Duras M. L’incipit
Commentaire de texte : Duras M. L’incipit. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar andism • 25 Juin 2018 • Commentaire de texte • 2 219 Mots (9 Pages) • 599 Vues
Duras M. L’incipit
Marguerite Duras (pseudonyme pour Marguerite Donnadieu) : écrivain et dramaturge française, née en 1914 en Indochine et décédée 1996 à Paris. Elle renouvela le genre romanesque et bouscula les conventions théâtrales et cinématographiques comme dialoguiste, scénariste et réalisatrice.
Un barrage contre le Pacifique: roman de Marguerite Duras, paru en 1950, qui raconte sa jeunesse en Indochine. L’incipit annonce l’œuvre entière car il met en place le cadre et les personnages, il présente les thèmes dominants du roman et introduit le lecteur au style particulier de l’écrivain.
I- Un incipit lacunaire
a) présentation du cadre geographique
- un lieu symbolique : la plaine. 2 fois mentionnée, « leur coin de plaine saturé de sel » et « leur coin de plaine, dans la solitude et l’obscurité »
- un nom propre : « Ram » cependant, rien de précis dans la localisation : on ne sait dans quel pays se situe le roman et Ram n’est pas le nom d’une ville connue, c’est en fait un nom forgé sur Réam, ville du Cambodge
b) présentation du cadre temporel
- de même, on ne sait rien du moment de l’histoire. Le récit comporte quelques indications de temps : « Cela dura huit jours » , « le soir-même », « le lendemain » La temporalité, dans l’incipit comme dans les pages qui suivront, est floue. On peu supposer année 1920-1930 une époque ou l’Indochine était française (colonie).
c) présentation des personnages
- deux personnages sont nommés : « Joseph » et « la mère »
- on sait néanmoins qu’il y a un troisième personnage puisque la première phrase du roman l’indique « tous les trois » Mais rien ne précise qui est ce troisième personnage.
➜ une présentation donc elliptique (fragile) :
- on ne sait de Joseph que peu de choses : il fume
- la mère ne nous est présentée que par comparaison avec le cheval « bien plus vieux que la mère pour un cheval » elle est vielle et elle n’as pas de nom elle est présenté que par sa fonction.
➜ cette présentation esquisse pourtant les relations entre les uns et les autres : ils forment un groupe; dans la plupart des phrases, ils sont désignés ensemble soit par l’expression « tous les trois », soit par le pronom personnel « ils » ;
- d’autre part, cet incipit présente aussi les conditions difficiles dans lesquelles évoluent les personnages. Elles sont parfois évoquées implicitement « ça prouvait qu’ils pouvaient encore avoir des idées » : l’adverbe « encore », de même que l’expression « tout de même capables », soulignent implicitement que cette capacité n’est pas évidente, que ces personnages sont peut-être sans forces. Un peu plus loin, « même si ce n’était pas grand-chose, même si c’était misérable » puis, dans le dernier paragraphe « même si tout est entrepris de travers » et « même si tout échoue lamentablement » met en évidence que la réalité est difficile et que les actions des personnages ont une portée très minime.
II – Des thèmes annoncés
a) l’échec
- le roman s’ouvre sur le récit d’un échec : l’achat du cheval et sa mort. Les espérances de sortir de l’isolement sont réduites à néant
➜ dans le roman, ce thème revient fréquemment : l’échec des barrages, l’échec de la vente du diamant
b) l’ennui et la solitude:
Ces thèmes sont dès la première page associés à la plaine
- par le parallélisme : « leur coin de plaine saturé de sel, jusqu’à eux trois saturés d’ennui et d’amertume »
- par l’association des personnages et du lieu où ils vivent dans la phrase : « Ils en furent si dégoûtés, si dégoûtés, en se retrouvant sans cheval sur leur coin de plaine, dans la solitude et la stérilité de toujours » ➜ « solitude » et « stérilité » désignent tout à la fois les protagonistes et la plaine.
- L’ennui s’accompagne du désir de contact avec le monde extérieur comme cela est souligné dans le premier paragraphe « ils se sentaient moins seuls, reliés par ce cheval au monde extérieur » ou encore plus loin, lorsqu’il est fait allusion à Ram, le lieu où il y a « du monde »
-«a ceux qui sont du monde »: ils ne font pas partie du reste du monde. Monde : les gens en général mais aussi monde/mondain façon de distinguer deux catégories du peuple ceux qui compte et le reste
c) La volonté d’agir
paradoxalement, malgré les difficultés, malgré les échecs, c’est sur cette volonté d’agir que se termine cette page. Les personnages, même accablés, même « dégoûtés » continuent d’agir. Ce sera l’achat du cheval pour essayer de rompre l’isolement, puis, le cheval mort, la décision d’aller à Ram « ils décidèrent ».
III – une écriture particulière
a) un registre courant : le lexique est d’une grande simplicité : les verbes « faire », « être » sont souvent répétés, « quelque chose », « la mère » , voire familier « il creva », répétition du pronom démonstratif « ça »à la place de « cela »
b) un style proche de l’oralité :
- des subordonnées sans principales : « même si ça ne devait servir qu’à payer les cigarettes de Joseph »
- de très nombreuses répétitions : le nom « idée » ,les conjonctions « même si » , « comme quoi » Les adjectifs « saturé » et « dégoûtés » De nombreuses anaphores « comme quoi »
c) un narrateur très présent
- commentaires du premier et du dernier paragraphes : le narrateur émet des réflexions quant aux décisions des personnages.
-Le pronom indéfini « on » semble désigner tout autant les personnages que l’humanité en général.
-Le passage se clôt sur une sorte de morale qui incite à l’action : « Une idée est toujours une bonne idée, du moment qu’elle fait faire quelque chose (…) parce qu’il arrive au moins qu’on finisse par devenir impatient » Ici, le présent de vérité générale incite à penser que l’on dépasse le cadre de l’histoire des personnages du roman.
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