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Le Barbier de Seville

Commentaire de texte : Le Barbier de Seville. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  16 Janvier 2018  •  Commentaire de texte  •  2 113 Mots (9 Pages)  •  1 424 Vues

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I/ Un dénouement de comédie 

La scène finale de la pièce vient dénouer le noeud de l’intrigue : après la célébration du mariage du Comte et de Rosine (IV, 7), les résistances de Bartholo sont définitivement vaincues.

(a) le mariage entre deux jeunes gens et le triomphe de l’amour

  • à Bartholo qui revendique la force de son autorité, le Comte rappelle la force du désir qui unit deux jeunes gens, la réciprocité du désir étant mise en valeur par le parallélisme de construction : « Mademoiselle est noble et belle ; je suis hommes de qualité, jeune et riche »
  • le Comte ajoute que son mariage avec Rosine ne repose pas sur un abus d’autorité de la part de l’homme, mais sur le désir (la « préférence » exprimée par Rosine) et le libre choix (« m’accorder » ; « volontairement » ; « elle vient de s’émanciper ») de la jeune femme elle-même
  • L’émancipation de Rosine parachève ainsi l’évolution d’un personnage de plus en plus maître de son existence (alors qu’elle sait à peine feindre un ton surpris et désolé en I, 3, elle tient tête à Bartholo en II, 4, gagne en rapidité d’esprit en III, 4 et affine ses talents de comédienne en III, 1-4). Dans cette scène, Rosine n’hésite pas à manier les ressources de l’esprit pour accabler Bartholo (« Ne devais-je pas, cette nuit même, être vengée d’un trompeur ? Je le suis ») ;

(b) l’entrée en scène de l’Alcade et le triomphe de la loi

  • si le mariage a été célébré à la scène 7, c’est dans cette dernière scène qu’il reçoit la reconnaissance officielle de l’Alcade, représentant de la loi : celui, vite détrompé sur l’identité du Comte et de Figaro, reconnait immédiatement de quel côté est le droit
  • l’Alcade se pose aussi en défenseur des droits de Rosine, permettant ainsi de piéger définitivement Bartholo (« Certainement. Et cette inutile résistance au plus honorable mariage indique assez sa frayeur sur la mauvaise administration des biens de sa pupille, dont il faudra qu’il rende compte ») : la menace faite à Bartholo de mettre en évidence la mauvaise administration des biens de sa pupille est l’argument qui contraint le vieux barbon à renoncer à ses projets.

(c) les différentes variétés du comique  

  • un comique de farce : la didascalie « Figaro qui embrasse grotesquement don Bazile » en imitant  « le comte baiser la main de Rosine » rappelle les talents parodiques du valet, dont celui-ci avait déjà fait preuve dans la scène III, 5 afin de ridiculiser Bartholo ; la bévue commise par Bartholo qui ne reconnaît pas son notaire et le prend à la gorge allie un comique de situation et un comique de geste de nature farceuse (ça existe ?). Cela correspond bien au propos de la « Préface » du Mariage de Figaro, où Beaumarchais se propose « de ramener au théâtre l'ancienne et franche gaieté ».
  • des mots d’esprit et des clins d’oeil au spectateur : la réplique ironique de Rosine souligne à elle seule l’un des enjeux de l’acte IV, en rappelant la calomnie proférée par Bartholo à la scène 3 (« Ne devais-je pas, cette nuit même, être vengée d’un trompeur ? Je le suis »).

II/ Une scène d’affrontement entre deux couples de personnages 

(a) un attelage ridicule : l’opposant  et son adjuvant. Bartholo, « tyran » (II, 3) et « méchant vieillard » (II, 4), s’est souvent révélé être un homme « rude à manier » (III, 3), « un peu moins sot » que le personnage classique du vieillard dupé (« Lettre modérée » ; voir, par exemple, sa clairvoyance aux scènes I, 3 et II, 15). Toutefois, cette dernière scène le rapproche davantage du type traditionnel du vieux barbon, car elle en souligne les faiblesses et le ridicule. Son agressivité et sa cupidité sont en effet ridiculisées grâce au registre comique :

  • Comique de geste : la didascalie « il crie en prenant le notaire à la gorge » ne montre pas seulement son agressivité, mais aussi son ridicule, car il confond avec un « fripon »  le notaire qu’il avait lui-même appelé comme un allié ; alors qu’il semble regretter l’amour perdu avec force interjections et exclamations pathétiques (« Ah ! laissez-moi donc en repos, Bazile ! Vous ne songez qu’à l’argent. Je me soucie bien de l’argent, moi ! A la bonne heure, je le garde ; mais croyez-vous que ce soit le motif qui me détermine ?), tel Arnolphe dans L’école des femmes, la signature qu’il appose au contrat proposé par le Comte marque le triomphe de sa cupidité sur la sincérité de ses sentiments : il feint de mépriser l’argent qu’il accepte aussitôt après.
  • Comique de mot, dont il est la victime, les autres personnages n’hésitant pas à railler ses faiblesses : par un jeu de mots (« comment êtes-vous ici ? » « Mais plutôt Vous, comment n’y êtes-Vous pas? »), Bazile l’oblige à reconnaître qu’il a eu tort de s’absenter ; par l’ironie, Rosine raille sa naïveté (« Ne devais-je pas, cette nuit même, être vengée d’un trompeur ? Je le suis ») alors que Figaro moque sa cupidité (« Ah, ah, ah, Monsegnieur ! Ils sont de la même famille ») en l’assimilant à Bazile. Celui-ci  a en effet clairement avoué avoir été soudoyé par le Comte (« ce diable d’homme … irrésistibles ») afin de trahir Bartholo ;
  • l’ironie du sort, qui frappe un homme dépassé par des événements qu’il a lui-même provoqués : Bartholo lui-même reconnait qu’il s’est piégé tout seul en convoquant le notaire et puis l’alcade (« ils étaient tous contre moi ; je me suis fourré la tête dans un guêpier » ; « Et moi qui leur ai enlevé l’échelle, pour que le mariage fût plus sûr ! Ah ! je me suis perdu faute de soins »).

(b) les nouveaux maîtres du jeu. Le comte et Figaro sont porteurs de valeurs opposées par rapport à Bartholo et à Bazile :

  • la grandeur d’âme : de même qu’au début de la pièce le Comte souhaite « être aimé pour soi-même » (I, 1), il reconnait ici que « le rang doit être (…) sans force » en matière d’amour ; de même, on pourrait interpréter comme de la libéralité la grâce que le comte accorde à Bartholo pour qu’il renonce à Rosina (« et je ne lui demande rien »)
  • en amour, en effet, c’est la force du désir qui doit l’emporter et briser l’autorité abusive des hommes : c’est ainsi la « préférence » de Rosine qui rend possible leur mariage ;
  • la liberté, dont le champ lexical est présent dans les répliques du comte et de Figaro (tantôt de nature morale : « m’accorder », « volontairement », « consente » ; tantôt de nature juridique : « s’émanciper ») ;
  • la finesse d’esprit, qu’incarne Figaro notamment : il a la réplique prompte en face de l’Alcade (« Heure indue ? … Almaviva »), de Bartholo (« Elle vient de s’émanciper ») et même du Comte («… que la quittance de mes cents écus ») ; il manie le trait d’esprit pour renvoyer Bazile et Bartholo dos-à-dos (« ils sont de la même famille ») et énonce la morale de l’histoire (voir p. III/)

Toutefois, le portrait du Comte présente des traits plus sombres :

  • un air altier, qui revendique une autorité indiscutable car fondée sur le rang, la richesse et des qualités réelles : « je suis homme de qualité, jeune et riche » ;
  • cet esprit de domination du Comte se dévoile aussi implicitement aux moments mêmes où il manifeste sa grandeur d’âme : pour éloigner définitivement Bartholo et épouser Rosine, il renonce d’autorité aux droits de cette dernière que Bartholo avait bafoués (« Ah ! qu’il consente à tout, et je ne lui demande rien ») .Il en va de même lorsque le comte libère Rosine de l’emprise de Bartholo : « je la mets sous l’autorité des lois », affirmation où le comte occupe la position de sujet de l’action et Rosine celle de l’objet, alors que la loi est censée émanciper cette dernière. Ainsi, derrière le vocabulaire de liberté et d’émancipation employé volontiers par le Comte, se dessine la figure du grand seigneur féodal, qui assigne les femmes à une position subalterne, et que le spectateur retrouvera dans Le mariage de Figaro.  

III/ Les leçons de la pièce

(a) Cette scène marque le passage d’une autorité illégitime fondée sur la force (celle de Bartholo sur Rosine) à une autorité légitime fondée sur la loi.

  • Bartholo incarne, comme dans l’ensemble de la pièce, l’autorité abusive : le vocabulaire de la contrainte qu’il emploie  (« arrêtez tout le monde », « jamais on ne l’ôtera de mes mains » = exercice arbitraire du pouvoir ; « fripons », « que m’importe à moi ? », « je me moque de ses arguments », « maître fripon » = attaques directes) ainsi que ses gestes et ses réactions (« il crie en prenant le notaire à la gorge », « irrité ») en attestent.
  • Cependant, comme le déclare le Comte à Bartholo, Rosine « n’est plus en votre pouvoir » ; elle est désormais « sous l’autorité des lois ». Si la phrase demeure ambiguë (voir ci-dessus), elle permet en même temps au Comte d’introduire, au présent de vérité générale, la première leçon de la pièce : « les vrais magistrats sont les soutiens de tous ceux qu’on opprime ». Ainsi, la loi possède une valeur d’émancipation car elle protège les plus faibles face aux abus des puissants.

(b) le dernier mot de la pièce appartient à Figaro, qui dans une sorte de maxime au présent de vérité générale, énonce de façon enjouée la moralité de la pièce : « Quand le jeunesse et l’amour sont d’accord pour tromper un vieillard, tout ce qu’il fait pour l’empêcher peut bien s’appeler à bon droit la précaution inutile ». Cette moralité rappelle d’abord la puissance de l’amour et de la jeunesse, qui ont vaincu la force réactionnaire de la vieillesse ; elle rappelle toutefois en même temps le rôle du hasard et de la fortune dans l’existence humaine. Dans ce cadre, la référence finale à la « Précaution inutile » possède deux significations :

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