Oedipe Roi Sophocle et Pasolini
Thèse : Oedipe Roi Sophocle et Pasolini. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar marionkse • 13 Mars 2016 • Thèse • 1 718 Mots (7 Pages) • 2 181 Vues
1 – Quelle place Pasolini fait-il, dans son film Edipo re, à la pièce de Sophocle ?
Sophocle et Pasolini traitent le même sujet : la légende d’Œdipe. Et pourtant ils ne l’abordent pas de la même manière. Le premier privilégie une approche philosophique et le deuxième une dimension psychanalytique. Sophocle suit le mythe de manière continue tandis que Pasolini ne privilégie pas cette lecture linéaire : passé, présent, futur. En effet, il traite d’abord un prologue moderne (années 20), une action antique et un épilogue encore plus moderne (années 1960). Sophocle ayant écrit sa pièce bien avant que Pasolini n’écrive son film, nous pouvons nous demander quelle place le cinéaste donne-t-il à la pièce de Sophocle ?
La première différence que nous pouvons relever est que le début du film de Pasolini n’apparaît pas chez Sophocle. Il s’agit du mythe d’Œdipe que le cinéaste à choisit de montrer alors que Sophocle s’adresse à un public qui sait déjà et connaît l’histoire du héros grecque. Cette partie du récit du mythe est très importante chez Pasolini puisqu’elle dure pendant 50 minutes. Il rajoute aussi un épilogue dans lequel nous voyons une partie d’Œdipe à Colonne et qui n’apparait pas chez Sophocle. Nous pouvons donc découper l’œuvre de Pasolini en trois temps : le prologue qui s’appuie sur une « biographie » de Pier Paolo Pasolini, la légende d’Œdipe Roi et donc la pièce de Sophocle et enfin, un épilogue moderne qui montre une fin changée d’Œdipe Roi. Nous voyons donc ici une première différence importante que nous ne pouvons négligée.
Ensuite dans le traitement du personnage d’Œdipe, les deux artistes en ont une vision contradictoire. Sophocle donne des attributs de héros à Œdipe : il est l’homme qui sait, un roi heureux et un époux et père exemplaire. Tandis que chez Pasolini, Œdipe fuit ce savoir. Il ne veut pas connaître la vérité et fait les choses presque inconsciemment. Par exemple, il tue Laïos sous l’emprise d’une chaleur insoutenable comme s’il le faisait sans y penser vraiment. Œdipe paraît plus enfantin chez Pasolini, toujours inquiet, il se mort la main, se cache les yeux, il est sans cesse en train de courir. Il apparait en tricheur souvent violent notamment au jeu de disque, après avoir tué les gardes de Laïos, Œdipe sourit, comme s’il jouissait de cette violence qui le caractérise. Il est un héros indécis, un roi en difficulté, un mari comblé par Jocaste et un père inexistant. Pasolini va même jusqu’à supprimer les filles d’Œdipe car il « a changé l’Œdipe même ». Ici le personnage d’Œdipe est un anti-héros.
Dernière différence importante, nous pouvons dire que la pièce de Sophocle paraît « censurée » dans la dimension où le spectateur ne voit jamais la chambre nuptiale. Sophocle, bien qu’il raconte une histoire où l’inceste prime, passe sous silence cette partie. Il y a peu de référence au couple mère-fils. Néanmoins, Pasolini choisit de montrer la relation à la mère de manière explicite. La chambre nuptiale est montrée, nous assistons aux scènes d’amour entre Jocaste et Œdipe. Pasolini décrit en cela son « histoire d’amour » avec sa mère. Il ne la cache pas. Les scènes du film sont sans cesse relayées à Jocaste, d’autant plus qu’Œdipe se crève les yeux avec les clés de la chambre du couple incestueux. Et non pas avec les broches de Jocaste comme dit dans la pièce. Le symbole est plus fort dans le film puisqu’il s’agit des clés de leur amour au sens propre, Œdipe apparaît donc encore plus dévasté par la mort de Jocaste. En plus de cela, chez Sophocle, le meurtre de Laïos n’est relaté qu’à travers les récits des différents personnages, nous en avons une approche subjective, de même la peste n’est pas montrée au sens de sa « cruauté » mais par ce qu’elle fait. Chez Pasolini, le parricide est montré explicitement et il est très barbare. De même la peste est dévastatrice mais non pas par ses effets (infertilité des terres et des femmes) mais par les victimes qu’elle fait. Ainsi dans le film, les corps nous sont montrés sans retenu, les cadavres parcours toute la ville.
En conclusion, nous pouvons dire que Pasolini met au goût du jour la pièce de Sophocle. En plus des prologue et épilogue modernes qu’il ajoute, il nous montre aussi les choses sous une nouvelle époque. A l’époque de Pasolini les mœurs sont plus légères qu’à l’époque de Sophocle. Il est donc moins choquant de montrer explicitement les rapports entre Jocaste et Œdipe mais aussi la violence qu’Œdipe à en lui. Œdipe est dans ces deux œuvres à la fois héros et anti-héros. Il est biographique pour Pasolini. Mais il est aussi l’image des deux artistes distincts : Sophocle dramaturge adoré et vénéré, Pasolini cinéaste détesté.
2 – Comparez les représentations du peuple chez Sophocle et chez Pasolini.
Le peuple dans Œdipe Roi, que ce soit de Sophocle ou de Pasolini, est constamment présent. Il est une part importante des œuvres, spectateur de la folle décadence du roi de Thèbes. Quelles sont les différences de représentation du peuple chez Sophocle et chez Pasolini ?
Tout d’abord chez Sophocle le peuple apparait dans le premier épisode de la pièce. Il est représenté par les enfants qui suivent le prêtre de Zeus. Ces enfants sont accablés par la peste, agenouillés devant le roi de Thèbes, le suppliant de mettre un terme au malheur qui s’abat sur la ville. Ils incarnent la jeunesse meurtrie par l’épidémie, le peuple décimé. C’est ainsi que Sophocle nous présente le peuple. Ensuite, le chœur prend la relève et devient la représentation exclusive du chœur chez Sophocle. Et sa fonction en tant que chœur n’a pas d’action sur la folle journée que vit Œdipe. Le chœur dans ses paroles est suppliant, il s’adresse aux Dieux, sous le commandement du Coryphée. Le chœur n’a pas de fonction réel, il ne fait pas évoluer l’intrigue, il est spectateur. Il s’adresse aux personnages sans nous apprendre des choses importantes. Il incarne la parole du peuple, puisqu’il est le peuple. L’image que nous en donne Sophocle est une image d’un peuple vieux puisque le Chœur est un chœur de vieillards dans cette œuvre. Ainsi encore une fois le peuple passe pour une nation impuissante, inactive et désarmée face à la tragédie qui se déroule sous leurs yeux.
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