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Le Temprs retrouvé, Proust

Commentaire de texte : Le Temprs retrouvé, Proust. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  2 Avril 2017  •  Commentaire de texte  •  5 198 Mots (21 Pages)  •  7 611 Vues

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L’œuvre de Proust, et notamment Le Temps retrouvé, propose une réflexion sur le temps, comme nous pouvons aisément le remarquer avec le titre de l’ouvrage. Elément insaisissable, souvent méconnu et parfois ignoré, il façonne pourtant nos vies à travers un aspect physique qui se dégrade simultanément à lui. Dans cet extrait de Marcel Proust, tiré de Le Temps retrouvé qui est un ouvrage paru en 1927, l’auteur s’attache en effet tout particulièrement au pouvoir que le temps semble avoir sur l’évolution de notre physique, puisqu’il décrit ici un homme qu’il n’a pas vu depuis longtemps et qui se montre métamorphosé par la vieillesse : le Duc de Guermantes. Proust peint ainsi le portrait de cet homme à travers un narrateur homodiégétique qui observe le duc attentivement et dans les moindres détails, en le comparant à différents éléments naturels et en reposant sans cesse sur une dualité entre le passé et le présent, entre les ravages causés par le temps et la beauté qui en résulte ou qui a réussi à dominer la vieillesse. Ainsi, comment l’auteur s’appuie-t-il sur une prosopographie ambivalente d’un être rendu méconnaissable par le temps et ses ravages, afin de livrer une réflexion sur le temps qui passe et sur l’issue fatale de la mort ? Dans un premier temps, le portrait du Duc de Guermantes est révélateur d’un temps ravageur, mais il montre également une vision de la vieillesse qui, artistiquement, semble belle. Enfin, ce portrait ambivalent semble proposer, et même être créateur, d’une réflexion profonde sur le temps et la mort.

Le narrateur, inconnu pour le lecteur, donne à lire un portrait qui est révélateur du caractère ravageur du temps qui s’écoule, de la vie qui passe. Il s’appuie majoritairement sur le réel comme lorsque le lecteur découvre dès le début du passage le personnage qui va ensuite être décrit, à savoir le « vieux duc de Guermantes » (l.1). Dès cette première ligne, le lecteur apprend qu’il s’agit d’un vieil homme et également, avec l’appellation de « duc », qu’il doit être issu de la bourgeoisie, ce qui est un ancrage direct dans le monde réel. Le narrateur, durant tout l’extrait, alterne entre le passé simple tel qu’à la ligne 20 avec « je compris », qui permet une description d’une action brève et liée au réel, et l’imparfait « elle paraissait » (l.9), davantage utilisé que le premier temps mentionné puisqu’il est le temps de la description et qu’il permet d’augmenter l’effet de lente dégradation qu’est la vieillesse, comme s’il figeait le portrait. De plus, il utilise un vocabulaire très précis comme avec « les artères ayant perdu toute souplesse » (l.13/14). Ces artères proviennent du vocabulaire médical, signifiant que ce sont des vaisseaux qui véhiculent le sang dans le corps humain. Les différentes parties du corps sont également décrites, comme avec les « aspects de nuque, de joue, de front » (l.15), les « joues raides et usées » (l.20), les « mèches soulevées » (l.21) et les « yeux » (l.22). Ces différentes parties du corps qui sont présentées montrent une volonté de précision et de réalisme de la part du narrateur qui s’efforce de décrire le personnage dans son ensemble, dans sa réalité objective jusqu’aux moindres petits détails. Cette précision permet également de mettre en avant le caractère naturel des changements, comme si toutes les personnes d’un certain âge possédaient ces caractéristiques, à savoir les cheveux gris ou blanc, comme nous pouvons le voir à la ligne 20 avec « le gris presque blanc et moutonnant des mèches soulevées », la vue qui baisse avec « la faible lumière encore départie aux yeux qui voyaient à peine » (l.22) et les rides qui font leur apparition sur le visage des personnes âgées : « sa figure, effritée comme un bloc » (l.7). Cette comparaison laisse entendre que le « bloc » qui a été effrité, donc mis en morceau ou en poussière, a laissé sur le visage des sortes de vides, qui pourraient être comparés à des rides. Le temps possède donc une sorte de méthode habituelle qui s’opère sur tous les hommes puisque ces derniers sont confrontés aux mêmes changements physiques. Enfin, la description est minée de toute part par de nombreux adjectifs comme « brillante » (l.11), « épaisse » (l.17), « usées » (l.20) et surtout énormément de comparaisons et de métaphores, afin de pousser le lecteur à s’imaginer le personnage décrit comme s’il était sous ses yeux, comme pour ancrer ce personnage encore davantage dans le réel.

C’est pourquoi le portrait semble devoir être complété et précisé avec l’ajout de nombreuses comparaisons, comme si la métamorphose était si grande que le narrateur devait utiliser des éléments réels tirés majoritairement de l’environnement, éléments communs que tout le monde est capable de se représenter, pour que le lecteur puisse s’imaginer la personne décrite. Toute sorte d’éléments naturels sont mis au service de ce but et le protagoniste se trouve ainsi comparé à une « ruine » (l.4), un « rocher » (l.5), un « bloc » (l.7), les cheveux sont des « mèches blanches [qui] venaient souffleter de leur écume » (l.17/18), le visage est un « promontoire » (l.18), à savoir une pointe de terre, un relief élevé qui s’avance dans la mer et qui finit par être envahi par les éléments. Ici, le visage comparé à un promontoire se trouve être envahi par les cheveux du duc, pourtant ce n’est pas uniquement le personnage décrit qui est comparé à multiples reprises à des éléments naturels. En effet, le temps lui-même, qui est une notion insaisissable et abstraite, est ici rendu palpable, les dégâts qu’il opère sur les personnes humaines sont matérialisés par la violence des éléments naturels déchaînés car la « ruine » qu’est le vieil homme se trouve « dans la tempête » (l.5), « fouett[é] de toutes parts par les vagues de souffrance, de colère de souffrir » (l.6), la « nuque, [la] joue, [le] front » (l.15) sont également soumis à la violence de la nature car « l’être, comme obligé de se raccrocher avec acharnement à chaque minute, semblait bousculé dans une tragique rafale » (l.15/16). Le terme même de « ruine » montre l’ambivalence du portrait puisqu’il peut tout d’abord paraitre négatif dans la mesure où il s’agit d’un élément qui a été détruit, qui n’a plus de forme ni de fonction propre. Cependant, une ruine est également ce qui subsiste à la destruction, aux changements que le temps apporte et parfois même une ruine désigne un monument qui était auparavant considéré comme une œuvre d’art. Ainsi, cette double métaphore filée, celle du corps humain d’une part et celle du temps et de la vie qui passent d’autre part, comparés avec des éléments de la nature, prouvent que les changements palpables sont difficiles à accepter, mais que la vie l’est également. En effet, la vie peut se montrer violente et difficile mais cela n’enlève pas à la difficulté pour les êtres humains de réaliser que la vie est éphémère, d’où ces comparaisons nécessaires, qui rappellent les dégâts causés par le temps qui passe pour les êtres humains.

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