Duras "Un barrage contre le pacifique" L'incipit
Commentaire de texte : Duras "Un barrage contre le pacifique" L'incipit. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar charlisedch • 8 Avril 2018 • Commentaire de texte • 2 798 Mots (12 Pages) • 8 604 Vues
DURAS, Un barrage contre le Pacifique (1950)
Incipit
INTRODUCTION:
Marguerite Duras a passé, au début du XXème siècle, une enfance qui l’a beaucoup marquée en Indochine, protectorat sous autorité française. Pour sortir de la pauvreté, sa mère institutrice a acheté une concession dans la région de Kampot au prix de toutes ses économies. C’est dans ce cadre et ce contexte historique que Duras, auteur, scénariste et cinéaste, situe l’histoire de son troisième roman, Un barrage contre le Pacifique (1950), le premier d’une trilogie construite sur la durée de récits d’inspiration autobiographique : L’Amant (1984), et L’Amant de la Chine du Nord (1991). La première partie de notre roman a pour cadre la plaine où, depuis six ans, la mère s’épuise à cultiver des terres régulièrement envahies par la mer. C’est ce lieu de la plaine à l’ambiance mortifère que l’incipit, in medias res, pose d’emblée, avec le récit de l’achat et de la mort quasi immédiate du cheval.
lecture
Problématiques possibles :
Sachant qu’un incipit de roman a pour fonctions d’informer le lecteur et de le séduire, le tout début du roman de Duras répond-il à la tradition ?
En quoi cet incipit annonce-t-il la suite du roman ?
Comment cet incipit propose-t-il d’emblée une réflexion sur le monde ?
Comment cet incipit romanesque montre-t-il des personnages en lutte ?
En quoi cet incipit est-il déroutant ?
Annonce du plan : Nous montrerons tout d’abord que l’incipit est déconcertant par son caractère elliptique. Dans un deuxième temps, nous verrons qu’il annonce l’œuvre entière en présentant les thèmes dominants du roman et son atmosphère particulière. Enfin, nous verrons que l’incipit présente une réflexion sur les moyens de lutte que permet l’utopie.
I/Un incipit lacunaire et déconcertant :
L’incipit remplit partiellement ses fonctions informatives dans la mesure où cadre spatio-temporel et personnages sont esquissés.
- Un cadre spatio-temporel imprécis et symbolique :
Le roman débute dans l’imprécision : aucune indication d’époque et rien de précis quant à la localisation.
- On ne sait rien du moment de l’histoire. On sait seulement que « huit jours » séparent l’achat du cheval de sa mort. Les autres indications temporelles ne sont pas éclairantes : « le soir-même », « le lendemain » (l. )
- On ne sait pas dans quel pays se déroule l’action. La seule indication précise, « Ram » (l. ), n’est pas une ville connue. C’est en fait un nom forgé sur Réam, ville du Cambodge.
- Pourtant un lieu symbolique est clairement dessiné, celui de la plaine, lieu de l’isolement et de l’enfermement.
- Le nom « plaine » est repris deux fois : « leur coin de plaine saturé de sel » et « leur coin de plaine, dans la solitude et l’obscurité». Le terme « coin », ainsi que la répétition de « jusqu’à » souligne l’isolement des personnages, en donnant l’impression qu’ils sont au bout du monde (// titre Un barrage contre le Pacifique : dernier lopin de terre face au vide de l’océan). De même, la métaphore du « désert » (l. ) est amplifiée par la relative « où rien ne pousse » => endroit isolé et stérile.
La « plaine » est un espace clos dans lequel les personnages sont enfermés. L’allitération en dentale « dans la solitude et stérilité de toujours » illustre de manière sonore l’impossibilité des personnages à dépasser leur enfermement. L’utilisation à la l. 7 du GN « au monde extérieur » met en évidence, par effet de contraste, le monde clos dans lequel vivent les personnages. Leur isolement est également souligné par l’apposition entre virgules (l. 8) « de ce monde » : les deux espaces sont clos, enfermés par des virgules.
- Cet isolement géographique se double d’un isolement social, comme nous le montre le parallélisme des périphrases « à ceux qui vivent ailleurs, à ceux qui sont du monde ».
- Ram apparaît alors comme une rupture avec la solitude de la plaine « où ils verraient du monde » et, d’autre part, grâce à la prolepse, comme le lieu qui modifiera leur destin « la rencontre qui allait changer leur vie à tous »
=> Ainsi l’incipit met en place des lieux importants par la suite : la plaine où vivent les protagonistes et où se déroule une grande partie de l’action, Ram, l’endroit des rencontres. Dans le roman tout entier comme dans les premières pages, les lieux ont une importance symbolique que ce soit la plaine, la route, Ram ou la grande ville et ils ne sont jamais précisément localisés.
- Des personnages esquissés :
- Tout comme pour le cadre spatio-temporel, les personnages ne sont pas décrits. L’utilisation des pronoms au pluriel « leur », « tous les trois », « eux trois » (l. ), de l’indéfini « on » (l. ) permet de garder le flou, tout en soulignant l’ensemble qu’ils forment. Ils ne sont presque qu’une seule et même entité qui pense et agit en chœur. La mort du cheval affecte de la même manière les membres du trio : « Ils en furent dégoûtés, si dégoûtés […] qu’ils décidèrent… » (l. ) (sentiment +décision commune)
Cet ensemble, renforcé par leur isolement : « ils se sentaient moins seuls » (l. ), annonce le caractère fusionnel du groupe.
- Importance du trio
- Deux personnages sont toutefois nommés :
- « Joseph » : seul le prénom du personnage apparaît, ce qui instaure une proximité, une familiarité avec le lecteur. Mais on ne sait rien à son sujet, si ce n’est qu’il fume : « payer les cigarettes de Joseph » (l. ),
- « la mère », cantonnée par cette dénomination, à son statut familial. Elle ne nous est présentée que par une comparaison avec le cheval : « Le cheval était trop vieux, bien plus vieux que la mère pour un cheval » (l. ), comparaison qui met en avant l’âge de la mère.
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