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En attendant Meursault

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Par   •  21 Septembre 2018  •  Discours  •  662 Mots (3 Pages)  •  633 Vues

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En attendant Meursault

Nous sommes restés dans le soleil à contempler les deux taches qui s’éloignaient peu à peu. On n’entendait que le bruit des vagues ; elles se fracassaient lentement sur les rochers.

- « Allez viens, c’est fini, restons pas là. », dit-il soudain, brisant le silence religieux du vent.

Je n’ai pas bougé. Mes yeux regardaient toujours ces deux taches qui s’effaçaient dans le sable, un mirage, comme si l’affrontement n’avait jamais eu lieu, comme si mon esprit avait tout inventé.

- « Je t’attends à la voiture, tu me rejoins ? »

J’ai fais oui de la tête. Et, il est parti. J’ai remis le couteau - que je serrais encore dans la paume de ma main - dans ma poche.

Le bruit doux et apaisant des pas sur le sable.

Le soleil mordait ma face. Je me suis allongé derrière le rocher, la tête à l’ombre, près de la source. Me rafraîchir. Et j’ai attendu. Longtemps. J’oubliais l’altercation avec les deux blancs, mes amis qui m’attendaient hors de la plage - dans le monde réel -.

Le mirage est revenu. Un seul homme. Je me suis relevé légèrement sur le coude et j’ai plongé la main dans ma poche. A nouveau. Simple réflexe : l’Homme est un animal, et pas que politique. Lui tout de suite a porté sa main dans son veston. J’ai compris qu’il l’avait toujours. Ce revolver. Je me suis recouché sur le sable, dos qui épouse la déclivité, tempes qui s’apaisent, la tête au plus près de la source ; et j’ai fermé les yeux. Ma  main serrait le dos du couteau, il pénétrait ma chair, mes sens. Paupières mi-closes. J’ai observé l’homme : ma vie entre ses mains. L’intense lumière brouillait ma vue. Son visage n’était que l’ombre grave de la mort, elle s’était installée il y avait déjà deux heures, elle enfermait cette journée, cette plage, dans la morbide atmosphère du soleil.

Je n’ai pas vu un éclat dans ses yeux, juste deux ronds noirs qui me fixaient sans relâche. Un petit vapeur est passé au loin sur la mer bouillante de cendres, mon regard y est resté accroché. Cette photo, je l’épinglais dans mon esprit. C’était le même bateau que celui avec lequel je jouais enfant dans mon bain. J’ai revu la maison blanche, l’arbre du jardin, mère. Elle me regardait. Droit dans les yeux. Sa présence rassurante faisait surgir des souvenirs oubliés, ceux d’un temps révolu où la vie s’écoule doucement, doucement, tel le reflux des vagues sur le sable. J’ai tout revu… Et j’ai souri. A cet exact instant, la vision de ce bateau, libre, - sensation de voyage - m’a ramené à cet écho : une voiture m’attendait. Je n’avais qu’à me lever, faire demi-tour, tout serait fini. Mais je n’ai pas bougé.  Je n’ai pas pu. Ou je n’ai pas voulu. Je ne sais pas. J’étais comme écrasé, derrière le rocher, mes muscles tendus attendaient, silence de mort.

Il a fait un pas vers moi. Un seul pas. L’empreinte de son pas dans le sable. J’ai sorti le couteau de ma poche, le lui ai présenté, les yeux fermés, ma main posée sur la chaleur du sol. La lame rayonnait, brûlait ma paume. Il fallait que je le voie. J’ai dirigé le soleil sur son front. A son tour, il a rayonné. J’ai vu. Son air calme et oppressé comme moi par cette  plage qui suffoquait. Je lui tendais le couteau du sacrifice : payer la rédemption de ma sœur et celle de ce salaud de Raymond. Nous étions tous les deux là,  inconsciemment, oui, pour payer.  

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