Ecriture invention sur la guerre
Lettre type : Ecriture invention sur la guerre. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar diditeya • 18 Avril 2018 • Lettre type • 715 Mots (3 Pages) • 574 Vues
Cher Moustapha,
Aujourd’hui je vous écris de la guerre, la vraie. Vous excuserez mon écriture tremblotante mais la maladie, la crasse et la faim n’aident point. Je suis, depuis des mois, enterré dans ces tranchées, creusant ma propre tombe au milieu de la terre, une excavation longue et étroite. Vous êtes loin, vous ne pouvez point comprendre, je le sais, je le sens. J’entends votre voix grave me dire que jamais un Oulad Besbaa ne reculerait devant quelconque ennemis, je sens votre regard dur et froid sur mon dos. Mais ici ce n’est pas les batailles entre tribus, ici c’est la guerre au sens propre du terme. Jamais je n’ai vu autant d’hommes s’entretuer, autant de sang coulait sur la terre, sur la glace. Être prêt à chaque instant, telle est la règle, prêt à attaquer, prêt à tuer. Tuer, étant le maître-mot de notre histoire. Ils nous répètent qu'il faut tuer pour survivre, je dirais plutôt vivre pour tuer. Ainsi tout devient rouge : rouge comme le feu des enfers, rouge comme la rage des soldats, rouge comme le sang.
Chaque nuit, c’est la même chose, les rats nous dévorent vivant. La nourriture est infecte, sans gout. La nuit à même le sol, au milieu de la boue, du sang et parfois de nos propres sécrétions. Il est impossible de dormir sous les cris des blessés et les hurlements des obus : nous sommes devenus des morts vivants. Le paysage est horrible : il ne ressemble plus à rien, ruiné par les mines, les assauts et les bombardements, il n’est plus que terre noire couverte de cadavres puants qui ressortent au fils des jours de la fine couche de terre qui a put les recouvrir. Est-ce cela, une mort héroïque ? Se faire trouer par les obus, pourrir sous la pluie et la boue, rongé par les rats et les vers ?
J’y pense beaucoup, père, a la mort, non celle des autres mais la mienne. Tous les jours je vois des hommes plus forts, plus robustes et plus courageux que moi mourir, qu’est-ce qui retient la faucheuse de m’emporter ? La mort, j’y est aussi pensé, à travers le suicide, mettre fin a mes jours et ce cauchemar vivant qui torture mon cœur et mon âme. Je vous ai promis d’être homme, de représenter notre haute tribu combattante en France, en Europe. Revenir avec une médaille, être le plus respecté du village, avoir autant de trésor que de femmes à mes pieds, porter l’honneur de mon nom de famille sur mon dos sans abandonner, agir comme le plus grand des hommes.
Mais si être un homme veut dire tuer et en massacrer d’autres, retourner ciel et terre sous bombardements et fusillades, être mutiler, se noyer dans sa propre peur seul, au milieu d’un tel acharnement de dieu, alors je ne veux pas être homme. Je veux être la dernière des fillettes, celle qui s’accroche au voile de sa mère, celle qui passe sa journée à pleurer, celle qui cache le mouton le jour de l’aïd. Est-ce cela être un homme, père ? Tuer un humain aveuglement ? Et à quel prix ?
Encore une fois, je sais que vous ne comprenez pas, que vous arrêtez probablement de lire, les poings serrés, vos veines du front ressortant, vous soufflez fort et vous en venez suite a une rapide relecture à cette conclusion : Mon fils est un lâche.
Mais papa, je te demande de m’entendre, de mettre ta fierté et ton honneur pour comprendre l’ampleur de ce combat : Je vais mourir. Chaque seconde, chaque minute et chaque heure, je le sais : je vais mourir. Etre emprisonné dans les tranchées donnent un temps de réflexion énorme et j’ai calculé, j’ai pensé, je suis devenu le plus grand des logiciens et des mathématiciens et je le sais, maintenant, que les chances que je ressorte en vie de ce combat sont minimes, voire inexistantes.
Alors je te demande pardon une dernière fois : pardon de te décevoir, pardon de m’abandonner à une mort inévitable, pardon de vouloir rester humain jusqu’à la fin, pardon de ne pas pouvoir supporter l’horreur de la guerre, pardon de ne pas être l’homme que tu attendais de moi.
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