Etude du poème "Don Juan aux Enfers" de Charles Baudelaire
Commentaire d'oeuvre : Etude du poème "Don Juan aux Enfers" de Charles Baudelaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar GALACTOZ • 3 Novembre 2021 • Commentaire d'oeuvre • 1 513 Mots (7 Pages) • 1 447 Vues
Publiées en 1857, les Fleurs du Mal ont été écrites par Charles Baudelaire (1821-1867). Malgré les vives critiques et un procès retentissant qui a abouti à la suppression de six poèmes, l’œuvre n’en demeure pas moins fondamentale. Dans ce recueil, Don Juan aux Enfers est le quinzième poème de la section Spleen & Idéal. Il est écrit en alexandrins, en rimes croisées et est composé de cinq quatrains. En cela, il poursuit la tragi-comédie de Molière Le Festin de Pierre ou Dom Juan recélant cinq actes. Par ailleurs, lors du dénouement de la pièce, Dom Juan est envoyé aux Enfers.
Comment Baudelaire met-il en scène la descente aux Enfers poétique de Don Juan ?
Dans un premier temps, nous allons aborder la descente aux Enfers de Don Juan. Puis, dans un second temps, nous allons expliciter la reprise des personnages de Dom Juan de Molière et leur transposition.
Ainsi Don Juan part vers les Enfers. Nous pouvons être surpris qu’il y soit conduit par l’intermédiaire d’un fleuve. En effet, de nombreux mots y renvoient concrètement comme la périphrase de rivière « l’onde souterraine » au vers 1, puis le vers 11 « sur les rivages » nous le confirme. Cela démontre le passage d’un quelconque fleuve en ce lieu.
Nous pouvons également relever au vers 18 « le flot noir » et au vers 20 « Regardait le sillage », à l’imparfait descriptif ce qui démontre la profondeur et la durée du regard du « calme héros », donc Don Juan, (vers 19) sur le fleuve. Le fleuve est à la fois présent au premier vers et au dernier vers, pondérant davantage son importance dans ce poème.
Il s’agirait du Styx, puisque « son obole à Charon » (vers 2) relève de la mythologie grecque. Il est vrai que Charon, d’après les contes de l’époque, est le nocher des Enfers et conduit les âmes ayant reçu une sépulture afin qu’elles puissent reposer en paix en échange d’une obole. De plus, le Styx est un fleuve noir et dangereux, « le flot noir » (vers 18) certifie cette hypothèse. Les personnages sont sur une barque « Se tenait à la barre » (vers 18), « saisit chaque aviron » (vers 4).
Par ailleurs, Charles Baudelaire nous met en perspective les Enfers grecs avec notamment leurs personnages mythologiques. Dès le vers 2 « son obole à Charon » nous interpelle. Charon dans le mythe antique est celui qui transporte les morts dans le monde des Enfers. En échange, ils doivent lui donner une « obole », c’est-à-dire une pièce de monnaie. Habituellement, c’est Charon lui-même qui conduit la barque. Dans ce poème, il est comparé à « un sombre mendiant, œil fier comme Antisthène ».
Charles Baudelaire fait de nouveau référence à un personnage antique à travers cette comparaison / synecdoque. Antisthène était un philosophe de l’antiquité qui considérait que l’homme libre est celui qui sait dominer ses désirs, qui ne se préoccupe pas des convenances ou des devoirs imposés par la société. En revanche, il se conforme à une vertu idéale. Don Juan en est l’opposé.
Ensuite, Don Juan « d’un bras vengeur et fort saisit chaque aviron » (vers 4), est encore une synecdoque mais aussi une personnification du bras. Cela fait contraste avec la mythologie où seul Charon est apte à ramer sur le Styx.
Un autre élément que nous pouvons relever, cependant plus subtil, est la relation aux sacrifices religieux. Assurément, puisque le « derrière lui traînaient un long mugissement » (vers 8) peut à la fois évoquer le cri atroce des femmes souffrantes (que nous allons expliciter ultérieurement), tout en faisant penser au mugissement des bœufs lors des hécatombes.
En effet, il était très fréquent à l’époque de sacrifier des animaux, en particulier le bœuf pour attirer les faveurs des dieux. S’en est le cas dans l’Iliade et l’Odyssée d’Homère. Dans ce cas-là, il est fort probable que le dieu dont l’offrande était destinée soit Hadès car il est le dieu du monde des morts. Toute cette hypothèse des hécatombes est appuyée par le vers 7 « Et, comme un grand troupeau de victimes offertes ». L’expression « grand troupeau de victimes » (vers 7) fait réellement référence à ces sacrifices.
En sus, il est très probable que les Enfers se trouvent derrière les personnages. C’est d’ailleurs le vers 20 « regardait le sillage » qui l'atteste puisque si Don Juan et les femmes regardent le sillage, c’est qu’elles regardent l’entrée dans le monde souterrain et leur sortie éventuelle… Ainsi, derrière eux se trouverait les portes des Enfers avec Cerbère possiblement.
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