Le vampire romantique

Le personnage du vampire représenté comme un revenant assoiffé de sang est ancien, mais sa première occurrence littéraire remonte au

Traité sur les apparitions des esprits et sur les vampires ou les revenants de Hongrie, de Moravie, etc publié en 1746 par Cadmet. Avant cela,on le nomme “goule”, “stryge”, c’est alors un mort-vivant, qui revient hanter les vivants et leur aspirer le sang et la vie comme punition pour l’existence qu’il a menée. Nous allons à présent voir l’influence du mouvement romantique sur le personnagedu vampire. Nous décrirons d’abord le vampire du XIXe siècle. Ensuite, nous montrerons que les desseins de ces créatures et la manière dont ils se réalisent changent avec ces caractères nouveaux. Pour finir nous expliquerons quelle est la fonction du vampire en tant que personnage littéraire. Le vampire du XIXe est un personnage du monde aristocratique.

Ruthven est un Lord, Clarimonde une courtisane qui jouit d’un statut distingué de par sa richesse, Carmilla est une comtesse. Ce sont des créatures dont le physique se distingue peu – en apparence du moins - de celui des êtres humains. On peut toutefois y relever certaines spécificités. Le vampire possède une peau pâle, d’un blanc profond (« son front, d’une blancheur bleuâtre et transparente », Gautier, La Morte Amoureuse, édition électronique, p2), voire inquiétant (« pâleur mortelle », Polidori, Le Vampire, édition électronique, p6). Chacun de nos troispersonnages se distingue aussi par des caractéristiques qui lui sont propres. Carmilla a des canines longues et pointues : « J’éprouvai une très vive douleur, comme si deux aiguilles, à quelques centimètres l’une de l’autre, s’enfonçaient profondément dans ma gorge. » (Sheridan Le Fanu, Carmilla, édition électronique, p92). Lord Ruthven, lui, possède un visage singulier (« un seul de ses regards la glaçait aussitôt et remplissait d’effroi ces cœurs » et « un doux sourire », Polidori, Ibid, p6) dont la description antithétique donne à son personnage une dimension énigmatique. Clarimonde, elle, est décrite à la manière d’une statue, allégorie de la perfection : « elle ressemblait à une statue de marbre de baigneuse antique plutôt qu'à une femme douée de vie », « l'exquise rondeur et le poli d'ivoire de ses bras nus” (Gautier, Ibid, p11). La beauté est finalement le principal caractère du vampire du XIXe, qui exerce par celle-ci une fascination irrémédiable envers quiconque le contemplant : “Ces singularités le faisaient inviter dans toutes les maisons” (Polidori, Ibid, p6), “Cette femme était un ange ou un démon, et peut-être tous les deux ; elle ne sortait certainement pas du flanc d'Ève, la mère commune” (Gautier, Ibid, p3) et “C’est, je crois, la plus jolie créature que j’aie jamais vue” (Le Fanu, Ibid, p37). Cette beauté envoûtante est le principal instrument de la séduction opérée par les vampires. La dimension magique de cette attirance est fortement perceptible : “Je n'ai pu

encore bien démêler ce qu'il y avait d'illusion et de réalité” (Gautier, Ibid, p17), “Je me

demande si vous vous sentez aussi étrangement attirée vers moi que je me sens attirée

vers vous” (Le Fanu, Ibid, p47), “Qui pouvait résister au pouvoir de cet homme ?” (Polidori,

Ibid, p24). À travers cette séduction est exprimée la passion humaine héritée du

mouvement romantique. Cette passion traduit un réel amour éprouvé par Clarimonde

envers Romuald : “Adieu, Romuald, adieu je t'aime ; c'est tout ce que je voulais te dire, et je

te rends la vie que tu as rappelée sur moi” (Gautier, Ibid, p12). On voit d’ailleurs que

Clarimonde, qui se laisse d’abord dépérir pour ne pas blesser Romuald, “me souriait

doucement et tristement avec le sourire fatal des gens qui savent qu'ils vont mourir”

(Gautier, Ibid, p18). En revanche, les passions de Carmilla et Lord Ruthven sont clairement

intéressées, le but de ces deux vampires étant ici de subvenir à leurs besoins en sang

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