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Le poète alchimiste

Dissertation : Le poète alchimiste. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  26 Mai 2020  •  Dissertation  •  1 965 Mots (8 Pages)  •  7 116 Vues

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Lilou ROGER

Dissertation « en quoi le poète doit-il, selon vous, être un alchimiste ? »

        « J’ai pétri de la boue et j’en ai fait de l’or » est une citation extraite de « Bribes », Appendices aux Fleurs du mal de Baudelaire, écrite en 1857. Cet alexandrin renvoie à l’acte poétique, l’opération de métamorphose, transmutation, sublimation, amélioration… Cette transformation de la boue en or renvoie à une forme d’alchimie. En effet, pratiquée en Égypte alexandrine, puis dans le monde arabo-musulman à partir du 1er siècle après Jésus-Christ, l’alchimie est originellement une discipline technico-pratique, opérative, ayant pour but la transmutation des métaux vils comme le fer et le plomb, en métaux nobles, tels que l’or ou l’argent. Or nous savons que Baudelaire, et biens d’autres poètes, ont lu des traités hermétiques d’alchimie. La poésie est de ce fait une sorte de pierre philosophale. C’est un moyen de réaliser la conversion des métaux vils en or, mais aussi la médecine universelle, l’élixir de longue vie ou encore la guérison de tous les maux. L’art de la poésie est donc un moyen de surmonter la douleur : le spleen. L’acte poétique est une forme de magie, de sorcellerie. Baudelaire parle de « sorcellerie évocatoire » dans  son œuvre L’Art romantique, écrite en 1852. Nous pouvons ainsi nous demander en quoi le poète est un alchimiste. Nous verrons dans un premier temps qu’il en est un grâce aux mots qu’il emploie et à la magie du langage, puis qu’il transforme la boue en or et enfin que l’artiste fait également le contraire de ces magiciens.

        Tout d’abord, l’alchimie est une sorte d’ancêtre de la chimie. C’est une science ésotérique qui veut percer les secrets de la matière. Le poète est un alchimiste notamment grâce à sa plume, le sens des mots qu’il emploie et la magie du langage.

En effet, il s’attache à nous dévoiler les mystères de son âme et du monde qui l’entoure. Il cherche à nous montrer le visage caché de tout ceci. La poésie est vécue comme une expérience de déchiffrement : la nature est un « temple », l’Homme « y passe à travers des forêts de symboles », extrait du poème « Correspondance ». L’auteur fait son étude du monde pour en dévoiler l’architecture invisible. Il voit et comprend ce que le lecteur, quant à lui, ne perçoit pas. Il connaît et assimile « le langage des fleurs et des choses muettes ».

Écrire de la poésie, c’est tout d’abord être dans un état d’âme particulier propre à l’artiste. Cette expérience conduit le poète à « plonger au fond du gouffre » et « au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau », « Le voyage ».

La magie du langage s’opère en fonction des mots que le poète choisit d’employer. L’utilisation de nombreuses images et figures de rhétorique accentuent ce pouvoir. Nous pouvons le constater dans le titre du recueil de Charles Baudelaire : Les Fleurs du mal. Nous pouvons effectivement relever une antithèse voire un oxymore et un paradoxe. La poétique baudelairienne est une poétique du contraste que repose sur un expérience esthétique du mal. Baudelaire oppose des termes contraires pour leur connotation. Il s’agit en effet de transformer le mal en beau et d’en faire des sujets de poésie. Le poète alchimiste est donc en quête d’une nouvelle forme de beau, d’une beauté nouvelle, en rupture d’une tradition poétique, d’où la célèbre formule baudelairienne : « le beau est toujours bizarre. », donc insolite, impertinent et perturbant.

Comme pour l’alchimiste, cette étude, mais aussi cette envie, vise à transfigurer la matière vile en or. Effectivement, par le verbe poétique, l’expérience du monde, aussi désordonnée et abjecte soit-elle, devient belle et poétique. Extraire la beauté du mal, de la laideur, prendre de la « boue » et en faire de l’« or », c’est ainsi donner à la poésie le pouvoir d’enchanté le réel, de l’embellir. Nous pouvoir voir cette « alchimie du verbe » en action dans le poème « Une charogne ». En effet, dans ce récit en vers, l’artiste nous présente tout le pouvoir de la poésie qui arrache les êtres et les choses au gouffre de la mort et à la réalité de la décomposition. Il métamorphose la mort en vie ; par son art, il transforme le vulgaire, le banal, l'horreur en un chef d'œuvre : telle est la signification de la métaphore de l'alchimie dans l’œuvre de Baudelaire. C’est cette « alchimie du verbe » qui permet également à l’auteur d’« évoquer le Printemps avec [sa] volonté » et de « tirer un soleil de [son] cœur », « Spleen ».

        La conception du poète comme alchimiste revient donc à mettre au premier plan, non la représentation du monde, mais le pouvoir du langage poétique à enchanter et/ou à réinventer le monde.  

        Nous pouvons également considérer le poète comme un alchimiste car il « pétrit de la boue » et en fait de « l’or ».

        La boue est un élément matériel qui renvoie à un mélange de terre et d’eau. Chez Baudelaire, ce terme est employé dans des contextes à connotations négatives. Elle est par exemple évoquée au vers un du poème « Brumes et pluies » : « printemps trempé de boue ». De plus, c’est un élément lié à l’humus et à la décomposition des corps comme nous pouvons le voir dans le premier vers du poème « Mort joyeux » : « Dans une terre grasse et pleine d’escargot ». La boue représente également l’ensemble des déchets produits par une ville, les ordures. C. Baudelaire la présente ainsi dans les poèmes de la section « Tableaux parisiens », comme dans « Le Vin des chiffonniers » ou encore dans « Le Crépuscule du soir ». La fange renvoie aussi à la souillure morale, les péchés, les vices, la débauche. Cela renvoie à une humanité fautive, celle d’après la chute au vers trois du poème « L’irrémédiable » : « Dans un Styx bourbeux et plombé ». Pour finir, la bourbe est une souffrance physique et morale, le fameux spleen. Le poète nous le montre dans son poème « Causerie » mais également dans « Moesta et erranbunda » qui signifie « Ici la boue est faite de nos pleurs ! ». L’or, quant à lui, est l’opposé de la boue. Il représente la beauté, le bien, le bonheur, le Soleil.

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