu’il s’agit d’une discussion entre deux mis, mais ne comprend pas où elle va l’emmener. Aucune révélation ne lance véritablement l’intrigue dans le début de la scène, on ne peut que suivre les questions d’H1 qui pourraient être les nôtres, afin de comprendre de quoi va parler la pièce. H2 finit par dire que ce n’est « rien », H.2.-C'est... c'est plutôt que ce n'est rien ... ce qui s'appelle rien... ce 
qu'on appelle ainsi... en parler seulement, évoquer ça... ça peut vous entraîner... de quoi on aurait l'air? Personne, du reste... personne ne l'ose... , et ce « rien » est en réalité toute l’intrigue, une dispute entre deux amis reposant sur « rien ». Plus loin dans le texte, nous apprenons que ce qui pose problème à H2 et conduira toute la discussion, est la phrase « C’est bien, ça. ».

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