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Incipit de La Princesse de Clèves : commentaire composé

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Par   •  20 Mai 2021  •  Fiche  •  2 259 Mots (10 Pages)  •  506 Vues

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Incipit de La Princesse de Clèves : commentaire composé

Les premières pages d’un roman permettent au lecteur de faire connaissance avec le héros. C’est le cas dans cet extrait de La Princesse de Clèves, roman publié en 1678, dont l’auteur est Mme de La Fayette. L’intrigue est la suivante : Melle de Chartres, après avoir épousé le prince de Clèves tombe amoureuse du duc de Nemours. Elle résiste à sa passion, mais son mari, rongé par la jalousie, périt de chagrin. Désespérée, la jeune femme se retire du monde et meurt à son tour peu de temps après. L’extrait étudié se situe au tout début du roman : après une galerie de portraits des membres prestigieux de la cour d’Henri II, arrive à la cour une jeune inconnue vers qui tous les regards convergent. En quoi ce texte mêle-t-il idéal et réalité ? Pour répondre à cette question, nous montrerons dans un premier temps que le portrait de la future Princesse de Clèves est idéalisé, puis nous verrons que ce texte propose une vision critique du monde de la cour. M elle de Chartres apparaît dès les premières lignes comme un être parfait. Ainsi, pour ménager un effet d’attente et montrer l’importance jouée par ce personnage dans ce roman, la narratrice se garde de révéler aussitôt l’identité de l’inconnue qui ne sera nommée qu’au bout de quatre lignes : le texte s’ouvre en effet sur une tournure impersonnelle (« Il parut »), et un adverbe de temps qui vise à introduire un élément perturbateur (« alors »). En outre, l’utilisation du passé simple, temps réservé aux actions de premier plan, ne fait qu’accentuer l’importance de ce personnage qui fait son entrée à la cour. Celui-ci est d’abord désigné par un adjectif indéfini « une », qui amplifie le mystère et une métonymie « beauté » . Son entrée à la cour évoque l’arrivée d’un personnage de conte de fées, car tous les regards convergent vers ce personnage : « qui attira les yeux de tout le monde ». Le narrateur omniscient le décrit à travers l’effet d’admiration qu’il produit sur les autres personnages : nous sommes dans le registre épidictique. Mme de La Fayette ne livre pas d’emblée le nom de son héroïne ; c’est au contraire par une sorte d’énigme que débute le portrait, l’apparition d’une inconnue dans le microcosme de la cour. Cette formulation marque un effet de rupture dû à l’irruption de la fiction dans la chronologie. Le récit marque ensuite un temps d’arrêt ; l’auteur procède alors à une analepse avec le passé de la jeune fille mystérieuse qui permet de résoudre le mystère. On apprend qu’ «elle était de la même maison que le vidame de Chartres » (ligne 3), dont il a été question au début du roman, et son nom est révélé par celui de sa mère, Mme de Chartres. La fin du texte renvoie au début, et l’image, un instant interrompue, de l’entrée de Melle de Chartres dans ce lieu où les regards jouent un rôle essentiel, revient au premier plan : « lorsqu’elle arrive, le vidame de Chartres alla au-devant d’elle » (ligne 22). Ainsi, ce parent, comme les autres membres de la cour, exprime l’admiration et la surprise à l’apparition à la cour de Melle de Chartres, comme le montre le lexique du regard (« yeux », « regard », « voir ») important dans cette société du paraître. Tous semblent en effet fascinés par cette beauté canonique, forcément blonde aux teint blanc (ligne 23 : « La blancheur de son teint et ses cheveux blonds lui donnaient un éclat que l’on n’a jamais vu qu’à elle »). Mais cette description physique est très vague ; on sait juste qu’elle est l’incarnation de la beauté, puisque le GN « une beauté » de la ligne 1 est repris dans la même phrase par « une beauté parfaite » et le GN « belles personnes » (lignes 2 et 3). La régularité de ses traits est également soulignée dans la dernière phrase (ligne 24) : « tous ses traits étaient réguliers », l’adjectif indéfini « tous » soulignant l’absence d’exception. Il semble aussi que cette beauté soit rayonnante, comme l’indiquent les derniers mots de l’extrait : « étaient pleins de grâce et de charme » : ces mots vagues suggèrent ce qui émane de l’héroïne. De même, on insiste sur sa jeunesse : « dans sa seizième année ». Mais on ne trouve aucun détail pittoresque dans la présentation qui est faite de l’héroïne. Il s’agit donc d’une description stéréotypée. Par ailleurs, les nombreuses figures d’amplification du texte accentuent le caractère stéréotypé de ce portrait. En effet, de nombreuses hyperboles décrivent l’héroïne ; il s’agit d’ «une beauté parfaite » (ligne 1), « une des plus grandes héritières de France » (lignes 3 et 4), « un des grands partis » (ligne 19). Elle possède en outre « un éclat qu’on n’a jamais vu qu’à elle » : la tournure restrictive « ne..que » met l’accent sur le caractère exceptionnel de cette beauté. Elle est de plus « dans une extrême jeunesse ». Lexique mélioratif, superlatifs et hyperboles contribuent à dépeindre un être extraordinaire. La jeune fille est présentée dans une sorte de surenchère et parvient même à surprendre les courtisans : « elle donna de l’admiration dans un lieu où on était si accoutumé à voir de belles personnes » (lignes 2 et 3). Elle semble surpasser tous les autres membres de la cour qui, elle même, est exceptionnelle. Le caractère extraordinaire du personnage concerne aussi son statut social : « une des plus grandes héritières de France « (ligne 4), « un des grands partis qu’il y eût en France ». L’idéalisation touche également sa mère, Mme de Chartres « dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires » : l’accumulation participe à cette idéalisation. M elle de Chartres concentre toutes les perfections de la beauté, de l’éducation et de la position sociale. Cette description fait penser à celle des romans de chevalerie du Moyen-âge, où les nobles étaient toujours beaux et le peuple laid. Mais c’est grâce à sa mère que M elle de Chartres a atteint cette perfection : la mère occupe une place importante dans cet extrait car c’est elle qui donne une bonne éducation. La narratrice glisse du portrait à une réflexion de moraliste sur les dangers de l’amour, et le texte prend une tournure didactique : après avoir procédé à un retour en arrière qui permet au lecteur de connaître l’identité de l’inconnue, Mme de La Fayette intervient en émettant un jugement critique : « La plupart des mères s’imaginent qu’il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner » (ligne 8) : le présent de vérité générale ainsi que l’adjectif indéfini « la plupart » qui semble englober l’ensemble des mères véhiculent l’idée que cette attitude est courante à cette époque. Or, Mme de Chartres fait preuve d’une certaine modernité dans l’éducation de sa fille : « Madame de Chartres avait une opinion opposée » (ligne 10). Elle semble refuser le silence autour de l’éducation des jeunes filles et s’inscrit à contre-courant des principes éducatifs de l’époque où il suffisait à une fille de grande famille de « cultiver son esprit et sa beauté » (lignes 7 et 8), c’est-à-dire apprendre à se mettre en valeur physiquement et moralement en société, sans rien lui apprendre des réalités de l’amour : « jamais parler de galanterie » (ligne 9). C’est donc une éducation originale donnée par une mère exceptionnelle : en effet, comme sa fille, la mère est couverte d’éloges pour ses qualités morales supérieures : « le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires ». L’équilibre de cette énumération ternaire constitué d’un lexique abstrait met en évidence le mot « vertu » qui occupe la place centrale. Cette mère a fait des choix originaux qui vont à l’encontre des pratiques du milieu aristocratique de l’époque ; ainsi, au lieu de profiter de la nouvelle liberté à la Cour que lui confère son statut de veuve (ligne 4 : « Son père était mort jeune »), dégagée de la tutelle des hommes, décide de s’occuper elle-même de l’éducation de sa fille : « sous la conduite de madame de Chartres » (ligne 5), « avait donné des soins à l’éducation de sa fille » (ligne7). Or, à l’époque, les jeunes filles étaient éduquées soit au couvent soit par des précepteurs : certaines ne l’étaient même pas. Il est fait aussi allusion à une retraite dans le passage qui constitue un retour en arrière , comme l’indique l’utilisation du plus-que-parfait : « elle avait passé plusieurs années sans revenir à la cour » (ligne 6).. Cette retraite a pour objectif de préserver sa fille de toute influence néfaste et va être mise à profit pour la persuader que l’amour est un danger. On passe à partir de la ligne 10 à un mélange de discours narrativisé (récit de paroles) et de discours indirect, dans une accumulation de propositions indépendantes : « elle faisait souvent des peintures de l’amour » (ligne 11) ; « elle lui contait le peu de sincérité des hommes » (ligne 12). La valeur itérative des imparfaits de ce passage et le recours à l’adverbe de temps « souvent » indiquent que M me de Chartres essaie de persuader, et non de contraindre sa fille que, pour se réserver des dangers des passions, il n’existe qu’une seule ligne de conduite : la vertu « d’une honnête femme » (ligne 14), idéal du classicisme. Elle se livre même à un éloge étonnant du mariage d’inclination, ce qui est original à une époque où les mariages d’intérêt prévalaient. Elle vise à prévenir sa fille contre les passions, sources de désordre et d’insécurité (« malheurs domestiques » à la ligne 13) et l’incite à rechercher un mariage d’amour. On trouve dans ce passage une opposition entre les attraits et les dangers de l’amour, visible avec l’antithèse entre « agréable » (ligne 11) et « dangereux » (ligne 12). Mais le champ lexical du danger (« malheurs domestiques, « dangereux », « peu de sincérité des hommes », « tromperies », « infidélité ») est beaucoup plus insistant. L’amour n’apporte que des malheurs alors que la vertu amène le « calme », « l’éclat » et « l’élévation ». Cette réflexion autour de l’éducation de Melle de Chartres livre une image de la cour dévalorisée. Les hommes apparaissent dans ce discours moralisateur comme des êtres peu fiables et sont sources des malheurs domestiques, comme l’indique l’énumération des lignes 12 et 13 : « le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité ». En outre, le monde des courtisans, qui ne sont jamais clairement nommés, apparaît comme superficiel, attaché uniquement au monde du paraître et de l’apparence : le lexique de la vue est utilisé à plusieurs reprises dans ce texte ligne 1 (« Il parut », « les yeux de tout les monde », verbe « voir » répété). De plus, la réaction du vidame de Chartres est à ce titre éloquente : surpris et admiratif de la beauté de Melle de Chartres, il ne semble s’intéresser qu’à son apparence extérieure : « Lorsqu’elle arriva, le vidame alla au-devant d’elle ; il fut surpris de la grande beauté de mademoiselle de Chartres et il en fut surpris avec raison » (ligne 22). Par ailleurs, cette cour semble constituer un microcosme qui exprime les mêmes avis : l’expression « on doit croire » (ligne 1) signifie le caractère indiscutable de l’opinion des courtisans, d’une société où l’apparence prime sur la vertu. La future princesse attire donc les prétendants par son apparence physique mais elle est surtout convoitée pour le prestige de sa naissance et de sa fortune (ligne 15 : « de la beauté et de la naissance » ; ligne 4 :« une des plus grandes héritières »). Elle se retrouve dans un milieu de dangers, convoitée par des prédateurs, et le vidame de Chartres ne s’impose pas d’emblée comme un protecteur mais comme un admirateur au même titre que les autres membres de la cour. M me de Chartres semble être la porte-parole de Mme de La Fayette et se faire l’écho de sa vision d’un monde du paraître, bien éloigné de la ligne de conduite fondée sur la vertu que la mère entend bien inculquer à sa fille. M elle de Chartres apparaît comme une héroïne idéalisée : elle se distingue des autres femmes par sa beauté, sa vertu, son éducation, sa jeunesse et sa fortune. C’est un personnage exemplaire, une héroïne exceptionnelle. Mais là n’est pas l’essentiel : ce portrait laisse transparaître en filigrane une vision du monde propre à l’auteur, celle d’une société où l’opinion de la cour est primordiale. En opposition, est brossé un portrait des hommes peu flatteur. Cet incipit permet au lecteur de comprendre la suite de l’intrigue : malgré la mort prématurée de sa mère, la Princesse de Clèves suivra ses conseils en écoutant sa raison et non sa passion pour le duc de Nemours et en restant fidèle à son mari. Ce portrait de personnage vertueux a peut-être inspiré le personnage de la marquise de Tourvel dans les liaisons dangereuses, roman épistolaire écrit par Choderlos de Laclos, qui, très pieuse, mourra de remords dans un couvent après avoir cédé aux avances du redoutable Valmont. Consigne : Vous repérerez les différentes étapes de ce commentaire et vous soulignerez les connecteurs logiques et les citations.

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