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L'arbre dans En attendant Godot

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Par   •  11 Novembre 2015  •  Commentaire de texte  •  3 413 Mots (14 Pages)  •  4 039 Vues

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EN ATTENDANT GODOT, SAMUEL BECKETT

EXPOSE SUR L’ARBRE

        INTRODUCTION :

L’arbre,  à travers les cultures et les religions, a toujours été associé à des notions puissantes, faisant de lui un symbole. Tout d’abord, il connaît un cycle saisonnier annuel rattaché à la succession de la vie, de la mort et de la résurrection. Il représente ainsi la vie en perpétuelle évolution; le Cosmos vivant. Par exemple, dans la mythologie nordique, le frêne Yggdrasil, ou « l’arbre-monde » a trois racines : l’une plonge dans le royaume des dieux, l’autre dans celui des hommes, et la dernière dans le « monde des ombres » où séjournent les morts. Il symbolise alors la lutte continuelle entre les forces de vie et de destruction qui oeuvrent dans notre monde.  De plus, son élévation verticale fait de l’arbre un « axe du monde » : ses racines s’enfoncent dans les profondeurs que son tronc relie aux hauteurs ; de nombreuses religions y voient la descente aux enfers et l’ascension vers les Cieux. Parce qu’il est l’incarnation de la grandeur et de la longévité, l’arbre est également relié à la connaissance, la sagesse. A titre d’illustration, Descartes écrit en 1647 dans Principes de la philosophie que la philosophie est un arbre « dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique, et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences. ». Cet être vivant induit cependant une notion de progression, de développement physique, mental et émotionnel. Il débute à l’état de graine pour devenir un végétal grand, fort, solide et droit. Parfois l’arbre est également un symbole du temps et de la généalogie, tout comme l’arbre de Jessé. Représentation de l’arbre généalogique de Jésus Christ dans la religion chrétienne, il est issu de la prophétie annonçant la venue de la Vierge et de son enfant.

Faites d’un tel symbole l’unique élément d’un décor. Ce décor est celui d’une pièce de théâtre. Cette pièce appartient au domaine de l’absurde. Vous le savez déjà, l’absurde est un mouvement philosophique d’après-guerre, qui, comme le dit Albert Camus, résulte de « la confrontation de cet irrationnel et de ce désir éperdu de clarté dont l’appel résonne au plus profond de l’Homme ». Autour de cet arbre, voyez évoluer deux parangons de l’humanité, Vladimir et Estragon. Aux apparences de clochards clownesques, ils sont prisonniers du temps, de l’incommunicabilité et de la solitude. Vous avez là le semblant d’intrigue de En attendant Godot, œuvre théâtrale de Samuel Beckett, datant de 1952. Samuel Beckett est un auteur irlandais né en 1906 et décédé en 1989. Amoureux de la langue française, c’est cette dernière qu’il choisit pour exprimer l’angoisse de la condition humaine au théâtre; l’absurde est le mot-maître pour désigner ses oeuvres. Si En attendant Godot a été sujette à de nombreuses controverses lors de sa sortie, elle est aujourd’hui considérée comme l’une des plus grandes pièces du vingtième siècle. On y décèle un message, une philosophie, dont certains aspects nous sont accessibles grâce à l’arbre. De quelle façon ? Quelles dimensions symboliques cette pièce accorde-t-elle à l’arbre ? Juliette, Elise, Inès et moi avons tenté de répondre à ces questions à l’aide de trois parties :

L’arbre au sein de la pièce (Juliette)

L’arbre symbole de vie et de mort (Elise)

L’arbre, représentatif de certains thèmes de l’absurde (Inès)

I. L’arbre au sein de la pièce

L’œuvre commence par une didascalie liminaire : «route à la campagne avec arbre. ». Elle place tout de suite le spectateur dans un espace flou, nu, dépouillé. La nature de l’arbre n’étant pas tout de suite précisée, on imagine un pauvre arbre au milieu de la scène, triste et sans feuille. Il semble planté dans un sol gris sans vie avec une pierre sobre mentionnée un peu après. Thommy Berggren, réalisateur acteur et metteur en scène suédois du 20eme siècle, le représente tout en haut d’une montagne, très grand, plus grand que les personnages, avec un tronc et des branches plutôt rigides. Cette représentation semble plus réaliste que celle de Walter Asmus metteur en scène allemand du 20eme siècle, qui a plutôt opté pour une terre plate et grise clairement définie et un arbre ridicule muni de seulement trois pauvres branches. L’arbre représente à lui seul un décor absent, il n’y a aucune échappatoire, les personnages  ne peuvent pas se cacher derrière un décor superficiel qu’on trouve dans le théâtre traditionnel. En effet, à l’acte II, Estragon tente de se cacher derrière l’arbre : « Estragon court se mettre derrière l’arbre qui ne le cache que très imparfaitement. » Symboliquement on pourrait voir ici l’arbre comme une fatalité, rien ne sert de se voiler la face, l’arbre qui est associé au suicide et donc à la mort apparaitrait comme la seule échappatoire à l’attente tragique de Vladimir et Estragon. L’arbre occupe donc un rôle primordial, on pourrait parler de métonymie du décor car dès le début il introduit l’absurdité de la pièce en ne présentant aucun décor, seulement un arbre pour meubler la scène. Lors du dialogue de la page 17 :

« ESTRAGON- Tu es sûr que c’est ici ?

VLADIMIR- Quoi ?

ESTRAGON- Qu’il faut attendre.

VLADIMIR- Il a dit devant l’arbre. (Ils regardent l’arbre.) Tu en vois d’autres ? »

On observe que les personnages se demandent même s’il s’agit du bon arbre, tant le décor est quelconque, identifiable à n’importe quel lieu. Cependant, encore une fois, l’unicité de l’arbre est soulignée par Vladimir.

Parce qu’il constitue l’unique objet environnant pouvant les distraire, l’arbre est sujet à l’attention des personnages. Par exemple page 79, une didascalie indique : « Il s’arrête et regarde longuement l’arbre. » On peut y voir une référence au divertissement défini par Pascale : «le divertissement est tout ce qui détourne l’homme de la contemplation de son néant, de la finitude. ». Vladimir et Estragon tentent tout d’abord de préciser la nature de l’être. Page 16: «ce ne serait pas plutôt un arbrisseau ? – Un arbuste ». Dans la représentation de Berggren ce discours semble complètement absurde puisqu’ils parlent d’un grand arbre fort et robuste qui ne peut-être un arbuste ou un arbrisseau. Puis les deux clochards veulent « jouer » avec : « si on se pendait ? » cette idée, atroce, n’apparaît que comme un jeu, un passe-temps quelconque. Vladimir et Estragon vont même jusqu’à imiter l’arbre p99 : «Faisons quand même l’arbre, pour l’équilibre.» on imagine cette scène grotesque, des clowns qui font les pitres, qui s’amusent en attendant. Cependant on se demande également si les personnages n’envient pas l’arbre et ne cherchent pas à trouver un équilibre qui serait moral, émotionnel. Sont-ils réduits à prendre pour exemple un végétal ? L’arbre, droit, fort, impassible face au temps et aux vents, incarne sagesse et grandeur, comme vu précédemment. De plus, l’arbre qui abrite les discussions et interrogations de Vladimir et Estragon fait résonnance à l’arbre à palabres qui, en Afrique, est un lieu traditionnel de rassemblement, à l'ombre duquel on s'exprime sur la vie en société. Enfin, il établit un lien avec les spectateurs ; seule évidence à laquelle ils peuvent se rattacher, mais démystifiée par Vladimir : « Décidément cet arbre ne nous aura servi à rien. » (page 104). On s’interroge ici sur le destinataire de ces paroles, on le devine double. Vladimir s’adresse au public, se moque de lui, annonçant que le décor était en fait inutile.

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