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Entrée à New York sous la pluie

Commentaire de texte : Entrée à New York sous la pluie. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  11 Décembre 2019  •  Commentaire de texte  •  4 409 Mots (18 Pages)  •  7 391 Vues

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« Entrée de New York sous l’orage »

- commentaire - correction

        La poésie, art du langage rythmé, propose une démarche esthétique caractérisée par ce qui est digne d’être regardé. Ainsi, au cours du 19e siècle, la poésie s’est intéressée au monde réel qui l’entourait soit des éléments jusqu’ici reconnus comme trop prosaïques telle que la boue ou encore des éléments de la vie contemporaine comme la ville. Rejetant les critères classiques, elle a changé notre perception du monde, nous offrant un nouveau regard, nous incitant à voir en toute chose un objet poétique.

Andrée Chédid, romancière et poétesse contemporaine s’inscrit dans cette démarche moderne de la poésie. Son regard sur le monde se veut moderne tout comme son questionnement sur l’individu et sa place sur terre. Le poème « Entrée de New York sous l’orage », extrait du recueil Poèmes pour un texte édité en 1991, en est un bon exemple.

Effectivement, dans ce poème aux strophes et vers libres, Andrée Chedid témoigne de la petitesse de l’homme face à l’orage et cherche l’harmonie dans le monde humain. Nous pouvons alors nous demander comment la poétesse renouvelle le topos de la nature déchaînée et nous incite à réfléchir sur notre place 

Afin de répondre à cette question, nous montrerons que le poème, bien que moderne, offre une part traditionnelle à ses lecteurs. Puis, nous évoquerons l’image inquiétante de la ville qui est développée. Enfin, nous verrons que le monde proposé par la poétesse est un monde sublimé, exigeant l’harmonie entre les éléments.

        Le poème qui est soumis à notre étude n’est pas sans nous rappeler les poèmes dits modernes de la fin du 19e et du début du 20e siècle. Modernité formelle et outils traditionnels poétiques s’y côtoient.

        Au premier abord, des lecteurs débutants sont interpellés par la forme poétique d’ « Entrée de New York sous l’orage ». La structure du poème tout comme le discours y sont peu conventionnels.

Andrée Chédid, s’est libérée, tout comme ses prédécesseurs, des aspects formels poétiques. En effet, les strophes sont libres. Les lecteurs rencontrent à la fois un monostiche, des tercets, des quatrains, un quintil et un sizain. Nous sommes bien loin du traditionnel sonnet ou des quatre quatrains auxquels nous étions habitués. A cela s’ajoute un même méli-mélo quant au choix métrique. Nous passons du dissyllabique (v10) à l’alexandrin (v12) tout en côtoyant des pentasyllabiques, des hexasyllabes ou encore des tétrasyllabes. Ainsi, Andrée Chédid, nous rappelle que la poésie est riche en possibilité, elle se veut ouverte à de multiples horizons. Les lecteurs n’ont qu’à se laisser porter par les vers et le rythme que ceux-ci imposent. Rythme d’ailleurs équivalent à notre vie puisque mêlant rapidité et fluidité en fonction des instants que nous traversons. Ici, la variété des strophes et des vers peut également nous rappeler le thème de ce poème à savoir l’orage. Ainsi, la longueur des strophes pourrait correspondre au flot variable de la pluie tombant lors d’un orage. Mais nous y reviendrons plus tard dans ce commentaire. Dernier élément formellement moderne ; le manque de rimes. Les lecteurs sont alors totalement déconcertés étant donné qu’ils avaient l’habitude d’associer la poésie à la musicalité rendue tout de suite perceptible par les rimes. Or ici, elles disparaissent totalement comme si la poétesse s’éloignait d’une tradition lyrique si longtemps maintenue.

D’ailleurs le discours du poème est lui-même étonnant. La poésie, longtemps réputée pour être obscure de par la structure de ses énoncés semble ici se rapprocher de la prose et tout spécifiquement du genre narratif. Effectivement, les lecteurs ont la sensation d’être face à un récit. Ils suivent le regard de la poétesse qui déambule dans les rues de New York. De ce fait, celle-ci nous décrit le paysage urbain qu’elle traverse et ce grâce au présent de description avec par exemple : « Les trombes d’eau se rabattent / sur la ville » (v5-6) ou encore le troisième quatrain qu’est « Entre les parois jaunes du véhicule / (…)/ les mégots s’entassent ». Elle nous décrit ainsi la violence de la pluie sur laquelle nous reviendrons par la suite et autres petits faits qu’elle observe à travers la vitre de son taxi ou à l’intérieur de son taxi. Les lecteurs ont la sensation d’être face à un tableau. Art poétique et art pictural se confondant presque. De plus, le poème progresse tel un film. Nous passons ainsi d’un plan large avec « Surgissant des trottoirs/ la pluie des gratte-ciel / incise l’averse/ et s’élance vers des fragments d’espace » à plusieurs gros plans que sont « les mégots s’entassent » ou encore « la nuque du conducteur / barre l’horizon ». Le champ de vision se rétrécit donc au fur et à mesure que nous lisons le poème. Nous suivons le regard de la poétesse qui pourrait donc être comparé à celui d’une caméra. A nouveau les arts se confondent puisque la poésie se donne des airs cinématographiques qui l’apparentent donc au discours narratif. La poétesse serait alors un narrateur personnage comme le laisse entendre l’emploi de la première personne du singulier dans : «  Je parle / Je questionne ». D’ailleurs les verbes qui sont rattachés au pronom personnel sont loin d’être ceux communément lus. Les lecteurs s’attendent normalement à des verbes de perception marquant les sentiments personnels du poète. Une fois de plus, la poétesse s’écarte du lyrisme si souvent présent en poésie. Ces verbes de parole sont davantage ceux usités dans le roman si bien que nous revenons à notre propos à savoir la sensation de lire un discours narratif, d’entrer dans une histoire ce qui n’est pas sans nous rappeler le titre du recueil qui est, ne manquons pas de le rappeler, Poèmes pour un texte. La prose et le poétique sont donc intimement liés comme nous le suggère le complément circonstanciel de but introduit par la préposition « pour » ; la poésie est au service du narratif ; la frontière traditionnelle entre les arts est rompue. L’hégémonie de la poésie sur la prose a disparu. Les lecteurs débutants sont donc confus.

        Fort heureusement pour les lecteurs, ce sentiment de confusion n’est pas total. Malgré cette modernité que nous venons d’évoquer, des éléments traditionnels demeurent au sein de ce poème.

Tout d’abord, la poésie a pour habitude de jouer avec les images. C’est ce qui la rend parfois difficile d’accès. Or, dans ce poème, les images prolifèrent avec les métaphores que sont « la pluie des gratte-ciel » (v2), « ces Goliaths de pierre » (v8), « le marécage humain » (v9), « la foule/ fantôme aux épaules rognées » (v17-18) et « Les sons patinent sur le verre » (v30). Ces images sont des plus poétiques, elles donnent à la ville un aspect grandiose, nous offre un regard esthétique certes peu habituel au niveau des associations mais malgré tout relativement traditionnelles puisque le lecteur se devra de décrypter tout cela. Il est à noté que la référence à Goliath, soit à un personnage biblique, demeure également traditionnelle.

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