LE PÈRE GORIOT
Fiche de lecture : LE PÈRE GORIOT. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Ana Karen ARMENTA GUERRERO • 25 Mars 2020 • Fiche de lecture • 2 933 Mots (12 Pages) • 644 Vues
L'enterrement du père Goriot
Quand le corbillard vint, Eugène fit remonter la bière, la décloua, et plaça religieusement sur la poitrine du bonhomme une image qui se rapportait à un temps où Delphine et Anastasie étaient jeunes, vierges et pures, et ne raisonnaient pas, comme il l’avait dit dans ses cris d’agonisant. Rastignac et Christophe accompagnèrent seuls, avec deux croque-morts, le char qui menait le pauvre homme à Saint-Etienne-du-Mont, église peu distante de la rue Neuve-Sainte-Geneviève. Arrivé là, le corps fut présenté à une petite chapelle basse et sombre, autour de laquelle l’étudiant chercha vainement les deux filles du père Goriot ou leurs maris. Il fut seul avec Christophe, qui se croyait obligé de rendre les derniers devoirs à un homme qui lui avait fait gagner quelques bons pourboires. En attendant les deux prêtres, l’enfant de chœur et le bedeau, Rastignac serra la main de Christophe, sans pouvoir prononcer une parole.
- Oui, monsieur Eugène, dit Christophe, c’était un brave et honnête homme, qui n’a jamais dit une parole plus haut que l’autre, qui ne nuisait à personne et n’a jamais fait de mal. Les deux prêtres, l’enfant de chœur et le bedeau vinrent et donnèrent tout ce qu’on peut avoir pour soixante-dix francs dans une époque où la religion n’est pas assez riche pour prier gratis. Les gens du clergé chantèrent un psaume, le Libera, le De profundis. Le service dura vingt minutes. Il n’y avait qu’une seule voiture de deuil pour un prêtre et un enfant de chœur, qui consentirent à recevoir avec eux Eugène et Christophe.
- Il n’y a point de suite, dit le prêtre, nous pourrons aller vite, afin de ne pas nous attarder, il est cinq heures et demie.
Cependant, au moment où le corps fut placé dans le corbillard, deux voitures armoriées, mais vides, celle du comte de Restaud et celle du baron de Nucingen, se présentèrent et suivirent le convoi jusqu’au Père-Lachaise. A six heures, le corps du père Goriot fut descendu dans sa fosse, autour de laquelle étaient les gens de ses filles, qui disparurent avec le clergé aussitôt que fut dite la courte prière due au bonhomme pour l’argent de l’étudiant. Quand les deux fossoyeurs eurent jeté quelques pelletées de terre sur la bière pour la cacher, ils se relevèrent, et l’un d’eux, s’adressant à Rastignac, lui demanda leur pourboire. Eugène fouilla dans sa poche et n’y trouva rien, il fut forcé d’emprunter vingt sous à Christophe. Ce fait, si léger en lui-même, détermina chez Rastignac un accès d’horrible tristesse. Le jour tombait, un humide crépuscule agaçait les nerfs, il regarda la tombe et y ensevelit sa dernière larme de jeune homme, cette larme arrachée par les saintes émotions d’un cœur pur, une de ces larmes qui, de la terre où elles tombent, rejaillissent jusque dans les cieux. Il se croisa les bras, contempla les nuages, et, le voyant ainsi, Christophe le quitta.
Rastignac, resté seul, fit quelques pas vers le haut du cimetière et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives de la Seine où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s’attachèrent presque avidement entre la colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur cette ruche bourdonnante un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ces mots grandioses : “A nous deux maintenant !”
Et pour premier acte du défi qu’il portait à la Société, Rastignac alla dîner chez madame de Nucingen.
Balzac, Le Père Goriot, 1835.
L'enterrement du père Goriot
Pour lancer le cours : De quoi le père Goriot est-il mort ?
🡺 Ses filles… Elle lui ont peu à peu pris son argent (or l'argent permet au père Goriot d'acheter l'apparence de l'amour) – et il meurt de désespoir : il ne peut plus leur donner d'argent, alors qu'elles en ont terriblement besoin – pour leurs plaisirs !
Remarquer le parallélisme entre les deux sœurs.
Delphine n'est pas meilleure qu'Anastasie… Cette dernière peut au moins assister à la mort de son père…
Elle ne viendra pas à l'enterrement parce qu'elle dort ! Sa sœur : terrible discussion avec Restaud, au sujet des enfants… Un seul est de lui…
Voir aussi le discours lucide de Goriot : "le père aux écus"…
"J'ai bien expié le péché de les trop aimer".
Les illusions du père Goriot :
Il touche les cheveux de Bianchon et de Rastignac : "Ah ! mes anges !" Il se trompait encore…
I. La présence de l'argent :
- Christophe, qui se croyait obligé de rendre les derniers devoirs à un homme qui lui avait fait gagner quelques bons pourboires.
🡺 La présence de Christophe n'est due qu'à une reconnaissance intéressée.
Même si ce sentiment n'est pas très noble, il est quand même supérieur au féroce égoïsme des filles du père Goriot.
[Voir cependant de près les raisons de l'absence des filles… mais fondamentalement, l'égoïsme des filles ne fait pas de doute : elles n'ont pas assisté leur père dans ses derniers instants, Delphine l'a sacrifié au bal, Anastasie l'a tué en demandant l'argent qui doit rembourser les dettes de jeu de Maxime de Trailles…]
- Les deux prêtres, l’enfant de chœur et le bedeau vinrent et donnèrent tout ce qu’on peut avoir pour soixante-dix francs dans une époque où la religion n’est pas assez riche pour prier gratis.
- les gens de ses filles, qui disparurent avec le clergé aussitôt que fut dite la courte prière due au bonhomme pour l’argent de l’étudiant.
🡺 La cérémonie religieuse dépend de l'argent…
- Il n’y avait qu’une seule voiture de deuil pour un prêtre et un enfant de chœur, qui consentirent à recevoir avec eux Eugène et Christophe.
🡺 Le prêtre et l'enfant de chœur consentent à recevoir dans la voiture Eugène et Christophe : on sent la condescendance, un sentiment de supériorité (même chez l'enfant de chœur !) La véritable charité a disparu. Antithèse implicite avec les enterrements de l'aristocratie…
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