Les faux monnayeurs incipit

Introduction : Les Faux-Monnayeurs est le titre d’un roman écrit par André Gide en 1925. L’auteur dira de cette œuvre que c’est le seul roman qu’il n’ait jamais écrit. Ce roman est considéré comme l’un des plus importants du XXème siècle, précurseur du mouvement littéraire Le Nouveau Roman. Construit avec minutie, ce roman multiplie les personnages, points de vue narratifs et intrigues secondaires. Cette complexité est accentuée par une mise en abyme qui interroge sans cesse le genre romanesque. Le roman s’ouvre sur un des personnages principaux, Bernard, qui découvre sa bâtardise lors de la lecture de lettres de l’amant de sa mère.

Dans quelles mesures le narrateur présente-il dans cet incipit, à travers la construction du personnage, un détournement des règles narratives traditionnelles réalistes et affirme ainsi sa liberté ?

Une apparence d'incipit traditionnel qui joue avec les attentes du lecteur

Un incipit traditionnel ?

_ présentation des personnages avec les éléments traditionnels comme dans le roman réaliste (nom complet, famille, âge puisqu’il passe son bac, il doit avoir environ 17 ans)

_ présentation du cadre: quotidien bourgeois (appartement corridor, mère en visite donc quotidien bourgeois, ameublement de l’appartement, métier du père et du frère…)

_ amorce d'une intrigue de drame bourgeois: idée de mère infidèle (secret de famille dès la première page) // vaudeville

à C’est donc à première vue un incipit assez traditionnel qui évoque certains incipit réaliste. Il y a certes peu d’indications temporelles mais un contexte qu’on peut rapprocher (on est fin juin avant le bac ; on verra plus tard dans le roman par la présence de Jarry qu’on est avant la 1er GM.)

Jeu avec les attentes du lecteur

- « C’est le moment de croire que j’entends des pas dans le corridor, se dit Bernard. »

àCette phrase inaugurale peut être lue à deux niveaux :

1) Fiction : perso en attente (des pas, du bac), mais qui se présente déjà comme personnage, à la façon d’un perso de théâtre, il joue, il a envie de se faire surprendre (voir plus loin « ça joue la larme »).

2) Narration : « c’est le moment de croire » peut s’interpréter de la façon suivante : vous lecteur, devez accepter de croire le narrateur et entrer dans la fiction. Donc attente du lecteur fait écho à celle du personnage.

Rappel :

• fiction : l'histoire, ce qui est raconté

• narration : récit, le texte lui-même, manière de raconter.

_ réaction du personnage face à la découverte de sa bâtardise : on s'attend à une réaction pathétique mais on a à la place un soulagement, un sentiment de liberté : « délivrance », « liberté »

_ Il y a un certain détachement du personnage qui joue : questions qu'il formule et qui sont aussitôt balayées car il n'y répond pas. Le fait de croire qu'il ira chercher son vrai père est une fausse piste.

Un incipit programmatique

Construction ou déconstruction du récit ?

_ Après une longue description du cadre, le perso va s'en détacher, s'effacer, refusant ce mimétisme à Il annule ce qu'il vient tout juste de dire

_ Le narrateur nous annonce le nom du personnage et toute sa famille (= éléments traditionnels) pour ensuite dire que Bernard ne fait pas partie de cette famille et qu’il ne veut plus de son nom.

_ Après la présentation du cadre, Bernard s’en détache, il veut sa liberté, (il n’est donc plus dans le milieu bourgeois, et fugue)

_ Bernard refuse la ressemblance, veut être libre d’être qui il veut : « Ne pas savoir qui est son père, c’est ça qui guérit de la peur de lui ressembler ».Une Liberté affirmée après une présentation de l’univers familial vu comme angoissante avec le champ lexical de la claustration : « retenus, bouclait, étouffait… »

à

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