Fénelon, Les Aventures de Télémaque

Fénelon, Les Aventures de Télémaque

1699

Fénelon :

• 1651/1715
• Homme d’église, théologien et écrivain français

Les Aventures de Télémaque (1694/1696) :

• Critique de la politique de Louis XIV
• Pb semblables à ceux de la France en 1690 (guerres qui appauvrissent le pays)

Les solutions pour Fénelon :

• Entente pacifique avec les voisins
• Réformes éco qui permettraient la croissance
• Promotion de l’agriculture
• Arrêt de la production d’objets de luxe

Publication du roman en 1699 (Louis XIV y voit une satire de son règne, arrêta l’impression et disgracia l’auteur : Fénelon fut banni de la cour)

Genre : extrait d’apologue/ utopie

Type : descriptif et argumentatif

Registres : lyrique, didactique, polémique

Thème : pays merveilleux, idyllique, des habitants qui vivent selon nature et d’autres qui sont civilisés, opposition entre vie naturelle et vie civilisée

Buts : dépayser le lecteur, faire l’éloge de la vie naturelle et simple et le blâme des civilisations raffinées

Ancienneté des utopies : récits qui se déroulent dans un monde idéal qui n’existe pas ou plus : description de l’âge d’or chez les Anciens (notamment Hésiode), époque où l’homme vivait dans le bonheur et la paix (cf Utopia de Thomas More)

A la fin du XVIIème, Fénelon dans Les Aventures de Télémaque (imité de l’Odyssée et de l’Enéide) s’inscrit dans cette lignée. Télémaque, fils d’Ulysse, rencontre Adoam qui lui décrit un pays extraordinaire, la Bétique. Cette description idyllique vise à dépayser le lecteur mais aussi (c’est un apologue) à l’éduquer. Il pose le pb de la différence entre la culture et la nature.

Problématique : d’où vient l’efficacité argumentative de cet apologue ?

Plan : I/ le pittoresque de l’utopie bétique : un pays merveilleux ; II/un dessein didactique et pédagogique : un éloge de la société et de la vie naturelles ; III/ la critique efficace des bienfaits de la civilisation

1. Le pittoresque de l’utopie bétique : un pays merveilleux, un « âge d’or » à l’antique

1. La localisation géographique et temporelle : un pays entre réel et imaginaire

• Le XVIIème siècle est nourri des textes de l’Antiquité, Fénelon présente ce pays apparemment merveilleux selon le mode des Anciens, d’où une double réécriture (à l’intérieur d’une réécriture d’épopée, réécriture du mythe de l’âge d’or, traité par Hésiode, Ovide et Virgile)
• Situation géographique apparemment précise mais renvoyée dans les temps anciens :

• Dans « le grand Océan assez près des Colonnes d’Hercule » : périphrase à l’antique qui désigne une région d’Espagne (Andalousie ?) proche de détroit de Gibraltar
• « la terre de Tharsis » : dénomination antique de la péninsule ibérique
• « qui commerce avec les Grecs » 

Cependant l’ancrage dans la réalité est très mince et flou.

A la manière de l’épopée antique, Fénelon donne l’étymologie du nom du pays « la Bétique » (« le pays a pris le nom du fleuve »

Dépaysement dans le lieu et le temps : un âge d’or

• Un pays hors du temps : un temps indéfini et comme suspendu :

• Le présent semble avoir aboli le temps dans l’éternité (« coule », « se jette »)
• Récurrence des adverbes « toujours » et « jamais »
• Pas de vrai cycle des saisons : absence des saisons qui sont confondues (métaphore de « hymen » + notation des « arbres toujours verts, toujours fleuris »

1. Une région « tempérée » et « clémente » : le juste milieu et l’harmonie

Le XVIIème siècle privilégiait le juste milieu et l’harmonie : la Bétique répond à cette attente

• Des conditions climatiques douces :

• Vocabulaire du juste milieu « (hivers tièdes », « (ardeur) tempérée »
• Printemps et automne = demi-saisons, les saisons sont personnifiées= divinités
• Clémence suggérée par la mention des vents (toujours à l’antique) : « zéphyrs » (vents doux et agréables) ; la rigueur (« rigoureux ») de « l’aquilon » est niée (« n’y soufflent pas »)
• La négation restrictive exclut tout incident « ainsi toute l’année n’est qu’un heureux hymen »
• La nature elle-même est porteuse de modération : un univers hors des atteintes extérieur et de ses tourmentes, un havre de paix face aux incertitudes de la nature.

• Un relief varié et harmonieux :

• Harmonie qui s’étend tous les aspects du lieu, à la région entière : « les vallons et les campagnes unies »
• Tout cela concourt à renvoyer à l’Andalousie mais le pays est peint comme un lieu fictif et merveilleux

1. Une région idyllique : une nature généreuse

Impression de profusion donnée par :

• Minéral : sous-sol riche en métaux précieux « mines d’or et d’argent »
• Végétal : une végétation luxuriante « double moisson », énumération des différentes sortes d’arbres « lauriers, grenadiers, jasmins », description à valeur esthétique « verts et fleuris », arbres fruitiers « grenadiers » + suggestion d’odeurs agréables = cadre méditerranéen
• Animal : « troupeaux »/ »laines »
• La mention de tous les éléments naturels qui font partie de la représentation traditionnelle du paradis : eau (le « fleuve », « la mer ») ; l’air « les vents » ; la terre « montagnes »

La nature semble produire d’elle-même :

• Accumulation des expansions du nom (adjectifs, compléments du nom…)
• Répétition de « toujours »
• Vocabulaire qui connote l’abondance « bordés de », « couvertes de »

La nature subvient aux besoins en nourriture et en habillement (= les besoins élémentaires)

1. Une société idéale idyllique

1. Des habitants à l’image de la région et en harmonie avec le décor

L’évocation des lieux sert en fait de métaphore à la perfection des habitants :

• Procédés de la louange : marques d’évaluation, en particulier adjectifs qui peuvent s’appliquer aux hommes : « (un ciel) doux, toujours serein »
• Les adjectifs « serein » et « heureux » et l’image « se donner la main » suggèrent l’idée de bonheur et de concorde : les relations entre les habitants sont annoncées par le climat = fusion nature-homme suggérée
• La personnification des saisons qui se « donnent la main » annonce dès le début la concorde entre les habitants qui vivent dans une totale communion (autre thème de l’âge d’or antique)
• Cadre pastoral : l’innocence et la bonté naturelle des personnages se fondent dans le décor

=rapport privilégié avec la nature, harmonie des hommes et des lieux

1. Une société primitive

Société de pasteurs et d’agriculteurs : « ils sont presque tous bergers ou laboureurs », « la plupart des hommes […] étant adonnés à l’agriculture ou à conduire des troupeaux »

...