Gabriel Lambert

Pour l’honneur

26 juin 1436

Je me retrouve enfin devant lui. Devant Claudius, celui qui était autrefois comme un membre de la famille et nous avait trahis de la pire façon possible, en volant le livre sacré contenant la carte menant à la fontaine de Jouvence, une relique d’une valeur inestimable et se faisant passer de génération en génération dans la famille, puis en tuant mon père, le roi, qui tentait de l’empêcher de s’enfuir.

Il a malheureusement réussi à s’enfuir, laissant notre famille et tout un peuple dans la plus grande des souffrances. Après les funérailles de mon père, je me suis juré de venger son meurtre et de retrouver le livre sacré, car s’il advenait qu’il atteigne la fontaine de Jouvence, il obtiendrait l’immortalité, ce qui lui apporterait des pouvoirs très puissants et dangereux. Il fallait donc l’en empêcher. Je suis parti à sa recherche, le traquant sans relâche durant plus de deux ans, accompagné de mon fidèle cheval Tonnerre. J’avais mémorisé une partie de la carte, et à l’aide des informations données par les habitants des villages qui croisaient ma route, j’étais confiant d’être sur la bonne voie et de me rapprocher de mon ennemi.

Je me retrouve devant lui. Il a à peine changé; ses yeux que je voyais autrefois comme rieurs ont pris un air mesquin, et ses tempes ont grisonné légèrement, mais c’est tout. Dans mon cas, le temps a aussi changé les choses, mais en mieux. Je me suis entraîné au combat durant mon périple, arrêtant ici et là et cherchant conseils et expérience auprès des différents maîtres et chevaliers expérimentés croisant mon chemin. J’étais prêt, plus prêt que jamais.

Le soleil au zénith plombe sur nos têtes, il en environ midi. L’air est sec et parfumé des arbres et des fleurs venant du boisé à proximité du champ où nous nous trouvons. Il n’y a aucun son, mis à part nos respirations. Je crache à ses pieds et sors mon épée, qui envoie un vif éclair lumineux par la réflexion du soleil. Il sort son épée également, avec un sourire narquois. Nous nous regardons en chien de faïence, se demandant qui fera le premier coup. Je brise la glace en portant un coup vers la gauche, qu’il esquive. Il charge ensuite en poussant un cri, et je contre son coup. S’ensuit un long échange d’attaques et de ripostes, nos deux forces étant pratiquement égales. Trop égales. La sueur coule dans mon dos, mes mains se font de plus en plus moites et mes genoux sont endoloris à force d’esquiver et de faire des sauts de côté, mais ma rage de le vaincre efface toute cette douleur et cet épuisement. Je ne comprends pas pourquoi il nous a trahis ainsi. L’attrait du pouvoir l’emporte-t-il toujours sur l’amitié? La tristesse et la rage se disputent dans ma tête alors que je me remémore toute la souffrance que ma famille et moi avons vécu à la suite de la mort de mon père. Je l’entends respirer plus fort et rougir sous l’effort. Je réalise que mes attaques sont plus fortes et qu’il se fatigue. La douleur des blessures reçue se fait de plus sentir, et la sueur perle sur mon front. Ce duel dure depuis une éternité, et je sens Claudio s’essouffler de plus en plus, et moi de même. Je lui crie de m’expliquer les raisons de ses crimes, et il s’entête à me répondre que je ne comprends pas à quel point la fontaine de Jouvence lui apporterait du pouvoir, ce dont il a toujours rêvé. Je suis ébahi de voir qu’il n’a aucuns regrets, et que si c’était à refaire il n’hésiterait pas une seconde. Je me dois de gagner ce combat, pour l’honneur de tous ceux qui ont souffert. Je porte alors le coup fatal, profitant d’une faille dans sa défense pour lui transpercer son abdomen, atteignant ses organes vitaux. Dans un cri de douleur et de surprise, il s’écroule. Je soupire de soulagement, et chaque muscle de mon corps se relâche. Je peux enfin retourner au royaume la tête haute, et rattraper le temps perdu auprès de ma famille et de mon peuple.

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