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Lumière et ombre, lecture comparée de l'Oedipe roi de Sophocle et de Pasolini

Commentaire de texte : Lumière et ombre, lecture comparée de l'Oedipe roi de Sophocle et de Pasolini. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  7 Mai 2017  •  Commentaire de texte  •  1 489 Mots (6 Pages)  •  1 140 Vues

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Lumière et ombre dans Œdipe-roi

Traditionnellement, la lumière est associée au savoir et à la vérité, tandis que l'obscurité est rattachée à l'ignorance et au mensonge. Pourtant, dans leurs Œdipe-roi, Sophocle comme Pasolini remettent en question cette vision puisque c'est justement quand il accède à la vérité qu'Œdipe devient aveugle. Comment est articulée la dialectique de l'ombre et de la lumière dans la pièce et dans le film ? Nous montrerons d'une part que cette dialectique se double d'une réflexion sur l'aveuglement et d'autre part qu'elle est souvent rattachée aux thèmes d'ignorance et de savoir.

I La dialectique de l'ombre et de la lumière

A – chez Sophocle

L'opposition entre ombre et lumière est cruciale dans l’œuvre de Sophocle, en particulier parce qu'elle va de paire avec celle de la vision et de l'aveuglement. Œdipe, de manière traditionnelle, assimile la vérité à la lumière et accorde donc une grande confiance à ses sens, seuls capable de lui permettre d'accéder à la vérité. D'où sa réaction incrédule face aux accusations de Tirésias, auquel il reproche sa cécité comme gage de la fourberie de ses paroles. Tirésias étant aveugle, il est incapable d'accéder à la lumière de la vérité comme le montre sa réplique « un aveugle dont l'âme et les oreilles sont aussi fermés que les yeux ». Œdipe est confiant dans ses capacités physiques qui le rendent supérieur à Tirésias « tu ne vis, toi, que de ténèbres, comment pourrais tu me nuire, à moi, comme à quiconque voit la lumière du jour ? ». Cependant, il s'illusionne car Tirésias, même aveugle, reste le messager des dieux, et est donc rendu clairvoyant par cette transcendance. En accusant Tirésias d'avoir recours à des « mots obscurs », il justifie et excuse son propre aveuglement.

Cette opposition lumière de l'ignorance et obscurité de la sagesse est particulièrement visible dans la fin de la pièce, après la reconnaissance finale. Pour la première fois, Œdipe connaît toute la vérité, mais cette vérité est si aveuglante et difficile à supporter qu'il choisit de se mutiler plutôt que d'y faire face directement. Il cherche donc à retrouver les ténèbres protectrices pour pouvoir supporter l'horreur de ses crimes. Paradoxalement, il prend donc la place de Tirésias, idée encore davantage renforcée chez Pasolini quand le messager lui remet symboliquement la flûte du devin. Flûte grâce à laquelle, dans l'épilogue, il pourra jouer, comme Tirésias, ce « chant [qui] [le] place au delà du destin ».

 

B – chez Pasolini

La dialectique de l'ombre et de la lumière est encore plus présente chez Pasolini puisque le recours aux procédés cinématographiques lui permet de rendre visible directement cette opposition entre savoir et ignorance. Cette opposition est particulièrement marquée dans la première partie qui a lieu dans l'Italie des années 20. Les plans de jour présentent ainsi les moments heureux que l'enfant passe avec sa mère tandis que les plans de nuit sont plutôt le lieu de la confrontation avec le père. Ainsi, la séquence qui a lieu pendant la nuit met en avant les peurs de l'enfant, de la peur de l'abandon qui le pousse à quitter son berceau pour retrouver sa mère à la crainte vis-à-vis de son père. C'est d'ailleurs à cet épisode que renvoient les paroles d'Œdipe dans la partie mythique « je me suis éveillé en pleurs en tremblant, avec la peur de l'obscurité, comme quand j'étais enfant. ».

Chez Pasolini, en plus de refléter les craintes du personnage, l'obscurité permet également de représenter l'irregardable. En effet, deux des scènes d'inceste ont lieu pendant la nuit, comme pour montrer qu'en commettant ces actes, Œdipe s'illusionne et sombre dans les ténèbres. De même, la scène qui montre Œdipe découvrant le cadavre de Jocaste pendue a lieu dans la pénombre, comme pour dissimuler l'horreur de ce qui se passe.

Pour finir, le thème de l'aveuglement est essentiel dans le film. En effet, Œdipe choisit à de multiples reprises de s'aveugler, qu'il s'agisse des fois où il se couvre le visage avant de décider du chemin qu'il va suivre, de son refus de se confronter à une vérité gênante « je ne veux plus te voir, je ne veux plus t'entendre » ou de son aveuglement final et irréversible. Les plans les plus significatifs sont ceux qui montrent qu'Œdipe s'aveugle grâce à des jeux de caméra et notamment quand la caméra filme directement le soleil, ce qui produit un éblouissement qui force les spectateurs, comme Œdipe, à fermer les yeux. On le voit par exemple lors de l'épisode de la Pythie où Œdipe est à plusieurs reprises éblouit par le soleil, ou lorsque, quittant l'oracle, il est tellement troublé que plusieurs faux raccords, occultant la foule qui l'entoure, le présentent seul dans le désert. Cependant, c'est dans la scène du meurtre de Laïos que ces plans sont les plus nombreux puisque presque chaque coup fatal porté par Œdipe est présenté à contre-jour pour montrer l'aveuglement d'Œdipe tout en cachant l'horreur de ses gestes.

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