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Lecture linéaire 8 « L’ennemi », Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857-1861

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Par   •  4 Février 2023  •  Analyse sectorielle  •  1 111 Mots (5 Pages)  •  362 Vues

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Lecture linéaire 6 : « L’ennemi »

Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857-1861

Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage,

Traversé çà et là par de brillants soleils ;

Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,

Qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils1.

Voilà que j’ai touché l’automne des idées,

Et qu’il faut employer la pelle et les râteaux

Pour rassembler à neuf les terres inondées,

Où l’eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve

Trouveront dans ce sol lavé comme une grève2 

Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?

- Ô douleur ! Ô douleur ! Le Temps mange la vie,

Et l’obscur Ennemi qui nous ronge le cœur

Du sang que nous perdons croît et se fortifie !

1. Vermeil : d’un rouge doré.

2. Grève : terrain sablonneux qui longe la mer ou un cours d’eau.

Lecture linéaire 7 : « Le soleil »

Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857-1861

Le long du vieux faubourg, où pendent aux masures1

Les persiennes2, abri des secrètes luxures,

Quand le soleil cruel frappe à traits redoublés

Sur la ville et les champs, sur les toits et les blés,

Je vais m'exercer seul à ma fantasque escrime,

Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,

Trébuchant sur les mots comme sur les pavés,

Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés.

Ce père nourricier, ennemi des chloroses,

Éveille dans les champs les vers comme les roses ;

Il fait s'évaporer les soucis vers le ciel,

Et remplit les cerveaux et les ruches de miel.

C'est lui qui rajeunit les porteurs de béquilles

Et les rend gais et doux comme des jeunes filles,

Et commande aux moissons de croître et de mûrir

Dans le cœur immortel qui toujours veut fleurir !

Quand, ainsi qu'un poète, il descend dans les villes,

Il ennoblit le sort des choses les plus viles,

Et s'introduit en roi, sans bruit et sans valets,

Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais.

1. Masures : logements pauvres et délabrés, taudis.

2. Persiennes : volets dont les lamelles de bois laissent passer le jour.

Lecture linéaire 8 : « Hymne à la beauté »

Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857-1861

Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme,

Ô Beauté ! ton regard, infernal et divin,

Verse confusément le bienfait et le crime,

Et l'on peut pour cela te comparer au vin.

Tu contiens dans ton œil le couchant et l'aurore ;

Tu répands des parfums comme un soir orageux ;

Tes baisers sont un philtre1 et ta bouche une amphore2

Qui font le héros lâche et l'enfant courageux.

Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?

Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien ;

Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,

Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.

Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques ;

De tes bijoux l'Horreur n'est pas le moins charmant,

Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques3,

Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.

L'éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau !

L'amoureux pantelant4 incliné sur sa belle

A l'air d'un moribond5 caressant son tombeau.

Que tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe,

Ô Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu6 !

Si ton œil, ton souris, ton pied, m'ouvrent la porte

D'un Infini que j'aime et n'ai jamais connu ?

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