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Lecture Analytique Electre Acte II scene 8

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Par   •  23 Novembre 2022  •  Commentaire de texte  •  3 141 Mots (13 Pages)  •  862 Vues

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                       Le CRI DE CLYTEMNESTRE

                                 ELECTRE Acte II Scène 8   GIRAUDOUX (1937)

                                                                                       Introduction

[Contexte]  1937 correspond à une période d’incertitude durant laquelle les totalitarismes semblent gagner inexorablement du terrain, sans que les rares démocraties encore debout ne réagissent réellement. Au niveau littéraire, cette tragédie à grande échelle va trouver une expression dans un renouveau inattendu de la tragédie tout court, par l’écriture de trois dramaturges qui vont s’atteler à réactiver les mythes antiques liés aux deux grandes familles maudites : les Atrides et des Les Labdacides. Il s’agit de Jean Cocteau et sa Machine Infernale (1932), reprenant avec une fausse légèreté la déchéance d’Œdipe. Plus tard, trop tard, ce sera Jean Anouilh allégorisera la Résistance par l’entêtement absurde de la fille, Antigone,  en 1944. [pic 1]

[Auteur] Entre les deux, c’est Jean Giraudoux (1882- 1944) qui se fera l’écho du nœud tragique se mettant en place sur le continent avec d’abord la pièce au titre ironique La guerre de Troie n’aura pas lieu en 1935, puis une œuvre plus subtile, Electre, en 1937. Personnage complexe (nationaliste épris de culture, il est également porté vers un racisme certain au nom de cette même culture, qu’il juge impropre à « l’amalgame »), il est un acteur privilégié de la déliquescence politique précédant l’invasion de la Pologne, puisqu’il est lié à la machine diplomatique française, et grand connaisseur de l’Allemagne.[pic 2]

[Œuvre] Electre est une adaptation assez démystifiée (les contemporains diront « dégradée ») de la fin de l’histoire des Atrides, dans laquelle la fille survivante d’Agamemnon, Electre, (il a sacrifiée sa soeur Iphigénie), fait la lumière sur la mort de celui-ci et se retrouve donc confrontée à la meurtrière de l’illustre roi des grecs, vainqueur de Troie, sa mère Clytemnestre.

[Texte] La scène 8 de l’acte II, proche du dénouement, correspond aux aveux. Comme dans les romans ou les feuilletons policiers, la coupable ne se limite pas aux faits, mais en profite pour expliquer les raisons de son geste, dans une tirade qui ponctue le parcours de Clytemnestre. Cet aveu indirect (elle ne dit pas explicitement qu’elle l’a tué) prend donc la forme d’un cri de haine envers son mari, d’une véritable libération de ce sentiment qu’elle renferme depuis le jour de leur rencontre. Plus étrangement, ce cri a été annoncé, presque mot pour mot, dans le « chant des épouses » d’Agathe, un personnage secondaire créé pour la pièce, deux scènes plus tôt, qui elle aussi avait justifié non le meurtre, mais du moins la trahison presque nécessaire du mari.

[Problématique] Nous nous demanderons donc quel peut être l’intérêt, pour Giraudoux, de reproduire en mode majeur ce qui avait été prononcé en mode mineur peu de temps avant ?

[Annonce des axes de lecture] Une première lecture conduit à l’évidence : nous entendons un véritable cri de haine. Ce quasi monologue sert donc d’illustration à la définition de la tragédie telle qu’elle avait été donnée à l’entracte, le célèbre « Lamento du Jardinier » dans lequel il glorifiait « l’innocence » des héros tragiques, fruit de la « pureté » de leurs sentiments. Ici, il est difficile de ne pas voir cela à l’œuvre, tant l’aveu de la culpabilité se fait dans une haine pure. Une seconde lecture s’intéressera, par suite, à la portée historique de cette réplique, tant cette libération de conscience épouse celle d’une libération de la femme, et tant elle questionne la puissance virile, mais aussi politique, des hommes de l’époque.

  1. Un cri de haine, pur et presque innnocent[pic 3]

  Dans la curieuse mais très juste définition du Jardinier           (transformation du laboureur qu’on pouvait trouver chez Euripide, c’est ici un personnage secondaire métatextuel, comme peut l’être « le Prologue » dans l’Antigone d’Anouilh), ce dernier définissait que le ressort majeur de la tragédie était la « pureté », quelles que soient les atrocités commises par les personnages. Les héros tragiques seraient, à l’inverse de lui (et de nous) déconnectés de la complexité du monde et donc du moindre esprit de compromis. C’est ce qui les rend « innocents » à ses yeux (et à ceux de Giraudoux qu’il représente), puisque non responsables de pulsions qui les dépassent, et non justiciables comme des humains, qu’ils ne sont plus vraiment. Le moins qu’on puisse dire est que Clytemnestre, à cet instant, résume et porte cet oxymore définitionnel.

1- Une haine obsessionnelle

 La première chose qui frappe dans le discours de Clytemnestre, indépendamment même de toute considération littéraire fine, est l’intensité de sa détestation pour son mari ! Sa parole exsude l’irrationnalité, voire l’hystérie, au sens véritablement pathologique du terme. Cela s’observe dans :

  • Les innombrables anaphores, à commencer par le « oui » d’ouverture (l.1 et 2) puis le (« roi des rois » l.6, l.15 et l.33) ou le martèlement des « pourquoi » (l.24, l.26, l.31) qui signalent un discours construit par parallélisme et par reprise, donc sans la linéarité rationnelle et apaisée d’une progression.
  • Toujours dans l’idée de montrer une destructuration syntaxique comme signe d’un dérèglement mental, on peut relever les phrases nominales (donc sans verbe) comme l’exclamative « roi des rois, quelle dérision ! » l.15 ou « inutile, l’eau du bain » (l.17, par ailleurs dans une structure régressive)  
  • L’obsession se traduit enfin par fixation maniaque de Clytemnestre sur des petits gestes, des habitudes, qui deviennent des objets de rejet. On note ainsi que tout le portrait en actes d’Agamemnon, excepté le rapt initial et le sacrifice d’Iphigénie (évènements exceptionnels, donc singulatifs par définition), se fait à l’aide d’imparfaits itératifs : je « tirais » [sa barbe] l.19, « il me faisait signe l.23 », « je lui disais » l.30… 

  La tirade brille donc par les signes stylistiques d’une expressivité déviante, répétitive et agressive, qui retourne presque aux sources antiques du spectacle tragique suscitant, selon la description d’Aristote « la crainte et la pitié ».

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