Madame Bovary, Flaubert
Commentaire de texte : Madame Bovary, Flaubert. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar ALICIAlaaa • 12 Décembre 2022 • Commentaire de texte • 2 473 Mots (10 Pages) • 423 Vues
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COMMENTAIRE D’UN EXTRAIT DE MADAME BOVARY
Commentaire partiellement rédigé, avec plan détaillé
1ère partie, chapitre VI, p. 100-102. De « Elle contait des histoires, vous apprenait des nouvelles » jusqu’à « qui avaient signé, le plus souvent, comtes ou vicomtes, au bas de leurs pièces. »
Introduction
Le roman de Flaubert, malgré son titre qui fait d’Emma l’héroïne du récit, ne s’intéresse réellement à celle-ci qu’à partir du sixième chapitre de la première partie. Alors qu’Emma a rencontré Charles, s’est mariée avec lui, et que le couple vient d’emménager à Tostes, le personnage, devenu « Madame Bovary », découvre avec étonnement qu’elle n’est pas heureuse, et se demande « ce que l’on entendait au juste dans la vie par les mots de félicité, de passion et d’ivresse, qui lui avaient paru si beaux dans les livres. » Le chapitre suivant, dans lequel se trouve l’extrait que nous allons étudier, à la fois rapporte l’histoire d’Emma avant son mariage et constitue un développement de cette pensée. C’est à l’occasion du récit de la vie au couvent, et notamment à travers l’évocation d’une « vieille fille » qui apporte aux pensionnaires des romans, que le narrateur évoque ces lectures qui ont formé l’imaginaire du personnage.
Quel rôle ces lectures ont-elles joué dans la construction de l’identité d’Emma ? Il apparaît d’abord que les fictions romanesques ont constitué la seule éducation remarquable du personnage. Mais cette éducation est problématique : la dimension satirique du texte fait de ces lectures moins une formation qu’une déformation de l’esprit. Enfin, ces lectures sont d’autant plus néfastes qu’elles entraînent Emma à rêver leur concrétisation dans la vie réelle : la confusion entre romanesque et réalité, qui caractérisera la destinée dramatique du personnage, trouve ici sa source dans un mode particulier de lecture.
Une éducation par la fiction
- La découverte des livres
- quelques détails restituent la vie dans le couvent (« Elle […] faisait en ville vos commissions », « on les lisait au dortoir ») ; les pronoms « vos », « on » => expérience collective, à laquelle peut s’identifier le lecteur. Mais ces détails sont peu nombreux.
- les seules anecdotes citées de la vie du couvent concernent les livres ; les seuls personnages qui interviennent sont ceux qui donnent des livres à Emma : la lingère ; « quelques-unes de ses camarades ».
- ce sont les fictions qui structurent l’extrait : romans pour cabinets de lecture (li 1-15), romans de Walter Scott (li 15-25), grandes figures de l’histoire de France (li 25-36), romances (li 37-42), keepsakes (li 43-49).
- répétition du mot « cacher » (« en cachette », « cacher ») : Emma reçoit une éducation contraire à celle qui est prévue au couvent.
La structuration d’un imaginaire
- attrait violent d’Emma pour ces fictions : verbes : « s’éprit », « rêva », « eut le culte de », « fixait ses regards éblouis »
- structure du texte : une phrase présente le contenu objectif des lectures d’Emma, une phrase décrit leur effet sur Emma => succession qui met en relation les livres et l’imaginaire du personnage
Un imaginaire hétéroclite
- diversité des imaginaires dans lesquels puise Emma :
- Walter Scott : Moyen âge : champ lexical : « bahut », « salle des gardes », « ménestrels »,
« manoir », « châtelaines », « ogives », « cavalier »
- romances : mêlent références religieuses (« petits anges », « madones ») et références à Venise (« lagunes », « gondoliers »).
- romans pour cabinets de lecture : champ lexical des sentiments amoureux : « serments »,
« sanglots », « larmes », baisers », « troubles du cœur », « amours, amants, amantes »
- ces champs lexicaux apparaissent dans des énumérations, introduites par un présentatif (« Ce n’étaient que ») ou une locution verbale (« il n’était question que de ») : accumulation d’éléments reliés sans ordre apparent.
- métaphore filée li 30-32 qui repose sur antithèse entre lumière (« comètes ») et obscurité (« immensité ténébreuse », « dans l’ombre ») : montre qu’Emma ne retient de l’histoire que quelques figures, isolées de leur contexte. Isolement souligné : « se détachaient », « saillissaient », « sans aucun rapport entre eux ».
- structure du passage : transitions subtiles entre les divers imaginaires :
- repères temporels assez vagues : « plus tard » introduit aux lectures de Scott ; « dans ce temps-là » introduit au « culte » des grandes figures de l’histoire
- changement de paragraphe : pour passer de l’histoire aux romances
- description des romances : dans la même énumération se succèdent les références religieuses et les références à Venise. « madones, lagunes » : transition opérée par jeu d’assonances et d’allitérations : deux mots de trois syllabes, écho « a » dans première syllabe, « n » dans dernière syllabe.
- keepsakes introduits sans transition : rien n’annonce la phrase « Quelques-unes de ses camarades… » li 43.
=> donne impression d’une lente imprégnation de l’imaginaire, nourri par accumulation de références diverses.
Satire des fictions romantiques
Transition : l’ironie omniprésente transforme la description en satire, et fait de cette éducation par les livres un empoisonnement de l’imagination.
Des romans sentimentaux
- première information sur le contenu des livres, li 7 : « Ce n’étaient qu’amours, amants, amantes » : figure dérivative qui insiste sur omniprésence de l’amour.
- toutes les fictions (sauf romances, et pour cause : elles font partie de l’éducation du couvent) comportent deux personnages, une femme et un homme : « dames » et « messieurs » ; « châtelaine » et « cavalier » ; « femmes illustres ou infortunées » et rois ou chevalier Bayard.
- même les « femmes illustres ou infortunées » sont souvent entrées dans l’histoire pour leur passion amoureuse : Héloïse (et Abeilard), Agnès Sorel (favorite de Charles VII), la Belle Ferronnière (maîtresse de François Ier).
Des récits stéréotypés
- les premiers romans évoqués sont des romans pour « cabinets de lecture » : c’est un genre de littérature populaire avant la lettre, des romans souvent écrits dans un but alimentaire, de mauvaise qualité.
- « avalait de longs chapitres » (li 6), « se graissa donc les mains à cette poussière » (li 16) : expressions péjoratives pour désigner l’acte de lecture. Ce sont des romans qui s’« avalent », qui ne se « dégustent » pas.
- les expressions qui introduisent la description du contenu des fictions adoptent une tournure restrictive : « Ce n’étaient que », « il n’était question que de ». => pas de variations d’un roman à l’autre, caractère répétitif des intrigues, personnages stéréotypés. <= pluriels systématiques : « dames persécutées », « ces châtelaines »,
« madones »…
- portrait des personnages masculins particulièrement ironique : « messieurs braves comme des lions, doux comme des agneaux, vertueux comme on ne l’est pas, toujours bien mis, et qui pleurent comme des urnes »
- italique de « messieurs » : souligne que le mot ne vient pas du narrateur, mais est emprunté aux livres.
Souligne admiration naïve et fait écho à « dames ».
- « braves comme des lions, doux comme des agneaux » : comparaisons hyperboliques : hommes parfaits expressions figées : imite banalité du style
succession souligne antithèse lions / agneaux => ridicule
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